Manga : 7 tomes 1 au banc d’essai…

Publié le 24 mai 2015 par Paoru

Chose promise chose due, après avoir braqué les projecteurs sur Your Lie in April, place à une sélection de 7 tomes 1 qui ont retenu mon attention ces dernières semaines : de l’aventure puis de la sorcellerie chez Komikku, de la romance chez Delcourt, du thriller chez Casterman, du social fantastique chez Akata, du Victor Hugo chez Kurokawa et enfin de l’action seinenesque (si si, ça se dit !) chez Soleil Manga. Ladies and gentlemen, les élus du jour ! Bonne lecture !

Dans l’intimité de Marie : aussi dérangeant qu’intriguant

Au départ je m’attendais à une nouvelle romance, certainement particulière car publiée chez Akata et signée par un certain Shûzô Oshimi. J’étais loin de me douter que l’on croiserait la route d’Isao Komori, ce neet qui a renoncé à son rêve, celui du jeune adulte indépendant qui a réussi sa vie en montant à la capitale Tokyoïte. Sa vie n’est plus qu’une alternance entre jeu vidéo, coup de téléphone aussi rassurant que mensonger à sa mère, et masturbation cloîtré dans le bordel qui lui sert de chambre. Son seul rayon de soleil est sa sortie quotidienne à la supérette pour y admirer puis suivre secrètement une jeune et jolie lycéenne… qu’il aime d’un amour fantasmé et un peu malsain, il faut bien le dire. Sauf que le jour où cette dernière se retourne sur lui, un flash surgit et il se réveille le lendemain dans le corps de la demoiselle : dans l’intimité de Marie !

Isao est finalement un type assez… bizarre, incapable de vivre dans la réalité. On conçoit aisément sa fixation sur Marie, sa bouffée d’oxygène, mais son arrivée dans ce nouveau corps féminin ne va pas vraiment arranger son cas. Idolâtrant la demoiselle, il perpétue le fantasme en se jurant de ne jamais regarder ou toucher ce corps si pur qui n’est pas le sien et ne cesse de larmoyer sur ce qu’il a pu arriver à sa la pauuuuuvre Marie. Ce type est finalement antipathique – c’est fait exprès – et on espère qu’une chose : que la dite Marie, pour l’instant disparue (car il semble qu’elle n’est pas atterri dans le corps d’Isao), soit tout sauf une sainte-nitouche et vienne lui remettre les idées en place. Malgré ce looser on se prend tout de même au jeu, pour le moment, car Isao n’est pas le seul à faire une fixation : une certaine Yori va le démasquer et partir avec lui dans cette drôle d’aventure.

Dans l’intimité de Marie relève donc un challenge : nous proposer une histoire avec des personnages tout sauf attachants mais nous tenant en haleine via un scénario relativement intriguant et un personnage mystère en clé de voute. Le gant est relevé et on attend avec impatience les tomes 2 et 3 pour voir vraiment de quoi il retourne !

Seinen toujours en cours, 5 volumes publiés dans les pages du Men’s action de chez Futabasha. Tome 2 le 11 juin. Site éditeur pour plus d’infos. Lire un extrait.

The Ancient Magus Bride : ensorcelant !

La sorcellerie sauce british, voilà un mix aussi logique qu’intéressant, surtout avec sa couverture intrigante signée par Koré Yamazaki. Tout commence avec la vente de Chisé Hatori, 15 ans, seule et sans personne mais qui a désormais un nouveau propriétaire, un sorcier non-humain, à l’apparence des plus énigmatiques. Elias Ainsworth, c’est son nom, a déboursé 5 millions de livres pour se procurer la jeune fille, une « slay vega » capable de percevoir les esprits et autres fées et porteuse d’un grand potentiel. Cette rencontre marque le début d’un relation bien étrange, entre maître et disciple mais aussi entre mari et épouse !

A l’image de ce résumé on pose donc rapidement les quelques bases du récit, et c’est l’imagination du lecteur, porté par une magie pleine de poésie, qui fait le reste. Les intérieurs délicieusement désuets, la campagne anglaise et le tempérament tout en retenue de notre gentleman sorcier établissent un univers enchanteur où l’on rêve d’une tasse de thé et d’anciens livres sur les fées ou les monstres de légende.

Fort heureusement pour nous, Koré Yamazaki n’est pas de ceux qui laissent ses personnages prendre la poussière – c’est un shônen, il faut que ça bouge un peu quand même – et il les emmène à travers le monde, pour quelques missions et plusieurs découvertes… Il faudra se méfier des fées, faire la connaissance d’un dragon de la terre pluri-centenaire où déjouer une malédiction qui plane sur le pays des chats. On se délecte de ces balades très bien mises en scène : elles se révèlent pleine de mélancolie, de destins funestes parfois, et l’héroïne y réapprend progressivement le contact avec autrui tout en s’initiant à son propre potentiel… Un premier tome envoûtant, donc.

Shônen toujours en cours, 3 volumes publiés dans les pages du Comic Blade (Amanchu, Tales of Symphonia) de chez Mag Garden. Tome 2 le 02 juillet. Facebook éditeur pour plus d’infos. Lire un extrait.

Marine Blue : les premiers pas de Yazawa vieillissent en douceur

Retour en 1989 pour découvrir le tout premier titre de la mangaka de Nana, Gokinjo, Parakiss, etc. C’est amusant qu’une mangaka si punk ait un jour proposer une histoire si conventionnelle, celle d’une serveuse de bord de mer, Haruka, dont le passé et les amours vont resurgir avec l’arrivée d’Arikawa, le beau garçon qui revient d’un long voyage aux USA. Cet ami d’enfance de Haruka a aussi été son premier grand amour, mais tout ne s’est pas déroulé pour le mieux : les quiproquos et les hésitations aidant, les deux jeunes gens se sont quittés brutalement sans pouvoir s’avouer, à l’époque, leurs sentiments. Malheureusement rien n’est simple de nos jours non plus, car la belle Haruka et le beau Arikawa ont des amis et des prétendants qui ne vont rien arranger. Les chemins tortueux de l’amour, comme toujours !

A l’image de ce pitch, le trait porte lui aussi ses deux décennies et demi de décalage : chevelures effilées, larges fronts et petits yeux ronds, sourires ultrabrights… Néanmoins Yazawa montre déjà un certain talent pour exprimer les émotions de ses personnages, pour suggérer les sentiments et les non-dits. On peut s’impatienter ou s’agacer devant le coté un peu potache de l’héroïne, qui n’a rien de nos warriors féminines modernes, mais on finit par se prendre d’affection et suivre les pérégrinations et les drames avec un sourire amusé et compatissant.

Une certaine nostalgie se créé et cette romance rappelle un peu un Lucile Amour et Rock’n roll où des beach boys auraient remplacer les rockeurs. Très honnêtement, parmi toutes les « œuvres de jeunesse » qu’ont nous a déjà ressorti, en voici une qui s’en sort pas si mal, donc, et qui ira très bien dans la rangée Yazawa de votre étagère.

 

Shôjo toujours en cours… Muarf, quel déconneur ce chocobo ! Sérieusement, shôjo fini en 4 volumes publiés dans les pages du Office You (Pil) de chez Shueisha. Tome 2 le 03 juin. Site éditeur pour plus d’infos.

Le berceau des mers : et d’aventure, en aveeeenture ♫

 Angleterre à nouveau, chez Komikku toujours, mais pour un récit totalement différent et signé par Mei Nagano. Cradle of the Sea, c’est le récit d’une injustice en pleine révolution industrielle : une jeune fille pauvre, Monica, est devenue la nourrice d’Evan, le nourrisson d’un riche gentleman. Tout se passe dans le meilleur des mondes jusqu’au décès de ce gentil protecteur, qui renvoie rapidement Monica dans les bas-fonds. Mais son chemin va recroiser celui du bambin et elle se rend compte qu’on a maquillé la mort du disparu : son cercueil est vide ! L’espoir renait et le sang de Monica ne fait qu’un tour : elle kidnappe Evan et embarque avec lui à bord d’un bateau pour partir à la recherche de son père… Le début d’un long périple.

Si vous avez déjà entendu parler de ce premier tome c’est sans doute pour ses graphismes : chara-design rond et attendrissant, bon travail sur les regards, ambiance victorienne assez bien mise en place et quelques très jolis bateaux. Le coup de crayon aime parfois se faire discret en donnant des allures d’esquisses aux planches, ou tente parfois des effets plus photographiques comme le désormais bien connu fish eye et sa déformation circulaire des perspectives. Si le visuel vous séduit rapidement, vous aimerez le récit, car ils sont à l’image l’un de l’autre, jouant sur la corde sensible de l’injustice, de l’aventure romancée, du soleil levant comme métaphore d’un nouveau départ.

Par contre, si le graphisme ne rencontre pas d’écho chez vous, passez votre chemin : l’héroïne vous agacera rapidement et les coïncidences bien heureuses vous paraîtront plus téléphonées les unes que les autres. Un titre à tester donc, avant de vous laisser emporter par le souffle de l’aventure !

Seinen en cours en 2 volumes publiés dans les pages du Gekkan Comic @ Bunch tout comme Sangsues (voir plus loin) mais aussi Le nouveau Tom Sawyer ou Btooom !, chez Shinchôsha. Tome 2 le 26 août. Facebook éditeur pour plus d’infos. Lire la preview ici.

Arachnid : une toile bien tissée

Envie d’un seinen d’action qui saigne bien comme il faut ? Ce titre scénarisé par Shinya Murata, à qui l’on doit Jackals, et dessiné par Shinsen Ifuji a quelques arguments en sa faveur. Tout commence par un pitch dont les lecteurs de séries sombres ont l’habitude : Alice est une lycéenne victime de brimades et vivant seule avec son oncle violent… Elle a pris l’habitude de s’isoler dans son monde et se couper totalement du reste. Jusqu’au jour où (ça doit être mon millième « jusqu’au jour où » je pense) son oncle se fait assassiner par un meurtrier du nom de l’araignée, qui a prévu de l’éliminer également. Mais Alice fait alors preuve d’un don de survie incroyable et manque presque de vaincre le tueur. Ce dernier vient de se trouver un nouveau disciple !

Si ce premier tome fait partie de la sélection c’est pour la remarquable efficacité de sa narration : toute l’introduction, de la révélation du potentiel jusqu’à l’éducation de l’héroïne tient dans un seul tome. Pas de chemin initiatique interminable avec un mentor imbattable, tout est appris et plié en temps record, en enchaînant un maximum les scènes d’action. Le chara-design est assez classique mais la plume reste au-dessus de la moyenne avec une bonne expression des ambiances et une mise en scène  qui entraîne facilement le lecteur dans le récit. Ajoutez à ça un petit trip assez sympa et original – chaque tueur a un surnom et un style de combat lié à un insecte – et on obtient un titre où l’on ne s’ennuie pas une seconde. Efficace j’vous dis.

Seinen toujours en cours, 11 volumes publiés dans les pages du Gekkan Gangan Joker (Secret Service, Akame Ga Kill) de chez Square Enix. Tome 2 le 24 juin. Facebook éditeur pour plus d’infos. Lire la preview ici.

Sangsues : in vivo veritas ?

Virage à 180° avec le titre précédent, même si l’on reste dans une thématique de thriller et de personnages qui naviguent dans l’ombre de la société. Ici il s’agit de Yoko, une évaporée, une jeune fille qui a disparu des radars de la société et qui vit désormais dans les maisons des autres pendant leur absence… Un verre d’eau chez l’un, une sieste chez un second, une douche et une partie de console chez un troisième : Yoko est ce que l’on appelle une sangsue. Mais elle n’est pas la seule et elle va découvrir tout un monde parallèle, fait de gens violents et de territoires à ne pas pénétrer… Des nids invisibles où règne la loi du plus fort.

Le titre what the fuck de la sélection, totalement inattendu et, du coup, diablement prenant. Comme le dit le directeur éditorial de Sakka / Casterman, il vaut mieux fermer sa porte à double tour avant de débuter cette lecture. Cela dit, au delà de faire peur, cette histoire a surtout quelque chose d’intriguant : que feriez-vous si vous aviez toutes les clés des appartements ou des maisons du quartier mais aucun chez vous ? Une façon de vivre de multiples vies en une seule, de ne plus avoir d’attache ou de compte à rendre. Mais on n’a guère le temps de se poser la question car, quoiqu’il arrive, il semble que nous ne soyons jamais seuls. Le monde des sangsues a lui aussi ses membres et ses règles de vie. Au lecteur se transmet aussi bien la perpétuelle peur d’être découvert, de redevenir visible et réintégré de force dans la société, que l’angoisse glaçante de ce qui se cache dans ce monde de ténèbres : des monstres sous le lit qui vous attraperont le pied sans que personne ne vienne à votre secours, puisque vous n’existez plus.

Narration, mise en scène, découpage, chara-design… Tout est parfaitement maîtrisé par Daisuke Imai pour un tome prenant, de bout en bout, qui vous traînera dans la tête encore longtemps après l’avoir lu !

Seinen fini en 5 volumes publiés dans les pages du Gekkan Comic @ Bunch tout comme le Berceau des mers mais aussi Area 51 ou Btooom, chez Shinchôsha. Tome 2 le 26 août. Facebook éditeur pour plus d’infos.

Les misérables : a qui la faute ?

La première critique que j’ai croisé de ce titre, par un connaisseur en plus, était assassine. Mais la seconde fut positive et la troisième dithyrambique. Et après l’avoir lu je comprends très bien, en fait, pourquoi le titre peut laisser des avis si différents. Comme vous le savez, Les misérables est à l’origine un roman de Victor Hugo et ce manga est issu d’une adaptation nippone de l’oeuvre originale, du nom symbolique Oh Impitoyable. Je ne connais que vaguement l’oeuvre de Hugo par ses nombreuses adaptations cinés, et c’était une bonne occasion de me me plonger dans les premiers chapitres de ce récit si célèbre. Maintenant que c’est fait, une chose est sûre : je ne suis pas fan du parti pris social d’Hugo où l’homme est bon et c’est la société qui le pourrit. Je ne dis pas que c’est faux, je dis que c’est un peu plus compliqué que ça.

Alors, d’accord, prendre 5 ans de prison pour avoir volé une miche de pain, il y a de quoi avoir les boules. Mais tenter de s’évader au bout de 4 ans et retenter à foison pour finir par faire 19 ans de prison… ce n’est pas bien malin non plus. Mais non, ce sont les vilains gardiens de la vilaine prison et les vilains policiers de la vilaine société qui vont faire de notre héros du jour, l’ex beau gosse Jean Valjean, le paria qu’il est. Avec une âme broyée par le sentiment d’injustice, Valjean est devenu un être plein de haine, agressif et solitaire, violent et voleur. Mais l’inaltérable bonté et foi dans le genre humain d’un curé va faire exploser sa carapace, pour qu’il revienne à sa pureté originelle. Mais le chemin est encore long et sera surement semé d’embûches.

Les Misérables tient donc de l’oeuvre tragique mais également sociétale et dogmatique. Par essence elle divise donc, d’autant que tous ces sujets sont traités avec un maximum d’emphase ici, dans une mise en scène hyper théâtralisée et un héros torturé jusqu’au bout de ses propres abîmes. Cette décision est donc assumée jusqu’au bout, il faut le reconnaître. De plus, il n’y a rien à reprocher à l’oeuvre techniquement parlant : des personnages aux décors, tout est parfaitement dans l’ambiance voulue.

Votre propension à apprécier les Misérables est  donc fortement dépendante de votre état d’esprit, de vos valeurs et de votre vision de la vie et de la société en général. C’est une excellente raison de s’y essayer, du coup.

Voilà pour ce qui est de cette sélection. D’autres tomes 1 sont arrivés depuis le début de la semaine mais Arslan, Rin, EX-VITA sont maintenant sur les rangs pour une prochaine sélection qui mélangera à nouveau et les suites. Ah, et on me dit dans l’oreillette que Twin Star Exorcist mériterait d’être essayé aussi. Bref comme le suggère la pile de lectures en retard, c’est pas vraiment le choix qui manque :

Tombera, tombera pas ?

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