Au cinéma : «La loi du marché»

Publié le 26 mai 2015 par Masemainecinema @WilliamCinephil

Après « Mademoiselle Chambon » et « Quelques heures de printemps », Stéphane Brizé nous livre « La loi du marché », où il retrouve pour la troisième fois consécutive Vincent Lindon dans le rôle principal. Stéphane Brizé et Olivier Gorce signent le scénario. Le long-métrage fût présenté en sélection officielle, en compétition, lors du 68ème Festival de Cannes et Vincent Lindon remporta le prix d’interprétation masculine. « La loi du marché » sortait dans nos salles françaises le 19 mai 2015.

Synopsis : À 51 ans, après 20 mois de chômage, Thierry commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral. Pour garder son emploi, peut-il tout accepter ?

Derrière son allure de « simpliste », « La loi du marché » dévoile un scénario bien plus malin qu’il n’y paraît, où, souvent, l’image en elle-même se suffit et où les mots paraissent dérisoires. À travers le quotidien de Thierry, le long-métrage transporte un témoignage poignant sur le parcours auquel le personnage doit faire face, et où les défaillances du système sont montrées du doigt, toujours par l’intermédiaire des actions et des images en elles-mêmes. Certaines scènes, à l’apparence banale, deviennent les vecteurs d’une intensité surprenante et d’un élan de révolte. Du rendez-vous avec la banque, au stage pôle emploi, le long-métrage démontre l’inefficacité du système, malgré la bonne foi du personnage. En opposition à ces scènes de l’ordre du travail, le long-métrage s’accorde quelques séquences plus intimes, familiales, devenant de très belles bulles d’air et créant un grand sentiment d’émotion l’espace d’un instant, où toute peur de l’avenir s’évanouit le temps d’un rock.

L’ensemble cinématographique repose essentiellement sur ces personnages, il est donc primordiale que ceux-ci soit traités de manière juste. Vincent Lindon, pilier même du long-métrage, est formidable de bout en bout. Son interprétation, plus vraie que nature, confère un sentiment de vérité à « La loi du marché ». Les dialogues, brillamment écrits, fonctionnent si bien que l’on oublie parfois que l’on regarde un long-métrage et non, un docu-fiction. La sincérité et la spontanéité des différents acteurs accentuent cela. Aucune fausse note n’est présente dans cette partition de la vie. On pourrait croire qu’ajouter un enfant, atteint de trisomie, au quotidien de Thierry, pourrait amener le long-métrage dans un pathos de mauvais goût. Il n’en n’est rien, tant il est traité de manière ordinaire avec ses soucis de scolarité et autres problèmes d’adolescents. C’est bien là que réside le secret de la réussite de « La loi du marché », un traitement sans fioritures et extravagances.

Durant les premières minutes, la réalisation de Stéphane Brizé peut paraître bien facile, avec ces seuls longs plans-séquences filmés caméra à l’épaule. Néanmoins, plus le long-métrage avance dans sa durée, plus l’essentialité de cette technique semble évidente. Avec cette caméra à « hauteur d’hommes », la réalisation ne se place jamais en position de jugement. Au contraire, la proximité offre une vision de témoin, où l’on se trouve en totale immersion. Le long-métrage devient alors une ombre fantomatique du personnage interprété par Vincent Lindon, qui se trouve être très pesante dans ses gros plans et sa façon à toujours marcher dans les pas de ce dernier. Certes, la direction photographique ou autres éléments techniques n’apportent qu’un strict minimum. Là encore, avec ce choix, « La loi du marché » inscrit une volonté de réalisme avant tout, où la vie doit apparaître le plus simplement possible, et c’est pour cela, qu’elle apparaît de manière si forte à l’écran.

« La loi du marché » est un long-métrage marquant sur le quotidien d’un homme ordinaire, un « monsieur tout-le-monde ». La performance d’acteur de Vincent Lindon et la simplicité efficace de la réalisation de Stéphane Brizé se trouvent être les principaux vecteurs de cette réussite cinématographique.

La loi du marché. De Stéphane Brizé. Avec Vincent Lindon, Yves Ory, Karine De Mirbeck, Matthieu Schaller, Xavier Mathieu, Catherine Saint-Bonnet, …

Sortie le 19 mai 2015.