Migrants de la Chapelle : une épidémie pour justifier l’évacuation ?

Publié le 28 mai 2015 par Asse @ass69014555

Soudanais, éthiopiens, somaliens, marocains, tunisiens, lybiens... Ils sont environ 200 à survivre sur une langue de bitume bordée par le boulevard où bouchonnent les voitures, sur un pont qui surplombe les trains, sous un autre où vibre le métro. 200 personnes qui ont fuit la misère ou la guerre et sont arrivés en France plein de l'espoir tout neuf de construire leur avenir ici où en Angleterre. 200 personnes qui campent sur un p'tit bout d'Afrique planté de tentes à la frontière des Xe et du XVIIIe arrondissements. Et même s'ils ne prennent pas beaucoup de place, ils dérangent ! L'évacuation du camp vient d'être annoncée au prétexte d'un risque d'épidémie non précisé...

A l'initiative de Rémi Féraud, le maire du Xe et des élus socialistes, le conseil d'arrondissement a adopté, le lundi 18, un vœu demandant à l'État l'évacuation du campement de migrants du boulevard de la Chapelle AVEC l'hébergement de tout ses habitants...

A défaut de faire rêver, cette demande laisse rêveur ceux qui ont entendu quelques jours plus tôt Manuel Valls affirmer que " la France s'opposait à la politique des quotas de réfugiés proposée par la Commission européenne ".

Certes, la réforme du droit d'asile votée en première lecture en décembre dernier (et qui était en débat la semaine dernière) prévoit de réduire de vingt-quatre à neuf mois seulement le délai d'examen des demandes grâce à des renforts importants (55 équivalents temps plein) au sein de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides).

Certes, il est question d'améliorer les conditions d'accueil en créant 10.000 nouvelles places en Cada d'ici à 2017 (4.000 ont déjà été réalisées dans différents centres d'accueil pour demandeurs d'asile) et de permettre une meilleure répartition des ­demandeurs d'asile sur l'ensemble du territoire.

Mais beaucoup de migrants ne connaissent pas ou très mal leurs droits : les demandes d'asile ont baissé de 2,2 % en 2014. Congolais, Russes et Bangladais constituent le trio de tête des demandeurs d'asile alors que ce sont les Syriens, les Russes et les Sri-­Lankais qui ont été les premiers admis en 2014...

Et voilà que Rémi Féraud obtient - rapidement - un écho favorable du préfet de police Bernard Boucaud qui, évoquant " un risque d'épidémie ", sans en préciser la nature, justifiait une évacuation rapide le mercredi 27 mai devant les conseillers de Paris.

Une " épidémie " pour justifier l'évacuation

" J'ai (...) demandé à l'Agence régionale de santé un rapport sur la situation sanitaire de ce site ". Une demande formulée bien à propos alors que la situation des migrants qui ne bénéficient pas d'eau et d'un seul WC (sur)vivent - comme à Calais - dans des conditions d'hygiène déplorables. " Ce rapport m'a été remis le 22 mai dernier. Il fait état d'un risque d'épidémie. " Un risque d'épidémie dont les rares associations présentes sur le terrain n'ont pas été informées... A moins qu'il ne s'agisse de la gale dont nombre d'entre elles font état depuis des mois ? Et qui n'est contagieuse qu'en cas de contact rapprochés ? Dont on parle si peu quand elle survient dans les écoles, les hôpitaux... " Je considère donc que ce péril imminent lié au risque d'épidémie est susceptible de justifier au plan juridique (...) que je prenne un arrêté sur le fondement de mes pouvoirs de police générale ", a déclaré M. Boucault, en réponse à une question d'actualité des écologistes.

" La décision d'évacuation qui va s'imposer " sera accompagnée " de propositions d'hébergements individualisées en fonction de la nature des publics. " Nous y voilà... " Les femmes avec enfants relèvent de l'aide sociale à l'enfance de la Ville (...) Les demandeurs d'asile ont vocation à être pris en charge par le dispositif national d'accueil en fonction de leur lieu de dépôt de demande (...) Les autres personnes en transit vers d'autres destinations et qui ne veulent pas demander l'asile se verraient proposer une mise à l'abri temporaire. " Et après cette " mise à l'abri temporaire " ? L'expulsion ? " Ce travail de recherche d'hébergements en nombre suffisant est en cours ", a précisé le préfet.

" Une fois l'évacuation réalisée, il conviendra évidemment de sécuriser immédiatement ce site afin d'éviter toute nouvelle occupation ainsi que de veiller au risque d'effet report sur d'autres campements de ce type ", a-t-il complété. Traduisez : " rendre l'échantillon d'Afrique entre béton et bitume du Pont de la Chapelle impossible au retour des migrants " ...