The C Word (2015) : entre la bonne humeur et les larmes

Publié le 29 mai 2015 par Jfcd @enseriestv

The C Word est un nouveau téléfilm qui a été diffusé le 3 mai sur les ondes de BBC One. On y relate les dernières années de la vie de Lisa Lynch (Sheridan Smith), une jeune femme qui est décédée à l’âge de 33 ans d’un cancer du sein. De son vivant, elle a apporté beaucoup de réconfort à des milliers de gens sur la planète grâce à son blogue « Alright Tit »; une sorte de journal à la fois lucide, sincère et rempli d’autodérision sur sa maladie qui a ensuite été publié. Réalisation signée Tim Kirby, The C Word trouve dès le départ le bon ton, évitant de tomber dans les extrêmes. À une ère où les modes se créent et sont oubliées en l’espace d’un clic, ce téléfilm est un vibrant hommage à une jeune femme qui aurait pu mener une vie bien ordinaire, n’eut été la maladie qu’elle a cependant tournée en quelque chose de positif grâce à ses écrits. En somme, une belle leçon d’humanité encore disponible en rattrapage sur iPlayer ou Youtube.

 

Un long chemin de croix

En 2008 à 28 ans, Lisa croit avoir toute la vie devant elle. Éditrice de magazines, elle a rencontré Peter (Paul Nicholls), l’homme de sa vie qu’elle a marié deux ans plus tôt. C’est en passant une mammographie que son médecin détecte une tumeur et elle doit subir une première opération qui consiste à aller la chercher directement, mais pour cela on doit lui enlever un mamelon. À peine l’opération terminée, on découvre que le cancer s’est propagé et qu’il se trouve entre le stade 2 et 3 (le #4 étant la limite) : il faut donc d’ores et déjà planifier des traitements de chimiothérapie et surtout, si elle veut des enfants, Lisa doit penser maintenant à faire congeler des embryons si elle veut éventuellement avoir des enfants parce que son corps ne supporterait pas le choc d’une grossesse éventuelle. Dès le départ, elle renomme ce cancer à sa façon : bullshit et c’est ce terme qu’elle utilise dans ses écrits puisqu’entretemps, elle s’est décidée à partager son expérience en créant un blogue sur le sujet. Sa plume est d’une authenticité qui ne laisse personne indifférent et elle devient bien vite l’objet de réconfort de milliers de femmes. En 2011, elle crie victoire sur tous les toits puisqu’enfin les traitements ont porté fruit, elle reprend du mieux, ses cheveux repoussent ses chroniques sont publiées en un recueil justement intitulé The C Word. Mais voilà, la maladie n’en a pas fini avec elle et un deuxième cancer se déclare. Anéantie dans un premier temps, elle prendra tout de même beaucoup de temps pour voyager avec son mari, ses parents et son frère jusqu’à ce qu’elle perde son combat, le 13 mars 2013…

Elle est bien loin l’époque des téléfilms diffusés en après-midi, doucereux, à l’eau de rose et clairement destinés à un public féminin. Bien qu’il s’agisse ici du cancer du sein, n’importe quel type d’auditoire ne pourra rester insensible à l’histoire d’autant plus que Lisa est dans la fleur de l’âge lorsqu’elle reçoit son diagnostic. Certes, le sujet est lourd et on ne peut faire abstraction des moments de pessimismes que traversent la désormais blogueuse. On ne censure rien quant aux ravages causés par le cancer (notamment des plans de la poitrine de la protagoniste après sa première chirurgie), mais cette dose de réalisme est, il va sans dire, essentielle à la crédibilité du film. D’ailleurs, après avoir vu le film, Antonia, une des proches de Lisa, s’est déclarée estomaquée par la minutie et l’exactitude de la mise en scène : « I wasn’t prepared to see Sheridan wearing Lisa’s jewelry – the silver nameplate, the cocktail ring Pete gave her after the first round of chemo – but those things were important. It had to be done right. There was the mug from their actual kitchen cupboard, that postcard from the fridge. I thought of all the exhaustive work that had gone into getting this right (…) All of these efforts had been made to honor Lisa and I was grateful for them. »

En même temps, Lisa est une battante et l’on retrouve plusieurs scènes réconfortantes dans The C Word, notamment dans ses rapports avec sa famille et son mari qui lui offrent un amour indéfectible et qui se rangent à ses côtés jusqu’à la fin. Preuve qu’ici on ne verse pas dans le sentimentalisme inutile, le film se termine sur une note positive alors qu’elle profite pleinement d’un bel après-midi ensoleillé avec des copines. On évite la longue agonie finale qui oui aurait pu nous tirer des larmes, mais ce n’était pas dans la personnalité de Lisa de broyer du noir et en ce sens, la fiction est à son image.

 

Hommage à l’auteure

Rien qu’au Canada, le cancer du sein est la deuxième principale cause de décès chez les femmes et il n’est pas anodin de la part de BBC d’avoir choisi de mettre en scène l’histoire de Lisa parce que ce qui l’a différencié des autres femmes est qu’elle s’est pour ainsi dit mise à nu avec son blogue. En effet, à plusieurs moments, The C Word (outre le titre qui réfère à son livre) revient constamment sur le côté blogueuse / auteure de Lisa. Elle affirme plus d’une fois qu’elle n’a aucun mérite à partager son expérience; qu’elle n’écrivait que pour elle-même et qu’il ne s’agissait que d’un défouloir. De ce point de vue, elle ne convainc pas grand monde puisque ses proches, Peter aux premières loges, voit à quel point son visage s’illumine lorsqu’elle lit des commentaires et répond à ses lectrices. Elle a même rencontré plusieurs d’entre elles et c’est assurément cette reconnaissance d’autrui qui l’a aidé à avancer. Dès lors, on comprend que son combat de ne limite pas seulement à son cancer puisque lorsqu’elle apprend que ce dernier revient en force, le scénario est surtout orienté autour du fait qu’elle ne veuille plus écrire : elle a l’impression que tout ce qu’elle a fait jusqu’ici est un échec et quel n’est pas son désarroi lorsqu’en visite chez une psychologue qui ignore qui elle est, on lui donne son propre livre pour la réconforter… Ce n’est pas un hasard si le téléfilm se termine sur Lisa qui reprend son blogue : c’est faire preuve de beaucoup d’humilité, de courage et de générosité que de continuer, malgré tout, à porter le flambeau de la maladie.

Son ou ses combats n’auront pas été vains : The C Word a été vu en direct par près de 5 millions de téléspectateurs, soit, la dixième émission de BBC One la plus écoutée de la semaine. En plus, au lendemain de la diffusion, son livre s’est retrouvé au premier rang des ventes sur le site d’Amazon. Seul bémol dans toute cette histoire : sur la page Wikipédia qui lui est consacrée, on a mis le lien alrighttit.com en omettant d’y inscrire blogspot (http://alrighttit.blogspot.ca/): le résultat est qu’on tombe inévitablement sur un site pornographique…