Bénarès est une hydre à deux têtes, Jekyll et Hyde, deux mondes parallèles, juxtaposés et pourtant entremêlés, un côté lumineux, un côté obscur. Au bord du Gange, c’est le pays des Dieux et de la lumière. Le soleil y est omniprésent et balaie la moindre marche, le moindre recoin. Aucun arbre, aucun abri pour s’en protéger, juste des berges en pierres, nues et sans artifice. Aucune ombre ne vient se déposer sur le serpent liquide. Rien pour se cacher de lui. Tel Caïn assujetti pour toujours au regard de Dieu, nous n’avons aucune chance de nous soustraire ici à celui du fleuve. Être au bord du Gange, c'est être entre les mains d’un géant, soumis à sa puissance et sa force.
Sa vigueur et son énergie, c’est avec calme qu’il les exprime. Son cours est lent et majestueux. Le long de son parcours, les rives se font respectueuses et silencieuses. Pas de cris, pas de voitures, pas de courses. Simplement des hommes, des femmes et des enfants qui marchent, prient, chantent, méditent, et, plus prosaïquement, se lavent ou lavent. Quelques animaux aussi, des buffles, des vaches et des chiens, s’y déplacent sans bruit. Sont-ils conscients de l’importance de ce qu’ils côtoient ?