Boyhood

Publié le 07 juin 2015 par Cinephileamateur

"Je ne veux pas me faire remarquer. Je ne veux pas vivre ma vie à travers un écran. Je veux une vraie interaction."
Avec une durée de presque trois heures, j'avais raté "Boyhood" lors de sa sortie en salles, ne réussissant jamais à le caser dans mon emploi du temps. Pourtant, le concept même du film m'attirait beaucoup et les excellents retours que je pouvais en avoir ont davantage accentué ma curiosité. Du coup, lorsque j'ai vu que le film passait à la télévision, je n'ai pas hésité trop longtemps pour le découvrir enfin.
Et je ne le regrette pas car au-delà de son simple concept de filmer cette histoire sur douze ans, j'ai vraiment adoré ce scénario écrit par Richard Linklater. Feel good movie par excellence, j'ai adoré cette tranche de vie qui ne possède ni véritable début, ni véritable fin. On suit l'évolution d'une famille qui pourrait être la nôtre dans une société qui évolue tout autant et sociologiquement parlant, même si ici il s'agit de fiction, je trouve cela très intéressant. Ce passage de l'enfance, à l'adolescence puis au monde adulte est construite de façon très intelligente à mes yeux en n'oubliant jamais de mettre les différents personnages au centre du récit.
Si l'absence de véritable fil rouge m'a un peu déstabilisé au début, j'ai en tout cas très vite été pris par cette belle leçon de vie. J'ai tout de suite eu beaucoup de sympathie pour cette famille, j'ai aimé leurs interactions et les différentes questions qu'ils peuvent se poser m'ont plu. C'est le genre de film que j'apprécie car il nous propose une invitation à aller vers les autres, une invitation à découvrir le monde qui nous entoure et à l'accepter avec ses qualités mais aussi c'est défauts. C'est une invitation à la vie tout simplement et ça me parle.
Le casting est lui aussi excellent. Dès les premières scènes, on ne peut qu'éprouver une certaine tendresse pour Ellar Coltrane qui incarne un très bon Mason Junior. Son personnage n'est pas toujours parfait, comme tout le monde, il possède ses défauts, mais on prend un véritable plaisir à suivre son évolution, ses joies, ses peines et son envie de découvrir le monde avec un regard neuf. J'ai eu un peu moins d'affinités avec Lorelei Linklater (véritable fille du réalisateur à la ville). Ce n'est pas vraiment la faute de l'actrice qui est plutôt bien dans son rôle mais à différentes reprises, je trouve son personnage de Samantha un peu trop détestable. J'ai rarement eu une véritable sympathie pour ce portrait même si je comprends sa construction et qu'il ne choque en rien mon plaisir face à ce film.
J'apprécie beaucoup aussi les comédiens qui incarnent les parents de cette famille qui n'aura de cesse de se chercher, de s'apprivoiser, de se construire. Patricia Arquette en Olivia est assez touchante. Même si elle semble avoir du mal à trouver l'homme qui lui convient, j'ai trouvé que dans le rôle de la mère combattive, elle faisait le job de façon convaincante. Parfois un peu effacé dans sa vie, j'ai eu également de la tendresse pour elle. De son côté, Ethan Hawke en Mason Senior est tout aussi excellent. J'ai trouvé que c'était une riche idée que de le faire venir un peu plus tard que les autres pour montrer comment son rôle à tout à faire pour obtenir la place qui lui revient aux côtés de ses enfants. Le comédien est vraiment très bon, j'aurais même aimé le voir davantage tant il apparait sincère et honnête dans sa démarche.
Pour le reste de la distribution, les autres acteurs sont un peu plus en retrait. Ils ne sont pas effacés mais ils savent tous garder leurs distances afin que le film se concentre surtout sur le quatuor familial qui nous réunit. Libby Villari fait ainsi une très bonne grand-mère. Charlie Sexton en Jimmy, même si on le voit peu, est vraiment sympathique dans la peau de l'ami de Mason Senior. Marco Perella en Bill Wellbrock m'a lui un tantinet moins plu. Je trouve son évolution trop brutale et trop prévisible à la fois avec une interprétation un peu caricaturale. Sa présence confirme en tout cas le fait que j'apprécie plus le fait qu'on se concentre sur cette famille plutôt que sur ceux qui vont croiser la route de cette famille. Zoe Graham en Sheena m'a elle, plu de façon très agréable et j'ai trouvé intéressant le rôle d'Annie, bien joué par Jenni Tooley.
Premier long métrage que je découvre de Richard Linklater, j'ai trouvé la mise en scène de ce dernier tout à fait brillante. Il y a déjà le concept des douze ans que je trouve excellent mais sa façon de réaliser m'a beaucoup plu. Esthétiquement, c'est vraiment très beau, très agréable à suivre. J'ai regardé ce film comme on déguste une petite friandise acidulé. Ça ne laisse pas indifférent mais c'est savoureux et le souvenir de mes pensées d'enfance ainsi que mes désirs d'avenir sont ressorti durant mon visionnage.
Voir ce film me fait me sentir bien. Dès la fin de la projection, j'ai envie de sortir, de vivre de nouvelles expériences, de découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles façons de voir... Tout autant d'émotions qui ne me laisse pas indifférent lorsqu'un film me les procure. La photographie est, elle aussi, vraiment magnifique avec une lumière chaleureuse que j'ai apprécié. C'est jamais trop tape à l’œil, jamais dans la surenchère, jamais trop stylisé et pourtant c'est diablement agréable à suivre. On est jamais dans la recherche du drame gratuit, il n'y a pas de gros événement en soit, il y a juste la vie voilà tout.
Malgré les nombreuses ellipses et autres sauts dans le temps, on n'est jamais perdus. Le montage très bon fait que tout s'enchaîne avec une très grande fluidité. Il y a bien sûr un travail fait sur les situations, les costumes, les coiffures, les maquillages pour montrer ce temps qui passent mais cette succession de scènes se fait malgré tout d'une façon très naturelle. Quant à la bande originale composée par Randall Poster, je l'ai trouvé tout aussi excellente avec un doux choix musical qui correspond bien à chaque fois à l'époque ainsi qu'à la scène qu'on est en train de vivre. Globalement, c'est une bande originale que j'apprécie énormément.
Pour résumer, j'ai eu un gros coup de cœur pour ce "Boyhood" qui n'a pas du tout volé tous les bons échos que j'ai pu lire ou entendre à son sujet. Je suis vraiment satisfait d'avoir enfin pu voir ce film qui représente tout ce que j'aime au cinéma. C'est un film qui nous fait nous sentir bien, une tranche de vie qui nous donne envie de nous ouvrir au monde, un film bénéfique avec de belles émotions. J'ai eu une très grande tendresse pour cette famille, très bien interprété par des comédiens convaincants et mis en scène de façon magistrale au point qu'on ne voit pas du tout le temps passé. Un très grand film qui vaut vraiment le détour et que je reverrais avec un certain délice.