Ligne TGV Tours-Bordeaux : tout le monde devra se serrer la ceinture

Publié le 09 juin 2015 par Blanchemanche
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C’est l’une des futures lignes à grande vitesse les plus attendues, mais les polémiques ne devraient pas cesser avant son ouverture, à l’été 2017. La ligne Sud-Est Atlantique (SEA Tours-Bordeaux) fait l’objet depuis des mois d’un bras de fer entre la SNCF, les collectivités locales, en partie financeuses, et Lisea, une filiale de Vinci, chargée de sa réalisation et de sa maintenance sous forme de concession pendant cinquante ans.La tension est tellement montée qu’à la fin de 2014, pour rabibocher tout le monde, Guillaume Pepy, le président de la SNCF, a appelé à la rescousse Jean Auroux. L’ancien ministre du travail de François Mitterrand se lance à partir du 9 juin dans une tournée des collectivités locales pour leur présenter ses préconisations de dessertes et d’arrêts intermédiaires mis en place par la SNCF entre Paris et Bordeaux.

Partenariat public-privé

Ce n’est pas rare d’avoir des difficultés pour calibrer une nouvelle offre, mais ligne Sud-Est Atlantique ressemble au casse-tête absolu… Faute de financements publics suffisants, le projet a été développé sous forme de partenariat public privé pour un coût global de 8 milliards d’euros (raccordements avec le réseau existant compris). Vinci et ses partenaires privés ont pris à leur charge près de la moitié de cette somme, tandis que l’Etat, les collectivités locales et SNCF Réseau ont subventionné la ligne. Alors que le TGV Est a, par exemple, été financé à hauteur de 78 % par des subventions publiques, SEA l’est à 40 %. Cela implique de reporter le coût sur les utilisateurs, sous forme de péages acquittés par la SNCF à Lisea.Lire aussi : Les trains de nuit et des tronçons de ligne pourraient être supprimésLe problème, selon la SNCF, c’est que les péages seront tellement élevés que l’économie globale de la ligne sera impossible à équilibrer. « En 2017, les péages envisagés en heure de pointe sur des TGV à double niveau sont de 48 euros par train/kilomètre, alors que pour un Paris-Lyon, la SNCF paiera la même année 31 euros par train/km pour le même service », explique Rachel Picard, la patronne des TGV à la SNCF.Avec une marge moyenne des TGV de 10,3 %, les nouveaux péages vont faire plonger dans le rouge le TGV bordelais. « Dès le lancement, nous perdrons entre 150 et 200 millions d’euros par an sur cette seule ligne », reprend-elle. Et ce en proposant un nombre de places égal à ce qui existe aujourd’hui sur moins de trains : les nouveaux TGV transporteront 550 passagers contre 450 aujourd’hui…

Combattre l’avion

C’est que la SNCF ne croit plus au potentiel de la ligne. « En 2009, on espérait pour 2017 15 millions de passagers sur l’ensemble des dessertes de SEA… Aujourd’hui, du fait de la crise et de tous les modes concurrents, comme le covoiturage et l’autocar, nous n’attendons plus que 13 millions de personnes. Alors cela ne sert à rien de multiplier les trains s’ils voyagent à moitié vides », reprend Rachel Picard.Cette attitude est jugée malthusienne par Lisea, qui estime qu’en étant ambitieux sur les dessertes, notamment sur le Paris-Bordeaux, qui passera de trois à deux heures, on se donnera les moyens de combattre l’avion pour lui prendre ses clients business. « Nous attendons environ 18 millions de passagers sur la ligne. En baissant d’une heure le voyage vers le sud-ouest, on devrait pouvoir accroître de 20 % l’attractivité des TGV vers Bordeaux, le Pays basque et Toulouse », critique-t-on ainsi chez Lisea.Jean Auroux, en bon négociateur, estime qu’il faut couper la poire en deux. « Il faudra que tout le monde y mette du sien. La SNCF devra étoffer le plan de dessertes qu’elle prévoyait. Les collectivités locales devront accepter de ne pas obtenir tout ce qu’elles demandaient… Enfin, Lisea devra également faire des efforts. Personne ne comprendrait que tout le monde en fasse, sauf lui. »« Nous ne sommes pas fermés à une baisse des péages, mais il faut dans un premier temps que le nombre de fréquences prévu reparte à la hausse, en rapport avec ce qui était prévu par la déclaration d’utilité publique. », indique-t-on chez le concessionnaire.Pour mettre tout le monde d’accord, Jean Auroux prévoit surtout « qu’un an et demi après l’ouverture de la ligne, un bilan soit tiré pour voir où en est le service. Cette clause de revoyure permettra d’ajuster la desserte selon les résultats économiques ». Il faut voir si un compromis sera trouvé d’ici à la fin de juin, date butoir pour caler les nouveaux horaires de 2017.
Par Philippe JacquéLE MONDE ECONOMIE | 08.06.2015
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