Hélène, en voiture !

Publié le 10 juin 2015 par Montaigu

 Livre : la suite.

A vos marques,  prêts : T !

Le signal était donné, je disposais devant moi de deux mois pour concocter un ouvrage.

Je  pensais à un petit livre qui se lise en 3 heures maximum et j’étais attachée (déjà) à une couverture genre BD pour démystifier un sujet réputé très sensible. J’avais structuré un plan en 3 parties, donc je me suis attaquée à la première. Cette phase s’est plutôt bien déroulée et je me suis amusée. Mes idées étaient claires.  J’avais demandé à un copain de me relire. J’ai introduit pas mal de thèmes comme les comportements individuels face à l’argent, les motivations pour en gagner, la naissance d’une histoire personnelle avec cette chose. J’ai ajouté des petits trucs que j’aimais bien, des citations, des témoignages. En trois semaines, c’était bouclé.

 Le grand manque de cette rédaction, comme je m’en rendrais compte plus tard, était le défaut de relecture de ma part.  Il est nécessaire d’y consacrer au moins autant de temps qu’à l’écriture. J’ai été saisie par les délais et je ne pensais qu’à ça. Certes l’éditeur, relit ( et encore !) mais surtout pour s’assurer du style et de la cohérence de l’ensemble. En outre, j’attendais dans ma grande naïveté, quelques lignes directrices de sa part, on avait évoqué un conseil éditorial, mais ce monsieur, appelons- le André, ne me dirait quasiment rien. Cette absence de commentaires  a constitué le grand écueil de cette expérience. En réalité je naviguais seule.

 Une fois cette première partie rédigée, nous nous sommes entretenus au téléphone. Ce sera une des rares fois où André émettra un avis : un ton un peu trop agressif pour le lecteur, et là, nous  sommes convenus d’introduire des personnages qui incarneraient les attitudes telles que: la haine, la jalousie et la réticence. Il m’a glissée quelques suggestions de style. Et puis : "on enchaîne sur la suite ", a-t-il dit. La publication étant calée sur juin, la version complète était à remettre avant Noël afin de lui permettre de la lire tranquillement pendant la période des fêtes de fin d’année. De contrat d’édition, il ne m’a soufflée mot. Trop bien élevée, je n’ai rien dit. Erreur ! 

Le doute sur la qualité de mon travail ne m’a pas effleurée. Je n’ai pas imaginé qu’on puisse me dire que c’était nul puisqu’on me demandait de continuer. J’ai poursuivi,  hardi petit!  Ce fut un cauchemar. L’apprentie- auteur que j’étais s’est perdue dans son plan qu’elle essayait de suivre tant bien que mal. Je pataugeais totalement, obnubilée par la date butoir. Je ne mangeais plus, ne dormais plus. Mon relecteur me livrait quelques suggestions. Il m’avouera bien plus tard, quand la version sera définitive, qu’il ne voyait pas où je voulais en venir ! 

Bref, je conduisais une voiture dont je ne maîtrisais pas la vitesse. Et c’est donc essoufflée et échevelée que je me suis écroulée à la ligne d’arrivée. J’avais remplie mon contrat (enfin une très petite partie). 

Début janvier, coup de fil d’André pour un rendez-vous dans un troquet dans le centre de Paris. Je profite de l’occasion pour recueillir son sentiment. Réponse : "Y-a du boulot! ".

Le jour J, je me pointe. Il étaient 2. Lui et une femme qui a passé une bonne partie de l’entretien au téléphone. Ils étaient avenants. On a parlé de la jaquette du livre. Quant au contenu, on est passé rapidement. André : "il faut revoir pour la fin du mois ". Moi : "avez-vous lu? ". Réponse : " seulement la première partie ". On a discuté de quelques points, sans plus. C’était sympathique mais décousu.   On s’est quitté très courtoisement. Je suis repartie avec mon manuscrit sous le bras.  

De retour devant mon ordinateur, j’ai bossé. J’ai corrigé, revu, modifié. J’ai renvoyé le bébé comme prévu et là, j’ai attendu. Pendant 15 jours, rien. J’ai fini par le contacter sur son portable. Un peu gêné, il se tortillait : " j’ai un autre projet professionnel, je pars en Bretagne. Je ne m’occupe plus de la maison d’édition ( il le faisait bénévolement). Nathalie, que vous avez rencontré, reprend votre projet. Elle devrait vous contacter rapidement. Il n’y a pas de soucis ". 2 jours plus tard, j’ai un message, de Nathalie. "Voilà, il faudrait que je vous parle. Je pense que votre livre dans l’état actuel n’est pas éditable. Ce n’est pas abouti ". Je suis tombée de haut.

J’ai eu la sensation d’avoir été menée en bateau par des gens désinvoltes. Certes les éditeurs sont très sollicités : ils reçoivent  6000 manuscrits par an. J’étais totalement novice. J’avais en vain proposé que l’on consacre une heure à examiner à la loupe au moins une partie ou quelques chapitres. Ce qui m’avait convaincue de poursuivre ce projet avec eux, c’était bien l’idée de ce conseil éditorial. Or invariablement j’entendais : "je n’ai pas le temps".

Manifestement Nathalie avait, elle, lu, quand André n’avait fait que survoler. Et la conclusion était sans appel. Mon livre était recalé. Je me sentais seule face au mur infranchissable d’un monde dont je ne saisissais pas les règles. Lors de notre entretien de janvier, je me rendais compte qu’on ne m’avait strictement rien dit car personne n’avait regardé réellement le texte. Nous avions discuté de la couverture : un comble. Le sentiment d’échec s’insinuait.

Ma légitimité, elle, se marrait! « Pour qui tu te prends? Je te l’avais bien dit. »

J’étais confrontée à une situation de pouvoir

D’un coté celui régalien de l’éditeur, avec un p majuscule, devant lequel on s’incline.  De l’autre le mien, avec manifestement un très très petit p, dans mes capacités et aptitudes à écrire. Petite anecdote : une amie qui connaît bien le sujet m’a racontée que les relations éditeur-auteur sont intuitu personae. André avait initié un projet dont Nathalie vraisemblablement, ne voulait pas, parce qu'elle ne l'avait pas suivi dès l'origine.

Cependant j’avais dans les mains quelque chose, un brouillon, qui m’avait occupée l’esprit nuit et jour et je ne comptais pas l’enterrer.

Prochaine échéance: convaincre Nathalie de reprendre le sujet.

Une paille !