Transplanter l'horloge biologique

Publié le 15 juin 2015 par Santelog @santelog

L’idée est d’implanter un rythme circadien ou un cycle de 24 heures pour manipuler un circuit biologique –qui en est dépourvu- et obtenir un processus biologique programmé et prévisible. La preuve de concept nous est apportée par cette greffe réussie, d’un rythme circadien dans une espèce naturellement non circadienne, réalisée par une équipe de Harvard. Une prouesse non dépourvue d’implications, comme, par exemple le développement de médicaments à libération circadienne ou d’autres applications thérapeutiques innovantes.

Le rythme circadien ou horloge biologique comprend des processus biologiques calés sur un cycle de 24 heures qui permettent d’orchestrer sur un rythme quotidien notre physiologie et, grâce à un ensemble complexe de molécules, la synchronisation de notre métabolisme avec l’environnement. Ce rythme peut être perturbé et son dérèglement est associé à de nombreux troubles, dont les maladies métaboliques et certains troubles neuropsychiatriques, dont le trouble bipolaire, l’anxiété, la dépression, la schizophrénie et les troubles du sommeil.

Ces scientifiques se sont mis au défi d’exploiter ce mécanisme circadien, à partir de celui-même de cyanobactéries (micro-algues) pour le transplanter dans des bactéries dépourvues  » d’horloge « , de l’espèce E. coli. L’idée étant plus largement de pouvoir manipuler ou programmer un processus biologique d’une manière prévisible.

E. coli n’a pas été choisie par hasard : C’est en effet une bactérie largement utilisée par les biologistes en raison de sa facilité à être génétiquement altérée. La E. coli version circadienne pourrait être utilisée dans les pilules probiotiques comme un moyen de rééquilibrer le microbiote intestinal, par exemple.

Pour doter E. coli d’une horloge, le circuit chargé de réglementer les rythmes circadiens a été extrait des cyanobactéries puis transplanté dans E. coli, où il a pu être connecté à d’autres gènes dont l’expression influence les fonctions métaboliques et comportementales. Précisément, le  » module  » a été connecté à des protéines fluorescentes qui s’éclairaient chaque fois que les rythmes circadiens se mettaient en marche : E coli se met alors  » à briller  » en cadence, apportant ainsi la confirmation visuelle de la réussite de la greffe.

Livrer E. coli circadienne sous forme de pilule, est l’objectif ultime de ces scientifiques. Cela permettrait en effet de doter certains circuits biologiques d’une minuterie, soit directement chez l’hôte soit dans des composés actifs permettant ainsi leur libération circadienne. Les implications, qui restent évidemment à développer sont immenses, étant donnée l’influence de l’horloge interne sur le métabolisme, le risque d’obésité et de diabète. Pour de nombreux médicaments aussi, en particulier les anticancéreux dont l’efficacité peut fluctuer aujourd’hui selon le moment de la journée. Encore une fois, le grand avantage de ce système serait de pouvoir soit libérer le médicament en fonction du rythme circadien du patient. Application possible aussi en cas de  » jet lag « , où  » E. coli circadienne  » viendrait reprogrammer et réajuster le rythme circadien du corps au nouveau cycle jour-nuit.

Transplantabilité du ryhtme signifie donc opportunité de moduler à façon les systèmes biologiques en fonction de l’environnement. Une voie tout à fait innovante s’ouvre, avec ces travaux, pour le traitement des maladies liées au dérèglement de l’horloge…

 

Source: Science Advances 01 Jun 2015: DOI: 10.1126/sciadv.1500358 Transplantability of a circadian clock to a noncircadian organism

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