Est-il impensable de donner aux migrants le droit d’espérer ?

Publié le 20 juin 2015 par Asse @ass69014555

Quand on veut montrer aux migrants qu'on a une véritable volonté de les informer sur leurs droits (ce qui ne saurait se résumer à leur fourguer une liasse de documents écrits en français avec des démarches à effectuer sans aide) on ne les sépare pas sans leur demander leur avis : on les héberge, on les nourrit, on les informe, on fait connaissance et ensuite on leur demande leur avis et leurs intention sur ce qu'ils veulent faire de leur avenir. La confiance se gagne sur la durée et les réalités, pas sur de pieuses intentions ! On ne brise pas à leurs pieds les espoirs qu'ils ont portés sur notre pays et sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité.

Quand on veut montrer aux migrants qu'ils ne sont pas les bienvenus, on envoie les forces de police les déloger où qu'ils se posent, quelque soient les tentatives citoyennes (puisque l'État se montre défaillant en la matière) de les abriter, de les nourrir, de les informer et de soutenir leurs choix de vie...

Petite interrogation : combien coûtent les expulsions à répétition des migrants pour lesquelles ont été mobilisés des centaines de policiers, des dizaines et des dizaines de véhicules, des dizaines de fonctionnaires ? Combien coûterait la mise aux normes rapide et immédiate d'un immeuble de bureaux ne servant à rien d'autre qu'à la spéculation où accessoirement se trouvent déjà des toilettes et des points d'eau ?

Ali, réfugié érythréen fait partie migrants emmenés ce matin au centre d'hébergement de Vincennes à côté du CRA. Il en est revenu par peur de cette proximité avec le retour à la case départ que représente un hébergement à côté d'un centre de rétention administratif... Quand les choses sont insuffisamment ou mal expliquées, sans que la confiance ait eut le temps de s'établir, ce qui en étonne certains fait peur aux réfugiés ! Félix, migrant nigérian est là parce que, dit-il, " il n'y avait pas de place pour tout le monde dans les bus ce matin ". Yakoub, réfugié libyen raconte : " on a demandé à manger dans le centre d'hébergement, ils ont dit non, on est partis ". Selon Houssam, soutien des migrants, certains qui ont été emmenés à l'hôpital et étaient absents ce matin n'ont pas été pris en charge par l'Ofpra.

Ils sont une trentaine... Ne pouvant revenir au jardin d'Éole évacué " en douceur " le matin même et toujours sous " bonne " garde, ils se dirigent vers le gymnase Jean Jaurès - sans humour - de l'avenue du même nom, qu'ils occupent avec leurs aidants. Là, le scénario se rejoue pour la 7e fois : police contre soutiens (bénévoles, voisins, militants, journalistes), gaz, bousculade, charges...

Un aidant écrit : " ce qui était encore plus effrayant c'était l'attitude de certains " soutiens " à l'intérieur qui n'ont eu de cesse de diviser les Réfugiés... une fois de plus ". Des " soutiens " qui les poussent dans des situations dont ils ne mesurent pas toujours la dangerosité du contexte, pour servir d'autres luttes plus politisées. Nous l'avons déjà observé et dénoncé depuis l'arrivée des migrants sur le parvis de l'église Saint-Bernard.

Les migrants de Paris sont coincés entre bien des " amitiés " qui brouillent la seule chose qui leur importe : la sécurité et un minimum de confort pour comprendre leurs droits et choisir. Aidants, militants, activistes, Mairie, État et associations à leurs service s'affrontent en perdant de vue la seule chose importante : l'avenir brisé dans leurs pays d'origine d'hommes qui ne parviennent même plus à reprendre espoir.

Ce soir, ils sont tous épuisés par cette lutte inique. Certains sont de plus à jeun car c'est le second jour du ramadan et ils n'ont pas eu le temps de toucher à l'Istar préparé par leurs soutiens. Alors ils finissent par sortir d'eux-même par une porte dérobée : une nouvelle dispersion, suivie d'une nouvelle installation quelque part... Parce qu'il est humainement impossible de ne pas dormir, de se séparer de ses compagnons d'infortune et... d'espérer...

Parce que de là où ils viennent, il n'y a même plus d'espoir.

Écrit grâce au signé Raphaël Krafft