Caroline Solé : La pyramide des besoins humains

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

La pyramide des besoins humains  de Caroline Solé  3,75/5 (14-06-2015)

La pyramide des besoins humains  (128 pages) est sorti le 27 mai 2015 aux Editions L'École des Loisirs.

  

L'histoire (éditeur) :


L’ensemble des besoins des êtres humains peut être classé en cinq catégories. Aujourd’hui, cette théorie est le principe d’un nouveau jeu de télé-réalité : La pyramide des besoins humains. Nous sommes 15 000 candidats, et dans cinq semaines il n’en restera plus qu’un. Et moi dans tout ça ? Disons que je m’appelle Christopher Scott. Disons que j’ai dix-huit ans. Que j’habite sur un morceau de carton, dans la rue, à Londres. Enfin, peu importe mon nom, peu importe mon âge. Je suis le candidat no 12778. Je n’existe pas encore. Mais je risque fort de devenir quelqu’un, et même quelqu’un de célèbre. Et c’est bien ça le pire.

Mon avis :

Christopher Scott, fugueur, sans abri qui vit principalement à Chinatown à Londres sur un matelas constitué de cartons, s’est inscrit par hasard et simplicité à un jeu de téléréalité basé sur la pyramide des besoins humains de Maslow (psychologue américain, surtout connu pour son explication de la motivation par la hiérarchie des besoins, représentée par une pyramide des besoins).

Il revient sur les différentes étapes qu’il a franchies et explique comment ce jeune homme invisible de 15 ans, qui a quitté un père violent, s’est retrouvé candidat 12778 surmédiatisé et sur le devant de l’affiche.


Cette histoire est assez dérangeante. Elle traite bien évidement des réseaux sociaux et de la téléréalité, mais dénonce l’hypocrisie du système qui s’intéresse ici à ChistopherScot54 mais délaisse l’adolescent toujours anonyme sur son carton, à qui personne ne jette un regard. Le contraste entre la misère sociale et le besoin de reconnaissance ou bien même celui d’être vu à travers le jeu met mal à l’aise et donne à réfléchir. Les dérives de notre société sont clairement mises en avant et son récit purement fictionnel trouve une résonnance tout particulière, comme si la part de réalité était finalement bien plus grande qu’il n’y parait.

« A partir de ce troisième niveau, je commence à vivre à la troisième personne. Comme ces adolescents qui regardent leur avatar sur un écran, j’observe ChristopherScott54 devenir une célébrité. » Page 77

Christopher est un jeune homme (pour ne pas dire un enfant) touchant par sa lucidité et son histoire, qu’il dévoile doucement avec quelques souvenirs avec son frère et ses interrogations quant à un éventuel avis de recherche lancé par ses parents. Il est plein de colère mais arrive à passer les étapes avec beaucoup d’intelligence (sans soulevé l’apitoiement).

« Ces premiers moments  de liberté sont marqués au fer rouge sur mon corps. Je veux toujours y revenir, même s’ils me font souffrir. » Page 42

Le lecteur ne manquera pas de réflexion avec cette pyramide des besoins humains aussi bien sur la société de consommation, la célébrité kleenex, les réseaux sociaux, le besoin constant d’être connecté, le manque de pudeur et surtout sur la place de nos véritables besoins. Caroline Solé parle justement, et à travers ce personnage elle brosse une observation pertinente et sur ce que devient notre société. Ses phrases n’évoquent pas la pitié ni le misérabilisme mais une normalité déconcertante qui frappe fort.

« On n’a pas d’ordinateur à Chinatown. Pas besoin. Le fil d’actualité devant nous comme une procession sans fin. Je dis Chinatown comme je pourrais dire Soho, Piccadilly ou le West End, chacun l’appelle comme il veut ce quartier, moi je préfère Chinatown. Rien que la sonorité du mot fait voyager. On pourrait se croire très loin de ce foutu coin. Au cœur de Londres, dans cette parcelle du monde et dans cette microsociété des paumés, on ne se serre pas les mains et on ne fait pas la bise non plus. On se salut à peine, un léger mouvement du menton en balayant l’espace du regard comme un garde du corps, parce qu’on peut se prendre un coup à chaque instant et que personne n’a envie de voir son reflet dans la gueule cassée de l’autre. » Page 25

En bref : La pyramide des besoins humains est un petit livre très réussi, à réservé à un lectorat de 15 ans et plus, je pense. Même si la fin est peut-être un peu trop rapide (et joue sur la crédibilité ou la compréhension) c’est une bonne lecture.

« On préfère 99 amis virtuels à un clochard fidèle. » Page 71