Jaakko Eino Kalevi – S/T

Publié le 01 juillet 2015 par Hartzine

Aux confluents de ses inspirations multiples, Jaakko Eino Kalevi fixe dans chacune des productions de son dernier album une impression invariable, tisse un fil inusable et rouge comme la passion : la séduction. Trois mesures suffisent à comprendre que le Finnois s’y entend en matière d’envoûtement mélodique et que sans être totalement en rupture avec son passé synth pop, il opère un virage musical où l’instrumentation comme les thèmes fléchissent en direction d’une élégance vintage minutieusement étudiée. Sorti chez Domino Records le 15 juin dernier, cet album éponyme est autocentré, il joue sur l’image de Jaako avec grandiloquence et jette à l’audience les indices d’une persona théâtrale en complète contradiction avec son quotidien de chauffeur de tramway à Helsinki.

Les dix pistes de l’album subissent l’influence des goûts éclectiques de l’artiste, puisant dans un répertoire classique rassemblant pop de boudoir, soft rock 80’s et groove disco, constellé d’incursions mélodiques diverses. Les morceaux se succèdent sans se ressembler vraiment, l’introductif JEK s’étirant entre synthés kraut, harmoniques cuivrés et rythmique pop langoureuse tandis que Double Talk, qui le suit, résonne comme un hommage au rock FM moelleux des années 80, appuyé par un crooning désabusé et érotique apte à délier les langues comme les chignons. Si les passerelles sont perceptibles entre les différentes ambiances, l’album évite prudemment la redondance, s’attachant davantage à développer une ambiance qu’à proposer une déclinaison stylistique dont on sent pourtant la maîtrise perfectionniste, y compris dans Deeper Shadows, qui se positionne comme un gentil tube de l’été à la mièvrerie contemporaine un peu trop accessible.

Sans tomber dans la facilité de la récupération, Jaakko s’appuie sur ses références classiques mais ne s’y englue pas, les complétant ici et là de textures à la compatibilité surprenante, à l’exemple de Mind Like Muscle, dont la pop cocktail est rehaussée d’artefacts psychédéliques et dub qui chatouillent le contexte initial du morceau. Et si l’on pouvait douter du soin apporté à ses compositions, il n’y a qu’à se laisser conduire par la charge émotionnelle de Don’t Ask Me Why. Derrière ses accents de jazz de croisière, le morceau recèle une minutie perceptible dans le travail sur les volumes : le stem de la caisse claire rythmant gracieusement la badinerie musicale est habilement équilibré par un solo de piano qui achève de composer une scène à la chaleur délicate. Dans cet album à la tonalité pompeuse, le Finnois réussit assez bien le pari de se réapproprier les schémas musicaux des artistes et compositeurs de sa jeunesse, comme Morricone dont l’influence résonne dans l’apothéotique Ikuinen Purkautumaton Jännite, mais sans noyer sa propre identité, celle qu’il s’est constituée autour d’un personnage emphatique et séducteur.

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