Le client doit être placé au coeur de la prévention et de lapénalisation de la prostitution, estiment les abolitionnistes réunis ce week-end. Selon eux, ce «prostitueur» protégé depuis des siècles par un «silence consensuel» alimente la traite des êtres humains. «Quand on parle de prostitution, on parle de la sexualité masculine,d’une politique de gestion de la sexualité patriarcale avec des damnées de la terre et des femmes honnêtes», explique Wassila Tamzali,avocate algérienne féministe qui présidait ce week-end une conférenced’associations abolitionnistes à Dijon (Côte d’Or). Ce colloque a réuni des intervenants du Comité permanent de Liaison des associations abolitionnistes du proxénétisme, notamment du Mouvement du Nid, de la Fondation Scelles, et du mouvement le Cri. Les pouvoirs publics doivent s’emparer du problème «Devant la gravité des violences commises contre les femmes prostituées et l’ampleur du “marché” de la traite des êtres humains»que les consommateurs de sexe tarifé «entretiennent», «il faut que les pouvoirs publics s’emparent du problème et pénalisent le client»,dit-elle. «Dans le système proxénète, il y a trois acteurs, deux exploiteurs -le proxénète et le client- et une victime, la personne prostituée», renchérit Jean-Sébastien Mallet, délégué général de la Fondation Scelles. «Il n’y aura pas de solution à la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle tant que l’on ne s’attaquera pas à la demande masculine». «L’Europe de l’Ouest avec plusieurs millions de clients pour 300 000 personnes prostituées,dont plus de 90% de victimes de la traite, est largement responsablede ce viol institutionnalisé de jeunes femmes», poursuit-il, estimant que les hommes doivent s’engager dans cette lutte, notamment en faisant de la prévention auprès des plus jeunes. Contrairement à la Suède, où depuis 1999, dans le cadre d’une loi sur la violence contre les femmes, l’achat de services sexuels est interdit sous peine d’amendes ou de six mois de prison, la France ne pose pas clairement la responsabilité du client, qui est poursuivi, dans de rares cas,pour exhibitionnisme ou racolage. De même, la prostituée n’est protégée que si elle est mineure. Les associations présentes, dont leCri, ont salué le combat du procureur de la République Eric deMontgolfier à Nice, qui poursuit systématiquement les clients tout en s’inquiétant d’être la plupart du temps désavoué par ses pairs. «Les clients prostitueurs sont encore considérés en France avec la complicité rigolarde qui a longtemps accompagné les chauffards, y compris par certains magistrats», assure Claudine Legardinier, du Mouvement du Nid. «Ne pas nuire à la réputation d’honnêtes pères de famille» Derrière cette «complaisance», il y a aussi, rappelle-t-elle, lesouci de «ne pas nuire à la réputation d’honnêtes pères de famille».Car parmi les 13 % d’hommes qui se disent clients en France «la majorité sont des hommes mariés avec deux enfants, une Espace et unchien, et non des solitaires souffrant de misère sexuelle»,souligne-t-elle. Ces hommes ont souvent, dit-elle, «des raisonnementsrenversants de ringardise» et pour eux «la prostitution reste avant tout un lieu inchangé, à l’abri des évolutions de la société et de la lutte pour l’égalité entre hommes et femmes, un lieu où l’on peut se permettre toutes les violences». Avec une irresponsabilité revendiquée. Mme Legardinier se souvient de la réponse d’un client à qui l’on demandait s’il savait que la jeune femme qu’il venait depayer pour des rapports sexuels était une victime de la traite.«Quand je mange un bifteck», avait-il rétorqué, «je ne me demande passi la vache a souffert».
Source : http://www.dna.fr/france/20080602_DNA007433.html