Chaînes

Publié le 09 juillet 2015 par Montagnessavoie
Solène Bakowski, Chaînes, 2015.
Troisième roman de l'auteure Solène Bakowski, troisième réussite. Elle les enchaîne comme des perles sur un joli collier. Ce troisième opus se rapproche plus du second, Un sac, que du premier, Parfois on tombe, en ce qu'il est noir, très noir. Pourtant, les trois romans ont un point commun : leurs héroïnes. Toutes les trois sont des femmes, jeunes et en proie à des doutes, des tergiversations existentielles. Toutes les trois trimballement un certain nombre de casseroles et tentent, avec plus ou moins de réussite suivant leur degré de difficulté, de redonner un sens à leur vie. Elles cherchent un chemin autre que celui qu'on leur a tracé. En cela, elles se ressemblent et nous ressemblent. On rechignerait théoriquement à s'y identifier, étant donné le caractère torturé, violent, peut-être fou, de certaines d'entre elles. Mais on trouve en chacune, malgré l'énorme distance apparente qui existe entre elles et nous (enfin, c'est ce que nous croyons) quelque chose de familier. Les obstacles sur nos routes, sans doute. Nos propres doutes mis en littérature, nous dans un miroir. Et quel miroir. Rien ne nous est épargné. Souvenons-nous de l'inoubliable personnage du roman Un sac.Dans cette troisième oeuvre, l'héroïne se retrouve prise au piège de ses visions nocturnes. Dans ses rêves, elle revit en effet l'existence de défunts qui viennent peupler ses nuits de leur vécu. Impuissante, elle assiste à leurs joies et leurs déchéances, sans parvenir à avoir le moindre pouvoir pour modifier les histoires qui se tissent et se déchirent sous ses paupières endormies. Nous voici donc dans le paranormal, le surnaturel, l'incroyable. Mais pas dans le mystique, au contraire. Non. Nous sommes au coeur de la réalité crue, de la vie avec tout ce qu'elle a de merveilleux et de sordide, de vies qui pourraient très bien être les nôtres, celles de nos parents. On se reconnaît là dedans. On ne voudrait pas, pourtant. Parfois, après avoir vu un film, on en rêve la nuit. Moi, cette nuit, j'ai rêvé de ce roman ou la protagoniste rêve. Une sorte de mise en abîme de la fiction. Que voulez-vous, j'avais envie de savoir la suite; je ne pouvais pas décrocher de ma lecture. Moi aussi, les personnages étaient venus me hanter dans mon sommeil. C'est un roman noir, triste, pessimiste, dur. C'est la face des choses qu'on se cache, le regard qu'on détourne de nos faiblesses et de nos manques et que l'auteur nous balance en pleine figure. Avec une telle poésie, une plume tellement belle, qu'à chaque page, je me suis dit "mais qu'est-ce qu'elle écrit bien, Solène !"...