Barbarie sur Phnom Penh

Publié le 13 juillet 2015 par Camélia Exsangue @Chinouette

Voilà à peu près deux semaines que nous nous trouvons au merveilleux pays du Cambodge.

Pour notre première journée, nous avons décidé de visiter les Killing Fields, appelés aussi Choeung Ek Genocidal Center, et l’ancienne prison Tuol Sleng ou S21, appelé à présent le musée du Génocide.

Nous n’avons pas choisi la visite la plus facile en allant voir le camp d’extermination et la prison érigés par le dictateur Pol Pot dans les années 1970.

Je préfère préciser que cet article risque d’être choquant.

Killing Fields

Le matin, nous avons pris un Tuk Tuk (taxi moto tirant une charette) pour nous rendre aux Killings Fields.

Après avoir payé l’entrée (6$ par personne) puis récupéré notre audioguide et le plan des Killing Fields, nous commençons la visite.

Le terrain était un ancien cimetière chinois (et certaines tombes sont encore apparentes) avant d’être repris par Pol Pot dans les années 1970.

Entre 1975 et 1979, ce sont plus de trois millions de Cambodgiens, près de 40% de la population à l’époque, qui ont péri : plus d’un million de Cambodgiens ont été exécutés par les sbires de Pol Pot, le reste est mort d’épuisement, de maladies et de malnutrition.

Son accession au pouvoir est vue au début par le peuple cambodgien comme une libération des Vietnamiens, des Etats-Unis et du régime présent à l’époque.

Mais dès leur prise de pouvoir, les Khmers rouges soumettent le pays à la dictature.

Près de 9000 personnes ont été tués aux Killing Fields de Choeung Ek. La visite commence où, à l’époque, les camions remplis d’hommes, de femmes, d’enfants et de bébés s’arrêtaient à fin d’être déchargés. On les comptait afin d’être sur qu’aucun ne s’était échappé sur la route, entre la prison S21, situé à Phnom Penh (11 kilomètres de route), et le lieu d’extermination.

Puis, on les séquestrait dans des cabanes avec les yeux bandés. À la nuit tombée, on venait en chercher certains pour les exterminer. À ce moment se jouait une musique de propagande, afin de couvrir les pleurs, les cris de ceux qui allaient mourir ; mais aussi afin de ne pas éveiller les soupçons chez les habitants du coin. Les cabanes où étaient regroupés les prisonniers ont disparu depuis. Au départ des Khmers rouges, les habitants dans le besoin sont venus se servir en matériaux et ont démonté les cabanes.

Barbarie des bourreaux

L’audioguide nous apprend que les Khmers rouges n’utilisaient pas de balles, jugées trop chères et trop précieuses, pour tuer leurs victimes.

Les feuilles de palmiers, très coupantes, étaient utilisées par les fermiers pour égorger leurs poulets. Les Khmers rouges les ont utilisées pour trancher les gorge de leurs victimes.
À l’arrêt suivant se trouve l’ancienne réserve de produits chimiques, servant à camouffler la puanteur des corps en décomposition.

On approche ensuite les traces concrètes du génocide, à savoir les fosses communes et les photos prises lors de la découverte pour la première fois du terrain.

On apprend que les os et les vêtements des victimes remontent à la surface, surtout après des fortes périodes de pluie.

À ce moment de la visite, je me sens « rassurée » de ne voir aucun squelette. Le pire reste à venir…

Nous voyons des trous un peu partout sur notre visite. Ces derniers sont également d’anciennes fosses communes.
Certains trous ont laissé place à des zones plates. Là apparaissent les vêtements, les os et les dents…

Plan qui nous est remis à l’entrée des Killing Fields

Les vêtements exhumés ont parfois été regroupés dans des boîtes de verres.Le charnier suivant est celui qui m’a le plus choquée. Là sont ensevellis des squelettes de femmes, sans vêtement pour la plupart, d’enfants et de bébés. On imagine les exactions commises, mais pas le plus choquant. Comme écrit auparavant, les Khmers rouges n’utilisaient pas d’armes à feu pour tuer leurs victimes.

Pour tuer les bébés, ils les saisissaient par les jambes et fracaissaient leurs crânes contre l’arbre ci-dessous.  L’arbre ci-dessus comprenait les enceintes par lesquelles résonnaient les chants de la propagande des Khmers rouges. Ainsi, les prochaines victimes, situés à quelques mètres n’entendaient pas le massacre qui se produisait.

Peut-être enfermés dans les cabanes avaient-ils encore l’espoir de s’en sortir vivant… Je n’ai pas pleuré lors de cette visite. Je n’ai cependant pas pu parler, ou sourire, ou saluer les autres visiteurs, et plusieurs fois j’ai cru que j’allais me sentir mal.

L’élément qui rend encore plus insupportable cette visite est que l’environnement est charmant : des oiseaux qui chantent, des arbres verts et somptueux, une météo luxuriante… Les touristes sont en tee-shirt et en tong, bien loin de l’image qu’on aimerait donner aux Cambodgiens en signe de respect.

Comment ne pas se sentir mal…

Stilla

Le batiment suivant comprend les crânes et les os de certaines victimes. Répertoriés par âge, ils montrent également les causes de la mort (coup de bamboo, coup de machette, etc.)

Prison S21

La visite se poursuit au S21, l’ancienne prison où étaient torturés les prisonniers avant d’être conduits à Choeung Ek.

Pol Pot, dans son objetcif de revenir à une « année 0″ et le commencement d’une nouvelle « ère » avait décidé de supprimer lieux de cultes, hôpitaux, écoles et toutes formes d’éducation et de culture.

La prison S21 n’était rien d’autre à l’originie qu’une école.Les anciennes salles de classe avaient été transformées en salles d’interrogation et de torture. D’autres servaient de cellules. Lors de l’arrivée d’un prisonnier, celui-ci était pris en photo. Telle la barbarie nazie, le génocide cambodgien a été organisé méticuleusement. Les prisonniers étaient interrogés sans aucun motif certain. Le camp S21 n’était pas le lieu où on instruisait des cas de suspects  : tout détenu envoyé à Tuol Sleng était en effet un coupable obligé, dont il s’agissait d’obtenir la confession de crimes si besoin imaginaires, avant son exécution pratiquement inéluctable. Les Khmers rouges enfermaient à S-21 tous les opposants supposés au régime, sur n’importe quel motif. Les personnes enfermées étaient aussi bien des jeunes que des personnes plus âgées. Il y avait des femmes, des enfants, et parfois des familles entières (bébés y compris) d’ouvriers, d’intellectuels, de ministres et de diplomates cambodgiens, mais aussi des étrangers (Indiens, Pakistanais, Anglais, Américains, Canadiens,Australiens…) Le simple fait de porter des lunettes (y compris pour les enfants) était suffisant pour être considéré comme intellectuel et donc « à exterminer ».

Source wikipidedia. Plus d’infos sur la prison : ici

Les prisonniers étaient également photographiés après leurs interrogatoires.Certaines salles de classe ont été transformées en cellule à l’époque et les gardiens surveillaient à ce que personne n’essaie de se suicider ou de s’échapper. Les cellules étaient de taille variable, les plus petites d’environ 15 m² contenant 3 personnes, parfois plus.

Sur les 16 000 à 20 000 prisonniers de Tuol Sleng, personne ne s’est échappé. À la libération du camp, il y avait sept survivants.

Plus de lecture et de témoignages : ici ; et sur les procès des Khmers rouges : ici. Plusieurs procès ont été attentés, dont le premier « raté » par les Vietnamiens en 1979.

Je vous invite également à regarder ce documentaire (en français et gratuit) concernant cette horrible période :

Cette première partie de notre visite au Cambodge nous a permis de comprendre le contexte actuel. Pol Pot, pendant son régime,avait en effet pris soin de détruire la modernisation de l’époque en tuant acteurs et chanteurs mais en réduisant également les mentalités.

C’est près de 190 prisons qui se trouvaient dans tout le pays à l’époque.