J.Jouzel : « Au-delà de 2°C, il sera impossible de s’adapter »

Publié le 21 juillet 2015 par Blanchemanche
#JeanJouzel #climatologie #glaciologie #COP21

Alors qu’une grande conférence réunissant près de 2 000 scientifiques pour préparer la COP 21 s’est tenue à Paris jusqu’au 10 juillet dernier, Quelle Énergie a interviewé Jean Jouzel, l’un des organisateurs. Il est parmi les plus grands climatologues et glaciologues au niveau mondial, membre du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) qui a co-obtenu le prix Nobel de la paix en 2007. Nous publions aujourd’hui la première partie de cette interview, dans laquelle il revient sur l’état des connaissances concernant le réchauffement climatique.

Peut-on dire que l’on souffre déjà des effets du changement climatique ?

Nous avons aujourd’hui deux grandes certitudes. La première est que la planète se réchauffe depuis les 50 dernières années, et la seconde est que ce réchauffement a pour origine les activités humaines. Cela n’est pas toujours évident, car 93 % du réchauffement est absorbé par les océans et que toutes les régions ne sont pas affectées de la même manière. Mais la hausse des températures au niveau global est réelle et mesurée, de même que la hausse du niveau de la mer, essentiellement due à la dilatation et à la fonte des glaciers.Au Giec, nous avons classifié les différents indicateurs en 5 catégories, et toutes sont au rouge à l’heure actuelle. Le réchauffement est d’ailleurs inéluctable, parce qu’il y a une certaine inertie (les émissions d’hier sont le réchauffement d’aujourd’hui) et que les émissions ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain. Mais inéluctable ne veut pas dire qu’il faut être résigné. Au contraire, il faut tout faire pour limiter ce réchauffement et le maintenir à un seuil acceptable.

Quel est le scénario actuel, avec quelles conséquences ?

Il y a deux scenarii : Le premier est dit de « business as usual », si rien n’est fait. Dans ce cas, on s’orienterait vers un réchauffement de 4 à 5°C d’ici à la fin du siècle, et plus au-delà. Il faut savoir que cette fourchette de 4 à 5°C correspond à la même variation que celle de la dernière aire glacière, sur une échelle de temps beaucoup plus courte. Les conséquences seraient très graves. Il y a non-seulement une perte de bouleversement de la biodiversité avec de nombreuses extinctions d’espèces, mais aussi un impact sur les rendements agricoles, la santé, la sécurité alimentaire, et la sécurité au sens large, car les réfugiés climatiques seront extrêmement nombreux.La montée du niveau de la mer atteindrait 80 cm, avec des conséquences immenses.Nous avons donc un deuxième scénario, qui est celui des 2 degrés, qui consiste à limiter le réchauffement à 2°C d’ici la fin du siècle. Ces 2°C correspondent à un seuil au-delà duquel il serait très difficile voire impossible de s’adapter. Pour ne pas dépasser ce seuil, beaucoup d’efforts sont à faire.http://www.quelleenergie.fr/magazine/interviews/interview-jean-jouzel-deux-degres-changement-climatique-37862/