429ème semaine politique: qu'ils partent tous... en vacances

Publié le 25 juillet 2015 par Juan

Les vacances approchent, avec leur lot de commentaires sur les embouteillages, la canicule ou les orages, les noyades et les campings. Et les petites phrases estivales. En France, toute notre classe politique devrait s'échapper, partir, disparaître. Pour son bien et le nôtre. 

Et rapidement.


L'agriculture ne prend pas de vacances.
La colère gronde chez les éleveurs, le prix de la viande surtout bovine s'effondre sans que les Français d'ailleurs ne le constatent dans leur assiette. On manifeste, plus ou moins violemment. Les images traditionnelles de tracteurs déversant du purin devant les préfectures ou d'agriculteurs en colère pullulent sur les chaînes d'informations. La pression monte. Sans surprise, Bruno Le Maire, ex-ministre agricole de Sarkozy, s'emporte contre le "mépris du gouvernement" et oublie son propre bilan. Lundi, Hollande comprend que l'affaire pourrait lui gâcher les vacances, et décide "d'accélérer": "il y avait le risque de constitution d'un kyste" confie-t-il. Mardi, Valls, qui n'a plus que les haussements de tons et les joutes oratoires pour incarner son action, croise le fer à l'Assemblée avec Christian Jacob sur le sujet. L'hémicycle est devenue une arène guignolesque.
Deux jours plus tard, le gouvernement dégaine un plan d'urgence a minima - 600 millions d'euros, pour l'essentiel des allègements de trésorerie. Jeudi, le président demande à la grande distribution de faire un effort sur les prix d'achat. Incantation politique, mais les blocus routiers se lèvent. Hollande livre un discours plein de sous-entendus à des vignerons honorés d'une récompense internationale: un éloge de la patience qui se conclut par un tacle contre Sarkozy:
"Ceux qui voudraient aller très vite au risque d'arriver nulle part, j'en connais".

L'action de fond comptait moins que le déminage immédiat. Triste politique agitée par les écrans médiatiques.
Il est temps qu'ils partent tous en vacances.
L'agenda présidentiel s'allège. Hollande reçoit Pierre Moscovici, ancien ministre dilettant du gouvernement Ayrault, et commissaire docile à la commission européenne. On ne doute pas que l'entretien a porté sur l'Europe, la Grèce ... et le TAFTA.
Ce dernier traité, dont les négociations restent toujours aussi opaques pour les peuples qu'elles sont agités par des manoeuvres de lobbys, n'inquiète pas le Commissaire Mosco: "Le Tafta est plus dans l'intérêt de l'Europe que des Etats-Unis." Mosco n'avait sans doute pas lu le dernier rapport des ONG Corporate Europe Observatory (CEO) et SumOfUs. Selon ces dernière, 88 % des parties consultées par la Commission européenne en marge des négociations de l'accord étaient des lobbys d'affaires – "quand les groupes d'intérêts publics, comme les ONG ou les associations de consommateurs, ne représentaient que 9 % de ces rencontres."
Il est temps que Mosco parte en vacances.
Vendredi, François Hollande fait une visite surprise à l'école 42 fondée par Xavier Niel. La presse retient qu'il a croisé des étudiants à moitié nus dormant dans les couloirs. Lundi, on nous promet une autre visite "surprise" cette fois-ci à Toulon, ancienne mairie frontiste. Hollande sillonne la France pour reconquérir l'opinion. En son temps, Sarkozy faisait de même, mais différemment. L'ancien monarque préférait les débarquements gigantesques, avec estrades ou table-rondes sur-filmées.
Mardi, le ministre du chômage, François Rebsamen, déclare que le burn-out n'est pas une maladie professionnelle. Sa "loi sur le dialogue social" a été votée dans la semaine. Le Sénat de droite avait justement retiré le burn-out de la liste des maladies professionnelles. L'Assemblée l'a partiellement réintégré jeudi: des commissions jugeront à l'avenir si les cas de burn-out sont professionnels ou pas. Non content de ne servir à rien contre l'inexorable progression du nombre de sans-emploi, Rebsamen choisit son camp, une honte de plus.
Il est temps que Rebsamen parte en vacances.
Sa loi, finalement votée, contient de modestes progrès - la représentation obligatoire des salariés des TPE, la sécurisation du régime des intermittents , la création d'un compte personnel d'activité et d'une "super-RSA" pour les travailleurs pauvres - et de tristes reculs, comme la simplification du compte pénibilité (l'une des rares mesures de progrès pour les salariés de l'ineffable réforme des retraites de Hollande en 2013). Rebsamen se félicite d'un texte "réformateur", "le plus important du quinquennat". Ce n'est pourtant qu'une révision laborieuse et sans ambition des relations sociales dans les entreprises. Dans les rangs politico-médiatiques, on éructe bien sûr comme si c'était la révolution ou la contre-révolution.
La rémunération du livret A chute encore, au ridicule taux de 0,75%. Au gouvernement, on s'excuse de n'appliquer que la réglementation. A gauche, on hurle que "Hollande prend dans la poche des petits épargnants et protège l’opacité des banques". Allez comprendre.
Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, défend le Flash-Ball. Pourquoi les hommes politiques deviennent-ils les dociles marionnettes de leur clientèle administrative dès qu'ils passent ministres ? Le Flash-Ball tue ou mutile chaque année en France, c'ets une arme imprécise que même la Police des polices juge "obsolète". Jacques Toubon, Défenseur des droits, qui est loin d'être un gauchiste laxiste, réclame l'interdiction de ces engins. Pour Cazeneuve, c'en est trop. Et l'ancien porte-parole de campagne de François Hollande n'hésite pas dans l'outrance pour répondre: "un moratoire sur les armes intermédiaires serait contre-productif et pourrait avoir des conséquences dangereuses : nous ne pouvons pas, en effet, nous permettre de désarmer nos forces de l’ordre.
Désarmer les forces de l'ordre ? WTF ?!
Il est temps qu'il parte en vacances.
Sa loi sur le Renseignement est validée, intégralement, par un Conseil Constitutionnel composée d'ancien présidents et d'un ancien ministre de l'intérieur. Une défaite pour la liberté, assez mémorable et illustrative de la période. 
Claude Guéant aimerait partir en vacances. Mais la justice lui court après. L'affaire de ses deux tableaux richement vendus pour 500.000 euros à un banquier par ailleurs administrateur des comptes d’un ancien haut dirigeant libyen, a pris une autre ampleur. On savait que ces tableaux n'avaient pas cette valeur. Guéant n'a pas même pu prouver leur acquisition initiale. A cette piste d'un financement libyen, s'est ajouté un autre scandale. Le produit de la vente aurait permis à l'ancien ministre de l'intérieur d'acquérir cash un appartement cossu à Paris. Selon Mediapart, le fisc a été informé dès 2011 "d’une possible fraude fiscale de Claude Guéant lors de l’achat de son appartement parisien". Mais il a enterré l'affaire juste après la campagne présidentielle de 2012.
Sarkozy devrait partir en vacances. Et pédaler ses 60 kilomètres quotidiens près du Cap Nègre comme il adore le rappeler chaque année à la presse et aux Français. Cette semaine, il était même au micro de France Télévisions pour commenter le Tour de France. Mais, lundi, ses déclarations publiques lors d'un déplacement en Tunisie ont fait les choux gras des réseaux sociaux, et créé une certaine consternation dans les milieux politiques: "La Tunisie est frontalière avec l'Algérie (et) avec la Libye. Ce n'est pas nouveau... Vous n'avez pas choisi votre emplacement. L'Algérie, qu'en sera-t-il dans l'avenir, de son développement, de sa situation ?". En Algérie, la presse s'est enflammée. Cette déclaration de haine de la part d'un ancien monarque qui prétend concourir à nouveau à la magistrature suprême a été vue comme un dérapage et une provocation.
Les Grecs, sauf les plus riches, ne partiront pas en vacances. Alexis Tsipras fait voter le second paquet législatif réclamé par les créanciers. Trente-deux députés Syriza, seulement, ont voté contre.
La Grèce est sortie de l'actualité politique française.
Nos touristes peuvent partir tranquilles.