Croissance économique et perspectives pour l’avenir

Par Sergeuleski

   Le « paradoxe d'Easterlin » : passé un certain niveau de développement, une hausse de la richesse ne se traduit pas par une amélioration du bien-être des individus.

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   Si la croissance est l’élément déterminant qui contribue au bien-être des sociétés et non le niveau de richesse - « l’homme moderne est un marcheur qui n’atteint jamais l’horizon » -, il semblerait qu’entre richesse et bien-être, la corrélation soit bien plus faible qu’on ne le pense.

En période de non-croissance c’est donc toute la société qui est alors menacée de dépression, de perte de confiance ; porte ouverte à tous les dérèglements politiques.

   Comment prévoir la croissance ou bien l’absence de croissance ? Vivons-nous dans un monde où les perspectives de croissance sont mortes ?

Si l’on ne peut rien prédire, on peut néanmoins faire un diagnostic sur ce qui s’est passé dans les trente dernières années.

D’aucuns évoquent une troisième révolution industrielle sans précédent : un monde où l’on pourra télécharger dans une clé USB la totalité du cerveau humain ; et plus tard, la totalité de l’intelligence humaine : l’immortalité est à portée de main.

Dans les faits, la croissance ne cesse de reculer là où l’innovation augmente : le smartphone ne crée pas de croissance ni d’emploi ; il en supprime par millions. Ni l’air conditionné.

Si  révolution industrielle il y a, il s’agit manifestement d’une révolution sans croissance ; une révolution qui détruit plus qu’elle ne crée.

Qu’est-ce que la numérisation du monde va faire à la place du travailleur ? Qu’est-ce qu’elle va prendre au travail ? Que va-t-elle détruire comme emploi ?

La révolution numérique détruit les corps intermédiaires : syndicats, organismes de règlementation, de contrôle et le rapport de force entre capital et travail.

   Pour toutes ces raisons, la société devra impérativement repenser intégralement son état providence : s’immuniser contre l’absence de croissance alors qu’aujourd’hui, cet Etat est dépendant de la croissance pour les retraites, les salaires, la protection sociale, son budget, le financement de l’éducation et de ses fonctions régaliennes.

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   Daniel Cohen est professeur à l’Ecole normale supérieure et vice-président de l’Ecole d’Economie de Paris, qu'il a contribué à fonder.

   « Plusieurs économistes américains, dont Robert Gordon, Larry Summers ou encore James Galbraith, ont récemment publié articles et travaux sur une éventuelle « stagnation séculaire ». Selon eux, la période de croissance que nous connaissons depuis la révolution industrielle serait une exception historique, une parenthèse enchantée.

Selon l’économiste Barry Eichengreen, quatre facteurs principaux condamneraient nos économies à une anémie de long terme. En premier lieu, le développement des pays émergents s’accompagne d’un accroissement de l’épargne supérieur à celui de la consommation. A cela s’ajoute un faible appétit pour l’investissement, handicapant une croissance future, ainsi qu’un ralentissement général de la croissance de la population mondiale. La dernière hypothèse, énoncée par le professeur Robert Gordon, serait liée à l’impact de plus en plus faible de l’innovation sur la croissance. La révolution numérique aurait en effet moins d’influence sur les facteurs de production que la machine à vapeur ou l’électricité n’en ont eue en leur temps.

Ces hypothèses de croissance quasi-nulles nécessitent pour beaucoup une adaptation des économies développées, dont les modèles sociaux s’appuient sur l’anticipation de la croissance future. Des économistes estiment  que la hausse du PIB français ne croîtra pas de plus de 0.5% par an pendant la prochaine décennie. D’aucuns voient dans l’atonie économique une occasion de modifier nos comportements et de rompre avec le consumérisme. De plus en plus de voix s’élèvent en effet pour dénoncer le coût écologique de la croissance et prônent un modèle économique moins productif et plus respectueux de l’environnement.

La recherche de la croissance est-elle une quête d’un autre temps ? Devons- nous nous adapter à un monde de décroissance ou de stagnation en modifiant nos comportements économiques ? Dans les pays du Nord aux modèles sociaux développés, faut-il réduire les dépenses publiques afin de favoriser l’innovation privée et la croissance future au risque d’un accroissement des inégalités, ou au contraire faut-il les maintenir ou les augmenter afin d’assurer une protection sociale solidaire ? Nos modèles sociaux eux-mêmes sont-ils durables dans une situation de hausse quasi-nulle du produit intérieur brut ? Le PIB, utilisé pour la première fois en 1934, peut-il voir son hégémonie d’indicateur économique de référence remise en question par une stagnation séculaire ? »

   -  France Culture

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Pour prolonger, cliquez : Décroissance et progrès avec Paul Ariès