Le calame, encre et sable

Publié le 05 juin 2008 par Vanessav
Les outils de création me laissent dans une admiration sans borne. J’aime les ateliers, j’aime ces palettes de couleurs, ces odeurs, ce précieux matériel, choisi, testé, et quelque fois fabriqué. La main, habituée maintenant à écrire, a oublié les rudiments du croquis, du dessin, du maniement de l’outil. J’aime ceux qui prennent le temps de créer leur matériel : créer une couleur sur la palette mais aussi fabriquer son pinceau (je ferais un billet sur Fabienne VERDIER à ce propos, cela ne doit pas vous empêcher de lire une mise en bouche avec son livre « Passagère du silence »), préparer son encre… Tous les outils de calligraphie m'attirent, me séduisent : le calame, lui aussi, par son aspect rudimentaire, interpelle, sidère et nous entraîne vers une autre calligraphie. N'hésitez pas à lire ce billet sur Encre et Lumière (d'où provient la prochaine photo) pour vous sortir de cette impression de facilité.

J’ai dessiné comme une fuite du temps, comme une fuite des relations, dans une parenthèse dans le monde que je vivais jeune. J’ai dessiné jusqu’à mes 18 ans, souvent, régulièrement, quotidiennement, des croquis ici et là… par obligation psychologique, cela venait tout seul ou plutôt, je me sentais dans la nécessité de dessiner pour parler de moi. Peu d’écoute réelle, de présence active et désintéressée, m’amenait vers une confidence par le papier et le crayon à ma façon : juste pour me raconter mes émotions… avant de pouvoir me raconter ma vie.
C’est bizarre de constater que l’envie de retrouver les gestes est là et que je n’arrive pas à l’application. Alors, pour ne pas perdre de temps, je regarde, lis, découvre des outils, des philosophies de l’encre. Ma maman m’avait créé des calames et des spatules, loin de suivre la technique de taille traditionnelle, elle m’a tout de même proposé des outils très suffisants pour l’utilisation que j’en ai. Et Maijo m’a offert une pochette de rangement, vous vous en souvenez
« Comme le pêcheur prépare sa ligne, le calligraphe, nous dit Lassaâd METOUI, taille le roseau souple et tendre. Avec la même précision, il fixe la longueur de son calame : un empan, la plus grande ouverture de la main, entre pouce et petit doigt. Avec la même minutie, il sculpte le corps de l’outil, pas plus gros que le majeur. Avec le même soin, il affine le bec, droit ou oblique, et ajuste les lèvres d’où jailliront les pleins. Douces lèvres du calame qui savent embrasser le papier, avec tendresse et fermeté, au gré des impulsions des doigts. Pression à gauche, pression à droite, le bec fait une douce moue : surtout ne pas blesser la lettre… »
Et oui derrière un maniement quasi ludique, une calligraphie arabe se dévoile peu à peu. Et l’atelier en plein air, dans le sable, du calligraphe Lassaâd METOUI m’émerveille.

*source
Après la taille, la marche dans le vent et le sable, une pochette à calames sur l’épaule, il s’arrête et les genoux à terre sans autre façon (un tapis enveloppant le matériel loin des tables de travail) calligraphie en multipliant les styles, en brassant les cultures, en laissant aller son regard.


*source photo Sylvie DURAND (n’hésitez pas à aller sur son site, vous entrerez dans des ateliers enchanteurs)
« Le tracé, ce contour à peine dilué par la présence des choses, cette entaille qui prend parfois le voile de l’empreinte, et qui continue sa route comme le faisait naguère le sillage des caravanes. C’est à cet écho sans fin, à cet élan, sans aveu ni repentir, à cette métaphore qui fait chaque page une journée nouvelle, que Lassaâd METOUI a recours lorsqu’il veut définir la danse de ses lettres. »
(extraits de « Le jardin des mots » de Valérie-Marie MARCHAND et Sylvie DURAND que je ne peux que recommander chaudement à tous les amoureux de la calligraphie, de l’encre sous toutes ses formes, du brassage culturel derrière l’écriture des mots)

Vivre nous effraie, aimer nous rassure. S’il le fallait, notre ombre témoignerait pour nous. (A. Boudet)
*source calligraphie