Les psys qui craignent

Publié le 05 août 2015 par Lana

Numéro un, mon psy-le-violeur. Bon, pas de quoi s’étendre, il a fini en prison et même si ce n’est pas moi qu’il a violée, je ne vais pas pleurer sur son sort. Le mec à la porsche jaune que je n’arrivais pas à sentir, qui demandait juste « tu manges bien? tu dors bien? tu prends tes médicaments? » et basta, ce mec était un violeur. Top du podium, sans discussion aucune.

Numéro deux, mon psy-le-muet, psychologue de son état, à l’hôpital, psychanalyste officieusement (il se gardait bien de l’annoncer). Psycho-rigide au possible, hors de la psychanalyse point de salut. Je dis muet, mais il parlait de temps en temps. J’ai envie de faire l’inventaire de ce qu’il m’a dit en deux ans, une demi-heure par semaine, parce que de lui, je ne m’en suis pas encore remise. Je le déteste toujours (je l’entends déjà dire « c’est la preuve que quelque chose travaille, c’est bien »), je sais que je vais m’énerver en écrivant sur lui, mais voilà, depuis le temps, j’aimerais bien qu’il me soit indifférent, alors peut-être que mettre tout ça par écrit m’aidera à caser toute ma rancoeur dans un coin de ma tête. Donc, à part poser des questions uniquement quand je lui parlais de ma mère et des mes rêves et répéter « dites, dites » en regardant ses pieds et garder le silence (toujours en regardant ses pieds) devant mes larmes et mes questions, il m’en a sorti des bonnes comme « les maladies mentales, ça n’existe pas » (ok, mais la chose qui n’existe pas me pourrit quand même la vie), « l’argent n’a pas d’importance » (pour toi, peut-être), « pourquoi vous ne trouvez pas un travail pour payer une séance supplémentaire? » (parce que je suis schizophrène, que je fais des études universitaires et que c’est déjà assez compliqué comme ça?), « vous ne prenez pas ce travail au sérieux » quand j’ai demandé à déplacer une séance  pour sortir le soir de mon anniversaire (désolée, je croyais que le but était d’avoir une vie, pas de faire une thérapie en soi), « désormais toute séance annulée sera due » parce que je ne voulais pas avoir de rendez-vous pendant mes examens vu que j’en sortais démolie devant tant d’indifférence (ok, pour la remise en question ce ne sera pas encore cette fois-ci), « vous êtes très résistante » quand je lui disais qu’avec d’autre psy j’arrivais à parler mais pas avec lui (non, c’est juste que le silence et le regard vers les pieds, ça ne me pousse pas à la confession), « vous revenez pour notre rendez-vous pendant vos vacances en Espagne? » (bah oui, j’aurai que ça à faire, et puis ça me coûtera pas cher en plus, mais j’oubliais, l’argent n’a pas d’importance), « c’est la preuve qu’il y a quelque chose qui travaille » quand je lui disais que je n’avais rien à lui dire (ça faisait pas avancer grand-chose en tout cas).

Numéro trois sur le podium, mon psy-le-muet numéro deux, psychiatre que je consultais en même temps que le psychologue cité plus haut. Dix minutes de silence une fois par mois, je m’asseyais, il s’asseyait, on ne disait rien. En deux ans, j’aurais néanmoins appris deux ou trois petite chose quand on réussissait à sortir une phrase. A savoir qu’il fallait dix ans pour diagnostiquer une schizophrénie (en même temps, quand on voit ses patients dix minutes et qu’on se tait, oui, je comprends que ça soit long de diagnostiquer quoique que ce soit), que mon psychologue était muet par tactique thérapeutique (je veux bien le croire, mais s’intéresser aux résultats, des fois, ça peut être pas mal, et là le résultat, c’était moi en miettes) et que les neuroleptiques ne faisaient pas du tout grossir, spécialement le Zyprexa qui faisait encore moins grossir (ne cherchez pas de sens à cette phrase, le seul que j’ai trouvé, c’est que le Zyprexa ferait maigrir, mais je n’ose pas croire qu’on puisse se foutre de la gueule de ses patients à ce point).

Mais pourquoi, vous direz-vous, pourquoi est-elle restée deux ans chez des psy qui lui convenaient si peu? Oui, pourquoi, parfois je me le demande encore. Mais j’ai quand même quelques éléments de réponses. D’abord, mon psychologue-le-muet me faisait croire que tout l’échec de la thérapie était à mettre à mon crédit, et j’avais fini par me penser nulle au point de ne même pas être capable d’être aidée. Et puis surtout, j’avais peur de tomber sur pire, ayant eu avant mon psy-le-violeur et, numéro quatre et cinq sur le podium, Docteur J’ai-fait-l’armée et Docteur C’est-la-maladie du romaniste (que vous pouvez retrouver plus en détails dans les articles première consultation et deuxième consultation), plus un psychologue qui me plaisait tout aussi peu. Pourquoi je n’ai pas pensé aux  psychologues et à l’infirmière qui m’avaient aidée? Pourquoi n’ai-je pas persévéré pour en trouver une autre comme elles? Je ne sais pas, si ce n’est que je n’avais pas beaucoup de force et plus assez pour croire à la chance. Alors, je me suis contentée de ce que j’avais, persuadée que même les gens qui étaient payés pour m’aider s’en fichaient comme d’une guigne et étaient plus passionnés par la contemplation de leurs pieds. Je me suis demandée si mon psychologue-le-muet aurait bougé le petit doigt si j’avais fait mine de sauter par la fenêtre, et aujourd’hui, je n’en suis toujours pas sûre.

Donc, tout ça pour dire que ces psy craignaient. Oui, pour moi, ils craignaient vraiment. Je ne dis pas que c’est le cas pour tous leurs patients, j’espère vraiment que non, qu’ils ont aidé plein de gens et qu’ils sont aimés par certains. C’est certainement le cas. Mais justement, si c’est le cas, pourquoi ne pas simplement avouer qu’une thérapie ne se passe pas bien? Pourquoi ne pas adresser une patiente à quelqu’un d’autre? Je n’aurais rien voulu d’autre. Juste, devant mes larmes, mes silences, mon désarroi, mon traitement qui ne fonctionnait pas, mon état qui s’aggravait, juste qu’ils avouent que non, leur « tactique thérapeutique » n’était pas faite pour moi. Juste me dire que non, tout n’était pas de ma faute, que quelqu’un d’autre m’aiderait sans doute plus. Pourquoi me retenir à chaque fois que je décidais de partir? Pourquoi s’acharner? C’est ça que je ne comprends pas, ce manque d’humilité, le fait de s’accrocher à sa théorie comme s’il n’en existait pas de meilleure, au mépris du bien-être de son patient.

C’est pour ça que je leur en veux toujours, bien plus que pour le peu qu’ils m’ont dit en deux ans. C’est pour ces phrases qu’ils ne m’ont pas dite que je n’arrive pas à les oublier.


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