Bonté, justice, fruits de mer et Croatie

Publié le 06 août 2015 par Theatrummundi


– Le peuple croate, disait Ante Pavelic, veut être gouverné avec bonté et avec justice.

Tandis qu’il parlait, j’observais un panier d’osier posé sur le bureau, à la droite du Poglawnik. Le couvercle était soulevé : on voyait que le panier était plein de fruits de mer. Tout au moins c’est ce qu’il me sembla : on eût dit des huîtres, mais retirées de leurs coquilles, comme on en voit parfois exposées sur des grands plateaux, dans les vitrines de Fortnum and Mason, à Piccadilly, à Londres. Casertano me regarda et me cligna de l’œil :

– Ça te dirait quelque chose, hein, une belle soupe d’huîtres ?

– Ce sont les huîtres de Dalmatie ? demandai-je.

Ante Pavelic souleva le couvercle du panier, et me montrant ces fruits de mer, cette masse d’huîtres gluante et gélatineuse, il me dit avec un sourire, son bon sourire las :

– C’est un cadeau de mes fidèles oustachis : ce sont vingt kilos d’yeux humains.

Malaparte, Kaputt


– Le peuple croate, disait Ante Pavelic, veut être gouverné avec bonté et avec justice.

Tandis qu’il parlait, j’observais un panier d’osier posé sur le bureau, à la droite du Poglawnik. Le couvercle était soulevé : on voyait que le panier était plein de fruits de mer. Tout au moins c’est ce qu’il me sembla : on eût dit des huîtres, mais retirées de leurs coquilles, comme on en voit parfois exposées sur des grands plateaux, dans les vitrines de Fortnum and Mason, à Piccadilly, à Londres. Casertano me regarda et me cligna de l’œil :

– Ça te dirait quelque chose, hein, une belle soupe d’huîtres ?

– Ce sont les huîtres de Dalmatie ? demandai-je.

Ante Pavelic souleva le couvercle du panier, et me montrant ces fruits de mer, cette masse d’huîtres gluante et gélatineuse, il me dit avec un sourire, son bon sourire las :

– C’est un cadeau de mes fidèles oustachis : ce sont vingt kilos d’yeux humains.

Malaparte, Kaputt