L’angoisse mes trains !

Publié le 19 août 2015 par Chaponoff
Jeanne*, ma sœur Jeanne, ne vois-tu rien venir ?Je ne vois rien, que le train qui merdoie et la SNCF qui sursoit…

• Petit clin d’œil à Jeanne d’Arc qui fit tant pour la promotion et les relations publiques d’Orléans.

Lettre ouverte au président de la Société nationale des chemins de fer français.Cher Guillaume Pepy,Nous pourrions nous tutoyer, nous sommes de la même génération celle des posts soixante-huitards qui ont aboli le vouvoiement. Mais par respect, je vais vous vouvoyer car je ne voudrais pas que la lectrice ou le lecteur de cette lettre ouverte pense que je vous manque de respect.

D’ailleurs tout a bien commencé dans ma relation avec le train.
L’amour du train
Mais je vous parle là d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. J’ai connu la vieille gare d’Orléans en ferraille d’où partait bien à l’heure un train qui nous bringuebalait consciencieusement jusqu’à la Gare d’Austerlitz.
Ce train je l’aimais, quand ma mère m’emmenait voir les météorites au musée de l’homme ou bien visiter la Tour Eiffel dans les années soixante.
Ce train je l’aimais, quand il convoyait notre classe de CM1 à Paris, et que notre instituteur Jean Fayon (dit Coco pour les intimes)nous émerveillait avec les expériences électriques du Palais de la Découverte, la promenade en bateau-mouche et la visite du jardin des Tuileries.
Ce train qui emmena ma classe de 4e du collège Jeanne d’Arc visiter la maison de la radio avec notre professeur de français, Madame Surgé, je m’en souviens comme si c’était hier.
Ce train, je l’aimais quand il nous prenait à Orléans et nous déposait à Nyköping au bout de 24 heures ou à Stockholm après le changement à Copenhague.Quand il nous emmenait à Londres de nuit pour 80 francs. Pascal, Alain, Frédéric, Véronik, s’en souviennent.Nous étions jeunes et la carte Inter-Rail nous ouvrait les portes de la vie.
Ce train je l’aimais, le soir des résultats du baccalauréat quand nous avons partagé la vodka orange avec tout le wagon qui nous emportait vers Paname capitale de la fiesta.
Je me souviens de tous ces concerts, films, spectacles, que nous poursuivions par des agapes au Pied de Cochon ou au Bistrot de la Gare avant de rentrer par le dernier train qui quittait Paris autour d’une heure du matin
Ce train, complice muet de nos étreintes furtives, de nos fous rires quand les passagers étonnés nous voyaient ressortir à deux des toilettes, je l’aimais.
Je me souviens du train de nuit qui nous prenait aux Aubrais et nous ramenait à la faculté de Tours, des appelés ivres de mauvaise bière jonchaient les couloirs enfumés en attendant de regagner leur casernes… je l’aimais aussi ce train.
Toute ma vie j’en ai croqué de la Micheline, du train Corail, du TGV, de la Navette, du Shinkansen du train-train, et même de l’arrière-train ! En corse, au Canada, au Japon, partout… et j’aimais ça.
J’aimais tellement le train qu’il m’est même arrivé revenant de Paris, de m’endormir et d’aboutir à Vierzon après avoir manqué l’arrêt des Aubrais. Et Vierzon by night vers trois heures du matin, c’est vraiment une chose qu’il faut avoir vu dans sa vie n’en déplaise à Brel.
La déception
En 2000 il m’a fallu travailler à Paris.
J’ai dû prendre tous les matins un train Orléans Paris qui arrivait en retard plus souvent qu’à son tour. Ce qui fait que lorsque j’avais un RV important le matin à Paris je préférais louer une chambre d’hôtel près de mon RV pour être certain de ne pas le louper le lendemain. Depuis, les retards se sont accentués et finalement travailler à Paris est devenu très difficile puis impossible. Le train me rendait naze de fatigue et de lassitude.
La goutte qui fait déborder le naze
Ce qui me retenait encore à vous, Cher Guillaume, c’était de pouvoir prendre le train pour aller sortir à Paname, voir un spectacle, dîner à la Closerie des Lilas ou partager une soirée théâtre avec mes amis.
Las depuis le nombre de trains desservant la ligne Paris Orléans a drastiquement diminué. Alors que l’horaire du dernier train pour Orléans était autrefoisaux alentours d’une heure du matin, il est aujourd’hui fixé à 23 h 07. Comment voulez-vous dans ce cas sortir au restaurant, assister à un spectacle ou vous faire une toile ?
La SNCF brime les Orléanais qui ne peuvent plus concilier sorties nocturnes à la capitale et retour au bercail. C’est nullissime !
La réconciliation entre les noctambules orléanais et la vie parisienne
Après avoir longtemps cogité, j’ai enfin trouvé la solution. Celle qui amorcerait un début de réconciliation entre l’usager orléanais courroucé et l’apathique SNCF. En effet, il suffirait que les contrôleurs du dernier train de 23 h 07 apprennent par cœur le dernier acte de chacune des pièces de théâtre en vogue à Paris qu’ils pourraient réciter aux voyageurs qui ainsi connaîtraient la fin de la pièce qu’il n’ont malheureusement pas pu voir jusqu’au bout. De même les contrôleurs apprendraient les répliques des dernières scènes des grands films projetés pour les rejouer devant des voyageurs attentifs. Les contrôleurs seraient également munis de glacières et de cuisines portatives pour offrir aux passagers qui n’ont pas eu le temps de terminer leur repas, les meilleurs desserts des grands restaurants.
Bien sûr cela à un coût. Mais la réconciliation entre l’Orléanais et le train qui est certainement votre priorité ne peut se faire qu’au prix de cet effort. La première pierre de cette réconciliation pourrait être un partenariat entre la SNCF et le Cours Florent qui formerait vos agents à la pratique théâtrale et à l’usage d’une diction audible et agréable bien éloignée du sempiternel « Le train va partir, éloignez-vous de la bordure du quai ». Soyons fous et envisageons pareillement un partenariat avec Lenôtre pour les desserts.

J'ai testé cette idée le 14 août dernier sur Europe 1 auprès de Thomas Joubert lors d'un débat en direct sur les transports en commun.


L’agent fait le bonheur
Pour vous aider à démarrer, je vous conseille d’acheter la revue hebdomadaire Pariscope qui vous donne la liste des principaux spectacles (concerts, théâtres, cinémas…) ainsi qu’un choix, non exhaustif mais suffisant pour un début, de restaurants et estaminets divers et variés qui constitueront le socle de votre nouvelle politique basée sur une alliance fraternelle, respectueuse et complice entre les Orléanais et vos agents SNCF.
Dans l’attente d’une réponse que j’espère positive et constructive, je vous prie de croire, Cher Guillaume Pepy, en l’assurance de ma considération respectueuse et distinguée.
ÉCÅ