"L'enfer, c'est la fermeture à l'autre" (Roger Garaudy)

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

LES AUTRES

Moissons. Tapisserie.
Jean Picart le Doux. 1944
Atelier Pinton, Felletin

Les veilleurs ont un seul monde, qui leur estcommun; ceux qui dorment tombent chacun versun monde particulier.HERACLITE.
Une race nouvelle parmi les hommes de marace, une race nouvelle parmi les filles de marace, et mon cri de vivant sur la chaussée deshommes, de proche en proche, et d'homme àhomme.Jusqu'aux rives lointaines où déserte la mort.SAINT-JOHN PERSE, Vents.
L'enfer c'est l'absence des autres.L'enfer c'est la fermeture à l'autre.Je nais habité par les autres. Puis une éducationmutilante d'Occidental me réduit à être tout seul, età avoir l'illusion d'être la source de tout le reste.« Je pense, donc je suis. » L'une des plus bellesperles du sottisier occidental! Quatre postulatsescamotés en cinq mots.« Je. » Il n'est pas vrai qu'au commencementétait moi. Tout au contraire je me distingue peu àpeu, et à grand-peine, d'une totalité confuse deschoses et des autres vivants. C'est une conquête demon enfance première. Le moment où je m'affirmecomme individu, distinct de tous les autres, séparé,sinon affronté, cette affirmation individualiste esthistoriquement datée et géographiquement située :elle est née avec la Renaissance, c'est-à-dire à lanaissance du capitalisme et du colonialisme, et enEurope. Il est vrai qu'à partir de cette mutationhistorique caractérisée par l'institution généraliséedu marché et de ses concurrences, chaque hommeest devenu le rival de chaque autre, que la liberté aété cadastrée comme la propriété : ma libertés'arrête là où commence la liberté de l'autre.Il est vrai aussi que cet individualiste barricadédans son moi égoïste a considéré l'Europe commele nombril du monde : tous les autres n'étant quebarbares ou primitifs.
>> LIRE LA SUITE >>