30 AOÛT 2015 | PAR STÉPHANE ALLIÈSDeux mois après le congrès de Poitiers, le parti socialiste continue son évolution vers le centrisme. Assumant une rupture stratégique définitive avec les partis de gauche, le premier ministre a tracé lors de son discours de clôture les contours d’un « rassemblement des progressistes ».
« Recomposition face à une “gauche gauchisante”»
Comme souvent, celui qui explique la situation avec le plus de franchise s’appelle Claude Bartolone. Le président de l’Assemblée nationale explique :« Il n’y a pas d'envie dans le pays et ça peut être la chance de Hollande. Il n’y a pas d'envie d'extrême droite, pas d’envie de droite, pas d'envie non plus des socialistes. Mais quand il n'y a pas d'envie, c'est celui qui exerce le pouvoir qui a la meilleure carte du jeu. Celle qui permet d'être celui qui rassure. » Pour éliminer la concurrence à gauche, Jean-Christophe Cambadélis se charge, lui, d’appeler à l’unité sans discussion : « Face à la France réactionnaire, la gauche a l’obligation de s’unir. Quand on est confronté au Front national, on ne plaisante pas avec ça ! »Mais de retour de la gauche plurielle, il n’est plus vraiment question. Le choix semble être fait de privilégier en effet la création d’un cartel électoral au centre de l’échiquier politique, avec le PRG de Jean-Michel Baylet, le Mouvement progressiste de Robert Hue et un rassemblement des personnalités écolos-centristes (de Jean-Luc Bennahmias à Corinne Lepage, en passant par les écologistes démissionnaires Jean-Vincent Placé et François de Rugy). « On essaie de faire une recomposition face à une “gauche gauchisante”, confie une ministre. Hollande est en train de faire le deuil du retour de Duflot au gouvernement. »Avec le parti écologiste, la rupture semble aussi consommée. Un atelier sur le bilan de l’accord EELV-PS a tourné au pugilat entre Jean-Marie Le Guen, opportunément dépêché pour la circonstance, et David Cormand et Eva Sas. Quant aux communistes, ils ne sont même plus cités quand sont évoqués les partenaires traditionnels. Et au-delà d’incantations unitaires et de formules culpabilisatrices (« À force d’aller à gauche, on finit à droite », a ainsi dit Valls, sur le ponton de L’Hermione, en marge du rassemblement socialiste), les régionales pourraient bien s’achever en chef-d’œuvre de désunion entre les forces gouvernementales et le reste de la gauche.Seule la présidente du MJS, Laura Slimani, aura tenté lors de son discoursd’appeler à la raison : « Le moteur de l’union de la gauche, cela ne peut pas être uniquement l’agitation du péril de l’extrême droite. Ce qui unira la gauche, comme par le passé, c’est un projet commun de transformation. » Et d’estimer« plus facile » de rallier les écologistes en mettant fin « aux subventions au diesel », ou les communistes en réaffirmant « notre volonté de toujours faire primer la loi sur le contrat, le droit du travail sur l’accord d’entreprise ». À ses yeux, « le choix de l’électorat de gauche sera plus facile en 2017, si nous ouvrons la PMA aux couples lesbiens, si nous supprimons Hadopi comme nous l’avons promis, si nous réorientons une partie du CICE vers le pouvoir d’achat ». Mais elle a peu de chances d’être entendue…« Désormais nous avons intérêt à faire alliance avec des “Verts de gouvernement”, qui acceptent de ne pas gagner tous leurs arbitrages, estime ainsi un proche de Hollande. On va attendre de voir s’ils parviennent à se structurer, puis voir s’il y a lieu de les intégrer au gouvernement. » Plusieurs dirigeants socialistes rencontrés semblent encore s’illusionner sur la capacité des « écolos-réalistes » à créer un rassemblement d’envergure, quand leur nombre actuel ne dépasse pas le millier de militants, tous groupuscules et personnalités compris. À La Rochelle, le Front démocrate a ainsi réuni jeudi et vendredi entre 60 et 200 personnes (selon les moments de la journée où Jean-Luc Bennahmias s'essayait à une estimation).Mais qu’importe, « la perception de l'orientation de gauche, c'est ce qui fera le premier tour, explique un ministre hollandais de longue date. Pour cela, l'efficacité, les résultats économiques et sociaux sont un préalable, mais ne suffiront pas : il faudra aussi être présent sur la question environnementale, la justice sociale et la morale, et ne pas faire d'erreurs sur le "sécuritaire" ». Et comme l’indique une de ses collègues : « En l’état, même avec une gauche fracturée, ce n’est pas si injouable pour 2017. »http://www.mediapart.fr/article/offert/e40ea62ba6d17848f0fc38bc368539a0