Lundi 2 juin 1980.

Publié le 25 avril 2008 par I_love_vintage

[...] A l'entrée des villes et des villages, par ici, on en indique les noms en catalan, en dessous du nom en français, ou après lui. Mais le plus souvent celui-ci est badigeonné. Personne en France ne semble aimer la France. Autant les Américains de toutes les catégories sont passionnés par l'Amérique, forteresse à leurs yeux de toutes les libertés, autant en France l'idée France a peu de partisans, en dehors des discours politiques et de l'opinion d'extrême droite. Aucune région, aucun milieu, aucun groupe d'âge ni de culture ne la prend à son compte, ne la soutient, sauf peut-être les amicales d'anciens colonels. En Catalogne, au Pays Basque, en Bretagne, en Corse, et dans tout le Midi elle est perçue comme un empiètement et un abus, en Alsace avec condescendance, ne disons rien des Antilles ou de la Réunion. Pendant la dernière guerre, la plus juste, la plus indispensable des guerres, aucun peuple dans son ensemble n'a eu une attitude aussi veule. L'héroïsme de quelques uns, la détermination d'un seul, d'heureuses coïncidences d'intérêts, un tour de passe-passe réussi, l'indulgence exaspérée et un peu méprisante des vrais vainqueurs, qui ont fait semblant de croire que nous étions des leurs, nous ont donné un tabouret bancal du bon côté de la table de paix. Mais aujourd'hui, quarante ans après, si la même situation se présentait de nouveau, dans un pays où parler d'idéal pour dire qu'il n'y en a pas ferait encore sourire, compromis par les plus infectes amitiés pour vendre une camelote que même ainsi il n'arrive guère à placer, et qui prend pour son indépendance quelques ronchonneries et traînasseries de sale vieux gosse, où trouverait-on sept Justes? Ils auraient l'impression d'être ridicules, où bien ils le seraient déjà.
Renaud Camus, Journal d'un voyage en France, 1981, Hachette POL, p. 388


C'est moi qui souligne... avec tristesse. Déjà en 1981... Je me demande ce qui fait la cohésion de la nation française aujourd'hui. Certainement pas l'amour et la reconnaissance de ses enfants envers la mère patrie. Evidemment, il y a bien les [éventuelles et espérées] victoires tricolores au football et au rugby - c'est mince.