De réfugiés, de politique, d'une photo et des voyages qui rapetissent la planète.

Publié le 04 septembre 2015 par Espritvagabond
Comme tout le monde, j'ai été bouleversé, choqué, de voir la photo du petit Aylan Kurdi, gisant sur une plage de Bodrum, en Turquie. Comme tout le monde, je n'arrive pas à croire que les gouvernements de l'occident n'en fassent pas plus pour aider les réfugiés (je refuse de parler de migrants, termes plus général, puisqu'il s'agit ici de réfugiés, qui n'ont clairement pas choisi librement de changer de pays de résidence suite à un projet de vie).
La plupart des gens voient la nouvelle passer sur leur écran de télé ou leur Une de journal ou sur Facebook, puis se disent que la Syrie, c'est à l'autre bout du monde, que ces gens là s'entretuent depuis des années, voir des décennies dans les régions avoisinantes, alors que peut-on faire?
Évidemment, on peut toujours se dire que comme citoyen, on n'y peut pas grand chose, après tout, ces choses-là se décident via des politiques gouvernementales, et sont administrées par la fonction publique, et comme simple citoyen, je ne pouvais pas, par un acte direct, aider cet enfant ou sa famille. Sauf que... sauf que ces politiques gouvernementales, elles sont décidées, votées, par les députés et administrées par les ministres du gouvernement en place. Et le simple citoyen, il vote, au moins. On ne fera pas de cette histoire spécifique une histoire politique canadienne, sauf que... sauf qu'il y a une connexion entre cette famille et les politiques gouvernementales canadiennes. Sauf que la Turquie et Bodrum, ce n'est pas l'autre bout du monde.
Si cette photo m'a interpelé, ce n'est pas seulement par l'échec qu'elle illustre de la compassion humaine, mais parce que ce conflit-là, il faisait déjà partie, indirectement, de ma vie. En effet, la connexion entre la Syrie et la position du gouvernement canadien, entre ma vie et le lieu du conflit, je l'avais abordé dans un billet politique il y a près d'un an.

Sur la mer, entre Bodrum et Kos, mai 2014.

La traversée Bodrum-Kos que la famille du petit Aylan a tenté, je l'ai fait, et dans les deux sens, dans le confort (relatif, on s'entend) que procurent un billet sur un bateau sécuritaire et un passeport qui assure le passage à la frontière de l'Union Européenne. Cette photo, elle a donc été prise dans mon univers, à un endroit où il y a à peine plus d'un an, je prenais moi-même des photos. Et j'ai pu faire cette traversée en toute quiétude, grâce à mon appartenance à un pays occidental. À la chance d'être né du bon bord des choses. Pourtant, ma vie, en tant qu'humain, ne devrait pas valoir plus que celle d'Aylan ou ses parents.
Mais les gouvernements occidentaux en ont décidé autrement.
Pour nous restreindre au gouvernement canadien, ne mentionnons que quatre facteurs: Un. Une politique de limitation de l'immigration qui a fait en sorte que le Canada n'a accueilli qu'un millier de réfugiés syriens depuis le début de 2015, reniant ainsi toute obligation morale d'aider les gens, et préférant les laisser mourir plutôt que d'ouvrir notre frontière. Deux. Une rhétorique pro-Israël à tout crin qui fait en sorte que l'on refuse de considérer des réfugiés musulmans comme on l'a pourtant fait avec des haïtiens ou des kosovars, par exemple, dans le passé. Trois. Une attitude pro-armée qui ne valorise que les attaques et bombardements, attitude guerrière qui fait en sorte que les populations civiles des secteurs visés doivent absolument partir et deviennent des réfugiés. Quatre. Un support au régime de Bachar Al Assad  lors de la révolution en Syrie qui a non seulement permis au conflit de perdurer, mais a aussi été une des causes de l'émergence-même de l'EI.
Or, ce gouvernement canadien, il est élu. Il parle en votre nom. Ailleurs dans le monde, quand le premier ministre ou un ministre parle, il le fait en votre nom. J'arrêterai ici la partie politique du billet en mentionnant que nous sommes justement en campagne électorale, donc en période où nous devons choisir qui nous mettons à la tête du pays, qui décidera de (et administrera) nos politiques canadiennes. Qui parlera en notre nom. Votre vote, et bien il compte, et pour des millions de gens, parmi eux des centaines de milliers de réfugiés, ce vote, il peut représenter la vie ou la mort.
Enfin, ce gouvernement canadien, tel qu'il est depuis une décennie, joue beaucoup sur la peur; et plusieurs semblent lui donner raison quand je vois les nombreux relais d'histoires de peur concernant les étrangers, les arabes (ou les musulmans), passer sur les pages Facebook et relayées par des connaissances qui n'ont jamais rencontré beaucoup d'étrangers, d'arabes (ou de musulmans) dans leur vie. Pour moi, qui ne suis jamais allé en Syrie, ce pays est représenté dans ma vie par la chroniqueuse et journaliste Rima Elkouri, une femme admirable pour sa grande intelligence et son écriture fine et juste, ainsi que par un homme qui tient boutique sur l'avenue du Mont-Royal et chez qui j'achète des noix et fruits séchés, un homme d'une gentillesse exemplaire avec ses clients. Je me demande bien pourquoi j'aurais peur!
Rima Elkouri se demandait justement, dans sa chronique d'hier :
«Comment en est-on arrivé à parler des réfugiés qui meurent comme de simples statistiques? Comment en est-on arrivé à accepter en haussant les épaules que des victimes de la guerre meurent chaque jour en mer? Comment en est-on arrivé à trouver normal d’ériger des murs et des barbelés devant leur seul espoir?»
Moi, j'ai envie de lui répondre que je ne trouve pas ça normal, que je trouve horrible et sans coeur la position actuelle du Canada, que j'espère que ce pays va assumer ses responsabilités morales et ouvrir ses frontières pour accueillir sa part (et plus) de réfugiés issus de ce conflit.
Et j'ai envie de lui dire que je suis contre les murs.
La seule manière de dire ça, et d'être entendu, ça reste de garder l'esprit ouvert, de se méfier des marchants de peur, de voter pour des gens responsables et humains, et de ne pas rester indifférent,
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