Contre la compassion, un procès d'intention

Par Sergeuleski

   Tragédie des réfugiés venus d’une région à feu et à sang, reportages et commentaires…

Photo du corps d’un enfant syrien de 5 ans qui s'est échoué sur une plage de Bodrum, en Turquie, qui fera le tour du monde…

Sur Internet, là où tout est permis, sous couvert d’un pseudonyme qui donne du courage même aux plus lâches, des blogueurs et des blogueuses se sont crus autorisés à moquer l’élan compassionnelle - même éphémère, une tragédie sachant l’autre -, qui a traversé une Europe pourtant récalcitrante à l’idée d’accueillir un malheur plus malheureux qu’elle, à l'exception de l'Allemagne, il est vrai. Une Allemagne qui sait à la fois regarder en arrière et devant elle ; hier, aujourd'hui et demain : histoire, démographie, économie et compétitivité ; et c'est alors qu'elle en vient à réaliser qu'elle doit agir, ou bien plutôt... se positionner, au plus vite.

   Ces derniers jours donc, toute cette faune internaute ne s’est donc pas privée pour tenter de disqualifier ceux que ces événements ont bouleversés, à grand renfort de sarcasmes cyniques et d’attributs péjoratifs :

-   Leçon de morale compassionnelle

-   Tous se sentent purifiés car le Bien est en eux

-   Confort intellectuel et moral.

Blogs dans lesquels la compassion est qualifiée de « terrorisme intellectuel insupportable » et de « manipulation émotionnelle »...

Blogs qui n’hésitent pas à dénoncer le fait que les religions puissent rappeler à  leurs pratiquants l'obligation de se porter au secours de leur prochain, voisin ou pas...

Blogs tuyau-de-poêle aussi, tous s’emboitant les uns dans les autres, les uns sur les autres, devant-derrière, jusqu’à prétendre être à même de dresser, ou bien plutôt, de tirer le portrait de cet homme compassionnel… pour leur goût... trop compassionnel… bien au-delà du raisonnable en tout cas ; homme qu'ils situent à gauche, une gauche qui aurait pris le contrôle des médias… et quand on sait ce qu’il en reste de « cette gauche », et du métier de journaliste... ce qu’une information digne de ce nom est encore en droit d'attendre de cette profession… on se retient pour ne pas éclater de rire.

De plus, une grande partie de ces internautes se vante de l’avoir quitté cette gauche hégémonique et ultra-compassionnelle ! Et vous savez quand ? Et même si jamais ils ne l’avoueront publiquement : le jour où ils ont réalisé ce qui suit : « Comment ça, vous dites ? La gauche c’est pas la   droite ? Vous êtes sûr ? Merde alors !». Et quand on sait le temps qu’ils ont mis à s’en rendre compte… on pourra légitimement douter de leur faculté de discernement à tous.

   Faut dire que les salauds ont la dent dure ; ils pardonnent difficilement aux événements qui se dressent devant eux et qui, tel un miroir, les obligent à se regarder en face, bien en face, au fond, tout au fond car, dès que la compassion pointe le bout de son nez, terrassés ils sont par une véritéterrifiante - les salauds assumant rarement leur état : l’absence totale de compassion en générale, et pour une population en particulier ; population qui a le malheur de ne pas partager les mêmes attributs religieux ou/et ethniques qu’eux ; circonstances plus aggravantes encore : population qui refuse de disparaître ou de se soumettre.

En effet, pour tous ces blogueurs, tous ces étrangers-là c’est un souffle, une respiration, des poumons pour rien ou pour si peu ; un gâchis en oxygène assurément, et quel que soit leur âge, à l’heure où, dans nos centres urbains saturés, respirer devient un problème sanitaire.

On savait qu’il existe ici en France une frange de la population pour laquelle tout ce qui a trait à une zone géographique qui s’étend du Maroc à l’Afghanistan (à l’exception, pour certains d’entre eux, d’une Capitale dite éternelle…  sorte de postérieur composé d’une raie et d’un trou au milieu) peut bien crever : hommes, femmes, enfants ; et les bêtes aussi.

On savait que le Front National ce n’est pas toute l’extrême droite et qu’il en reste encore à côté ! Non pas à l’extrême de l’extrême droite mais plus simplement à droite ! Cette droite dite républicaine.

Et pour finir, on savait aussi ceci : Arabes, Musulmans, Musulmans et Arabes, qu’ils soient d’ici ou de là-bas, Français ou non, à leur sujet, on peut à peu près tout se permettre de dire et de faire.

   Mais alors, forts de leur mépris à l’égard de la compassion que tous ces événements ont suscitée, tous ces blogueurs et blogueuses iront-ils jusqu'à parler de « pornographie compassionnelle » ? Oseront-ils ? Car enfin... souvenez-vous ! Dans d’autres circonstances, et à propos de la dénonciation de l’exploitation politique et mercantile d’événements qui appartiennent aujourd’hui à l’Histoire, on se souviendra du procès fait à un humoriste - de très loin… le meilleur de sa génération, soit dit en passant -, à propos d’une formule qui… si nos souvenirs ne nous trahissent pas, se lisait comme suit : « Pornographie mémorielle ».

Alors, oui ? Non ? L'oseront-ils ce terme de « pornographie compassionnelle » qui leur brûle les lèvres et le clavier de leur ordinateur ? Car, pas seulement les cons, les salauds ça osent tout aussi ! Comme se tirer une balle dans le pied en refusant d’entendre ce battement dans l’air qui se rapproche à grands pas, tel un boomerang car, le coup de poing qu’ils croyaient asséner à la compassion et qu’ils vont dans un instant recevoir, juste avant une grimace hideuse, grimace à l’image de leur for intérieur, ce coup de poing leur fera d’autant plus mal qu’eux tous ne soupçonnaient pas qu’il puisse leur revenir… ce coup de poing qui est le leur et qui s’apprête maintenant à les frapper en pleine face. Et quand on sait toute la haine qu’ils y avaient mis dans ce coup de poing, toute la haine dont un être humain est capable à l’endroit d’une population en particulier, et plus encore, quand il est question de faire preuve de compassion à son sujet - car on n’y revient toujours, on ne cesse d’y revenir, génération après génération -, on se dit que, décidément, le masochisme, tout comme les voies qui mènent à la haine de l’autre, ne cessera jamais de nous surprendre tellement une bêtise crasse et abjecte dicte son expression et sa conduite.

   Un regret toutefois : les salauds ne connaissent pas la tentation suicidaire. Il nous faudra donc faire avec, tout en ne cessant jamais de leur répondre à chaque fois qu’il aurait dû se reconnaître qu’un devoir : se taire. Car, pour certains d’entre eux, en particulier ceux pour lesquels "humanisme" et "compassion" sont quasiment deux mots d'une grossièreté sans nom, face aux événements de ces derniers jours, cette évidence qui se vérifie tout au long de l’histoire humaine aurait dû s’imposer à eux en un quart de seconde : si on n’a pas la compassion, on aura les camps. Et on les a eus, et on les a, et on les aura demain encore car, mine de rien, les écrits-déjections de tous ces internautes-là s'en portent garants ; ces mêmes qui ne manqueront pas de nous répliquer, coq juché sur son tas de fumier : « A chacun sa merde !»

Comme de juste puisque ces derniers n’ont pas cessé d’y être et de s’y complaire… de tout temps, dans la merde… moralement.

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Pour prolonger, cliquez : Syrie, quand les langues se délient