[Critique] AGENTS TRÈS SPÉCIAUX : CODE U.N.C.L.E.

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] AGENTS TRÈS SPÉCIAUX : CODE U.N.C.L.E.

Titre original : The Man from U.N.C.L.E.

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Guy Ritchie
Distribution : Henry Cavill, Armie Hammer, Alicia Vikander, Elizabeth Debicki, Luca Cavalni, Hugh Grant, Jared Harris…
Genre : Espionnage/Action/Comédie/Adaptation
Date de sortie : 16 septembre 2015

Le Pitch :
Au début des années 60, en pleine Guerre Froide, deux agents, un de la CIA et l’autre du KGB, sont forcés de collaborer pour contrer les plans d’une organisation cherchant à mettre au point une bombe atomique. Leur seule piste : une jeune femme qui se trouve être la fille d’un scientifique allemand probablement enlevé par les terroristes pour construire une ogive capable de déclencher un véritable cataclysme…

La Critique :
Si certains galèrent rapidement à se faire un nom, Guy Ritchie lui, explosa quasiment dès ses débuts. Son premier long-métrage, Arnaques, Crimes et Botaniques n’a certes pas atteint des sommets au box-office, mais il fut salué par le public qui lui voua rapidement un véritable culte. Néanmoins, c’est avec Snatch que Ritchie casse la baraque à tous les niveaux. Gros culte là encore, pour un film rock and roll, farci à raz la gueule de répliques puissantes, drôle, punk et, cerise sur le gâteau, plutôt malin. La suite fut malheureusement moins glorieuse pour celui qui devint une bête à tabloïds à la suite de sa relation avec Madonna. Quand on a fait un truc comme Snatch, difficile de continuer à contenter des fans qui ont tendance à juger tout ce qui suit à l’aune de ce qu’ils considèrent comme un authentique mètre-étalon. Le réalisateur est alors parti à la dérive. Littéralement, avec le film qui voit Madonna et un type finir leur croisière sur une île déserte. Un Revolver à la ramasse et un RocknRolla sympathique mais bancal, ne suffiront pas pour réhabiliter le cinéaste, qui accepte de dépoussiérer Sherlock Holmes, avec deux blockbusters XXL. Banco ! Les dollars pleuvent, les films sont cool, mais au fond, on cherche un peu le briton tapageur qui, il y a quelques années, filmait un Brad Pitt destroy en train de dérouiller des mecs sur un ring tout crade. Agent très spéciaux : code U.N.C.L.E. allait-il permettre au sale gosse de refaire surface ? Tous les espoirs étaient permis…

Adaptation d’une série diffusée sur la NBC dans les années 60, le nouveau Guy Ritchie joue la carte du vintage. Très fidèle à la patine de son modèle, il prend lui aussi place pendant la Guerre Froide, dans une Europe encore traumatisée par le nazisme et effrayée par le communisme, et se propose, à la façon de L’Agence tous Risques, de Joe Carnahan, de revenir sur les origines du duo phare de l’œuvre matricielle. Agents très spéciaux s’attache ainsi à raconter la mission délicate de deux mecs super balèzes, un américain et un russe, obligés de passer outre leurs différences et leur rivalités (ou du moins celle de leurs gouvernements respectifs) pour sauver le monde. La dynamique du bon vieux boddy movie tourne à plein régime et voir Henry Cavill (l’américain) et Armie Hammer (le russe) se lancer des piques tout en unissant leurs forces pour au final finir par s’apprécier et se respecter, vaut quand même son pesant de cacahuètes. Il y a même le troisième personnage, en l’occurrence une jolie fille. Comme dans L’Arme Fatale 3 par exemple, avec tout ce que cela implique de sentiments naissants et de faux-semblants, vu qu’on est tout de même dans un film d’espionnage pur jus.
Le scénario d’Agents très spéciaux n’est clairement pas original. Là n’est pas le propos, c’est évident, car le but est avant tout de restituer une ambiance précise, old school, et de mettre l’accent sur des lieux communs censés être sublimés. Le truc, c’est que la démarche n’est pas aussi convaincante que prévu. Entre l’intrigue basique, les ressorts éculés, les personnages stéréotypés, les rebondissements certes un peu tordus mais pas toujours dans le bon sens, le long-métrage ne parvient pas tout le temps à garder l’ennui à distance, et paraît en permanence un peu désuet. On apprécie le charme du côté « film d’époque », il est vrai hyper classe, mais sur la longueur, le propos ne passionne pas vraiment comme espéré.
Le problème, c’est que les agents secrets ont été particulièrement généreux cette année au cinéma, et que ces derniers, bien qu’étant « Très spéciaux », font un peu pale figure en face des fous furieux de Kingsman par exemple, qui s’impose décidément de plus en plus comme la nouvelle référence en matière de relecture burnée et inspirée du film d’espionnage.

Cela dit, Guy Ritchie mise sur la cohérence et de ce côté là, rien à redire. Un peu hors du temps, il impressionne par contre d’emblée grâce à une photographie sublime (merci John Mathieson), donnant l’impression que le film a vraiment été réalisé dans les années 60, le reliant ainsi directement à la série TV. La musique aussi est au diapason, totalement pertinente et particulièrement bien choisie pour envelopper les exploits des sur-hommes et leurs joutes verbales. Derrière l’objectif, Guy Ritchie démontre de son côté qu’il n’a rien perdu de son talent. Contrairement au scénario, sa mise en scène est inventive et originale et permet au métrage de se payer deux ou trois vrais morceaux de bravoure vraiment spectaculaires, à l’image de cette poursuite, superbement emballée. Le casting tire bien sûr Agents très spéciaux vers le haut. Henry Cavill est parfait dans un rôle qui lui permet d’explorer des contrées qui jusqu’alors lui étaient inconnues. Massif, charismatique, drôle, rien à redire pour Superman. Armie Hammer pour sa part, écope du boulot le plus difficile, devant composer avec l’accent russe plutôt casse-gueule de l’agent du KGB qu’il incarne à l’écran. Pourtant il s’en sort avec les honneurs et fait de cette machine de guerre, un homme à la sensibilité abîmée, un être attachant encourageant l’empathie. Passons rapidement sur Hugh Grant, excellent quand il est là, c’est à dire le temps d’une poignée de scènes, à la fin du film, et sur Jared Harris, toujours classieux mais lui aussi très peu présent, pour aller directement du côté d’Alicia Vikander, l’actrice qui monte qui monte. Belle à tomber à la renverse, à l’aise dans tous les registres, celle que nous devrions voir de plus en plus dans les prochaines années, livre à nouveau une performance parfaite, où son charisme rattrape largement les travers de la partition à laquelle elle doit donner vie.
Des acteurs qui sont le moteur d’une œuvre formellement très réussie, mais qui pâtit d’une écriture parfois irrévérencieuse, car notamment parcourue de sous-entendus salaces, mais dans l’ensemble trop pépère. Pour résumer, on pourrait dire que rien ne cloche vraiment dans Agents très spéciaux : Code U.N.C.L.E.. Rien n’est véritablement médiocre. Au mieux banal, mais pas médiocre. Le problème, c’est qu’à la fin, quand on comprend qu’une suite verra le jour si le succès est au rendez-vous, et que tout s’est déroulé comme nous le pensions dès la mise en place de l’intrigue, pas grand chose ne subsiste, sinon la classe des comédiens et ce petit quelque chose qui lui permet de garder la tête hors de l’eau.
Avec sa dernière livraison, Guy Ritchie a clairement essayé de raviver les braises de sa verve d’antan, tout en l’adaptant à un univers ultra-codifié. Plus libre qu’avec le familial Sherlock Holmes, il n’a pas poussé le bouchon très loin mais s’est efforcé de paraître plus libre. Plus adulte aussi. Une intention louable pour un résultat très beau, léché et soigné, mais en demi-teinte…

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Warner Bros. France