(note de lecture) Jean-Luc Steinmetz, "Vies en vues", par Jacques Morin

Par Florence Trocmé

 
Ce n’est pas un recueil qui est donné à lire, quatre serait plus juste. Tant chacune des parties est autonome et particulière. Points de suture d’abord, qui prendrait bien l’allure d’un journal, avec ces observations, constats et commentaires que l’on pratique au quotidien. Couvant une certaine désinvolture, voisine du dandysme.  
 
On trouvera peu de plaisir à me fréquenter. On n’y gagnera rien de plus. Un livre vaut-il un homme qui maintenant marche après l’avoir fait ?  
 
En tout cas, la lecture de ses pages inspirées en procure puisque Jean-Luc Steinmetz n’hésite pas à introduire un texte par cette phrase elliptique : La beauté, ma passion. On ne peut être que réceptif à ce propos. Il est toujours question du style, mine de rien et de la forme que les textes revêtent  
 
Chaque fois qu’une phrase vient à terme,  
 je me demande si c’est un vers
.  
 
On a déjà noté en outre le penchant de l’auteur de « Et pendant ce temps-là » pour l’Italie, Venise et Rome en particulier.  
Pour suivre Retours sur images rappelle les amours passées. Tout en distiques sans mètre, mais constamment rimés plus ou moins. Certains poèmes transpirent de désir et de verdeur et l’on est surpris de voir surgir au détour d’une page le dessin au fusain de la couverture, qui, assez anodin, prend une valeur à la fois sensuelle et sentimentale et enlumine soudainement le texte afférent.  
Puis Varanasi, sous-titré Bénarès, cette fois-ci, ce sont des notes, notèmes écrit l’auteur  
 
Je regrette le petit singe qui, hier, est venu me voir 
et s’est payé le luxe de suspendre une séance d’écriture  
jugée par lui (avec un flair infaillible)  
presque souverainement inutile.  
 
L’Inde sacrée, magique, est photographiée dans toutes ses couleurs, et ses odeurs, avec l’impression récurrente de vivre un instant à la fois éternel et hors du temps.  
Enfin, quatrième partie : Lettres à plusieurs, s’adresse à des auteurs disparus comme Jean Cayrol ou Jean Tortel, mais aussi Valère Novarina ou encore son compagnon de route à TXT Christian Prigent… Ces missives personnelles permettent d’accéder à des éléments plus intimes et plus familiers du poète comme pour consolider l’image volatil ou discrète de l’écrivain proposée jusques là dans le livre.  
Mis à part le jeu sur les sonorités du titre général, on devine bien que ce recueil quadricéphale donne à voir la multiplicité des facettes d’une écriture complexe et trapue où la poésie originelle, quel que soit le sujet, garde sans cesse quelque chose à dire. 
 
Jacques Morin 
 
 
Jean-Luc Steinmetz, Vies en vues, Le Castor astral,13€