[Critique] THE NEWSROOM

Publié le 24 septembre 2015 par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Newsroom

Note:
Origine : États-Unis
Créateur : Aaron Sorkin
Réalisateurs : Greg Mottola, Alex Graves, Lesli Linka Glatter, Jeremy Podeswa, Carl Franklin, Anthony Hemingway…
Distribution : Jeff Daniels, Emily Mortimer, John Gallagher, Alison Pill, Olivia Munn, Thomas Sadoski, Dev Patel, Sam Waterson, James Fonda, Chris Messina, Hope Davis, Marcia Gay Harden, Patton Oswalt, Chris Chalk, Terry Crews…
Genre : Drame/Comédie
Diffusion en France : OCS
Nombre d’épisodes : 25 (3 saisons)

Le Pitch :
Journaliste vedette de l’information, Will McAvoy décide du jour au lendemain de revoir toute la ligne éditoriale du journal qu’il présente tous les soirs à la télévision. En opposition avec sa hiérarchie, qui n’apprécie guère son ton plutôt virulent et sa propension à critiquer les décisions du gouvernement tout en abordant des sujets sensibles, il peut néanmoins compter sur une solide équipe de collaborateurs. Équipe qui vient de voir l’arrivée de Mackenzie MacHale, avec laquelle McAvoy entretient des relations complexes.
Finis le grand spectacle et la langue de bois pour l’émission News Night sur ACN. L’heure est à l’information. La vraie…

La Critique :
Derrière The Newsroom se cache Aaron Sorkin, l’un des plus grands scénaristes américains encore en activité. Garant d’une plume qui est depuis ses débuts quasiment devenue un style à part entière, Sorkin a notamment écrit Des Hommes d’Honneur, The Social Network, Le Stratège, et est à l’origine de la série unanimement saluée À La Maison-Blanche (c’est lui qui a également écrit le script du biopic de Steve Jobs réalisé par Danny Boyle). Homme de théâtre, Sorkin définit lui-même son style en affirmant écrire sur des gens plus intelligents que lui et en ne s’attachant pas à la différence entre le bien et le mal mais au sujet de celle qui sépare entre le bien et le grandiose. Des propos qui résument plutôt bien ce qu’entend symboliser son œuvre dans sa globalité et donc The Newsroom. Aaron Sorkin est un écrivain positif. Un homme dont le regard préfère s’attarder sur ceux qui relèvent des défis propres aux personnalités animées d’une soif de progrès. Ceux qui ne stagnent pas et qui entendent réaliser des choses remarquables.

The Newsroom rappelle un peu Urgences. Comme dans la série médicale, l’action se déroule principalement dans un seul lieu. Hier le service des urgences du Cook County Hospital de Chicago, aujourd’hui la rédaction de News Night, un JT en pleine reconquête de son éthique. Presque en vase clos, les personnages, différents mais complémentaires, évoluent chacun à leur façon, devant composer les uns avec les autres, mais aussi avec des vies privées compliquées. C’est d’ailleurs là qu’intervient ce que nous pourrions appeler, le côté « soap opera » de Sorkin. Et non ce n’est pas péjoratif. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que la série s’attarde autant sur son fil rouge, à savoir l’info et ses problématiques, que sur les histoires de cœur des intervenants. Comme dans Urgences, chacun y va de sa petite vie plus ou moins dissolue et, on s’en doute, certains finissent par mêler amour et boulot. Une tendance qui rappelle les soaps sans pour autant en emprunter le côté facile et opportuniste (ou ringard). Chez Sorkin, tout sonne juste. Le scénariste prend le temps de nous présenter les personnages et leur vécu. Il ne va pas trop vite, y compris quand il s’agit de construire un environnement dans lequel on se sent bien et qui participe au côté addictif de la série, et ne cède jamais aux clichés faciles, démontés puis remodelés les uns après les autres. De cette façon, en tablant sur des mécanismes familiers, mais en se les appropriant, le show captive rapidement l’attention du spectateur.
Débutant sur un coup d’éclat digne de ce nom, The Newsroom ne met néanmoins pas la charrue avant les bœufs. Le traitement que Sorkin réserve à Will McAvoy, le personnage joué par Jeff Daniels, est le même que celui qu’il prévoit pour tous les autres. Chacun correspond en quelque sorte à un archétype et peu à peu, alors que les choses évoluent et que les événements impriment leur marque sur les esprits de ceux qui sont chargés de les annoncer aux public, l’évolution se fait notable. À la fin, et c’est à cela que l’ont voit que The Newsroom est une grande série, on est solidement attachés et il est d’autant plus difficile de dire adieu à des femmes et à des hommes dont nous avons partagé le quotidien et le combat, trois saisons durant.

Reposant sur un principe « d’équipe » simple et redoutablement efficace, The Newsroom bénéficie en outre du talent d’une troupe d’excellents acteurs. En chef de file, Jeff Daniels n’en fait jamais trop. Il sait être sobre, mais aussi se lâcher. Loin d’être évident, son Will McAvoy est intense, à la fois attachant mais aussi parfois déconcertant. Pas besoin de regarder les 25 épisodes pour s’apercevoir qu’il s’agit de l’un des grands héros de séries de ces 20 dernières années. Une création 100% Aaron Sorkin, dans ce que cela peut avoir de plus positif. Même chose pour Emily Mortimer et sa pugnace chef de l’info, à priori un peu cabotine, mais finalement tout à fait raccord avec les intentions et le background de son personnage. Impossible de citer tout le monde, mais il convient de saluer l’intelligence d’une distribution harmonieuse et stimulante, où tôt ou tard, tout le monde à sa chance de briller, à l’instar du solide Dev Patel, fantastique, ou encore de la sublime Olivia Munn, qui à elle seule donne envie de se passionner pour les cours de la bourse et de s’immerger dans les méandres de la finance (qui verra comprendra).

Classieuse, immersive, visuellement soignée et jouée à la perfection, The Newsroom est un bijou d’écriture. Une série qui ne se pose jamais, même lors des longues discussions passionnées. Son autre grande force ? Prendre part à l’actualité de notre monde. Passer en revue les scandales (DSK est d’ailleurs mentionné), les catastrophes, les élections et tous les événements mettant en ébullition les rédactions de presse. Aaron Sorkin pose un regard sur notre monde. Il analyse notre société à travers le prisme de sa plume si particulière, et insuffle mine de rien un véritable optimisme. Même quand on parle de sujets graves, il se concentre sur l’engagement et l’émotion de ceux qui veulent rendre justice à la vérité par le biais de leur travail. Encore une fois, The Newsroom est une série positive. Elle fait du bien car elle ne cède pas à la morosité. Là n’est pas son propos. Là n’est pas son essence. Dans les situations les plus inextricables, subsiste un espoir ou une touche de légèreté qui permet de mettre en exergue des choses à côté desquelles nous serions passés en d’autres circonstances. Sorkin n’a pas peur des ruptures de ton.
Spectacle passionnant et malin, contemporain, drôle et pertinent, The Newsroom renoue, sans trop regarder en arrière non plus, avec une certaine idée old school de la fiction américaine. Le générique va d’ailleurs dans ce sens. Le série ose. Elle affronte les clichés et n’a pas peur d’aller à l’encontre de certaines idées reçues. Sur la longueur apparaissent ses véritables qualités. Des qualités qui en font l’une des meilleures séries jamais produites par HBO et du même coup, vu que c’est HBO, de la télévision américaine dans son ensemble. Dommage qu’il n’y ait que 3 saisons, même si finalement, et ce malgré une fin un peu trop convenue, la série se sera achevée avant de peut-être tourner en rond comme tant d’autres avant elle. En l’état, elle s’apparente à un authentique trésor, jubilatoire et stimulant, à voir et à revoir, et offre du même coup un éclairage inédit sur les coulisses de l’info.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : Warner Bros France