Le joyeux bazar des JO de 1900

Publié le 23 septembre 2015 par Mart1

1894 : La renaissance des Jeux Olympiques est une affaire compliquée et fastidieuse. Au congrès Olympique, Pierre de Coubertin aimerait que Paris soit choisi pour organiser les premiers Jeux Olympiques de l'ère moderne prévus en 1896. Mais il manque de soutien. Il fini par soutenir la candidature d'Athène, surtout parce qu'il veut éviter que ce ne soit Londres qui l'emporte. Il obtient néanmoins que Paris organise les jeux suivants: ce sera en 1900.
Sauf que Coubertin n'est pas prophète en son pays. Et pour la France, la grande préoccupation de cette année 1900 est l'Exposition Universelle. Les organisateur de l'exposition considèrent les JO comme une vieillerie, qui n'a rien à faire dans une manifestation devant glorifier la modernité française. Ils préfèrent donc organiser des Concours internationaux d'exercices physiques, ouverts au plus grand nombre (y compris aux enfants).

Dans la tête de Coubertin, ces concours internationaux seront les Jeux Olympiques de 1900. Sauf que ni les affiches, ni le programme, ni les médailles de l'exposition présentent les Concours internationaux comme olympiques.
Les Concours internationaux n'ont d'ailleurs rien à voir avec les Jeux Olympiques tels qu'ont les entends aujourd'hui. Étalés sur 5 mois, ils impliquent 71 230 athlètes (dont 1 960 étrangers). Certaines épreuves sont scolaires, purement franco-françaises, où mettent au programme des disciplines assez inattendues parfois festives (course en sac, tir de canon, cerf-volant, pêche à la ligne...). Ce n'est que bien des années plus tard que le CIO tentera de faire le tri entre disciplines Olympiques ou pas, et d'établir un semblant de palmarès.
Concernant le cyclisme, les choses sont cependant prises très au sérieux. Le vélo est alors un sport extrêmement populaire, et les cyclistes tricolores règnent sur les palmarès. La ville Paris et l’État font donc construire à Vincennes un "stade vélodrome" de 40.000 places (ce vélodrome deviendra plus tard la Cipale, et accueillera de nombreuses arrivées du Tour de France).
Au total, ce sont 14 épreuves (6 principales, 8 secondaires) qui se déroulent sur piste, certaines sous l’appellation "Grand Prix de l'Exposition". Les meilleurs cyclistes mondiaux sont quasiment tous présents. Les cyclistes Français, qui représentent la grande majorité des athlètes, vont pourtant connaitre quelques déceptions.
Tout d'abord, certaines finales n'attirent pas la foule espérée, sans doute parce qu'elles sont organisées en semaine (il faut dire qu'il arrive alors que certains sportifs refusent de concourir le dimanche, jour du seigneur, en raison de leurs convictions religieuses).
Heureusement, l'épreuve reine, celle qui passionne les Français, est bien prévue un dimanche. Il s'agit du Bol d'Or. Le Bol d'Or est une compétition d'endurance sur 24 heures, qui se déroule exceptionnellement cette année-là dans le cadre des Concours internationaux. Créée en 1894 par le journal Paris-Pédale, elle doit son nom à la récompense remise au vainqueur : un bol en bronze doré, offert par Menier, la célèbre marque de chocolat qui se lance alors également dans la fabrication de pneumatiques !
L'épreuve est courue "derrière tandem" ou parfois derrière "triplettes" (tandem à 3 places). Ainsi protégés, les cyclistes parcourent des distances impressionnantes. Mathieu Cordang (Pays-Bas) l'emporte ainsi après couru 956,775 km. Il prend ainsi sa revanche sur Maurice Garin (3ème), qui lui avait soufflé Paris-Roubaix quelques années plus tôt (le néerlandais, alors qu'il était en tête de la course, avait glissé en entrant sur le vélodrome de Roubaix). La déception du public est grande car, même si Garin porte encore la nationalité italienne, il vit en France depuis de nombreuses années et est donc considéré par le public parisien comme un compatriote.
Au total, sur les 6 épreuves principales, la France n'en remporte que 2. C'est bien peu pour une pays qui se vante alors d'être à la tête du cyclisme mondial (sur 250 compétiteurs présents, 160 sont Français).
Dans le rapport officiel des Concours internationaux d'exercices physiques, la conclusion qui s'impose est alors la suivante :

  • « tabac, une nourriture lourde et indigeste, des heures de sommeil mal réglées, trop longues ou trop courtes, une existence différente d’un jour sur l’autre, l’abus des plaisirs sexuels, compromettent irrémédiablement les chances de celui qui veut courir, et il est bien certain que tous ceux qui ont réussi dans ces concours vélocipédiques ont observé les préceptes ci-dessus ».

Ces préceptes resteront pendant longtemps ceux enseignés aux jeunes coureurs cyclistes. Ils ont aujourd'hui légèrement changés concernant un point en particulier... c'est un sujet passionnant, mais ce n'est pas l'objet de ce billet !
Bien des années plus tard, le CIO a fait le tri dans les nombreuses épreuves des Concours pour essayer de déterminer le palmarès des Jeux Olympiques de 1900. Parmi les 14 épreuves cyclistes, seulement 2 seront retenues : les épreuves amateur de Vitesse individuelle (sur 2000 m), et de 25 km.
Pour la petite histoire :

  • le vainqueur des 25 km, le français Louis Bastien était un athlète accompli puisqu'il a également pris part à l'épreuve d'épée individuelle de ces mêmes Jeux Olympiques.
  • le second de la vitesse individuelle, le français Fernand Sanz, est le fils illégitime du roi Alphonse XII d'Espagne avec la cantatrice Elena Sanz.


Finalement, sur ces 2 épreuves retenues par le CIO, la France remporte 5 médailles sur 6. Le bilan est tout de suite bien plus honorable !
Taillandier, Sanz et Lake lors de la finale de l'épreuve de vitesse individuelle "sprint", le jeudi 13 septembre 1900