« Retour au pays natal » - Ballade en Haïti

Publié le 25 septembre 2015 par Joss Doszen

"Palé Francé pa di l’espri. Savoir parler français n’est pas synonyme d’intelligence. C’est ce que disait un vieil adage pour combattre le sentiment de supériorité qu’avaient les francophones, 10% de la population face à ceux qui ne comprenaient que le créole. Au préjugé de couleur s’ajoutait un préjugé de langue. Le français était la langue des maîtres et le créole celle des domestiques. Celui qui faisait une faute de français était la risée de tout le monde et l’histoire se propageait dans toute la ville et au-delà."

"Retour au pays natal" - Mario Blaise

« Ce qui est dur dans le fait de mourir, c’est que tu meurs à vie »

"Retour au pays natal" - Mario Blaise

Très très belle découverte que ce "Retour au pays Natale" de l’auteur Haïtien Mario Blaise. Vraiment une belle lecture que ce récit autobiographique d’un sexagénaire (?) qui s’en revient sur sa terre natale, et dans sa ville de Petit Goyave et se laisse submerger dans un flot de souvenir. La narration, faite à la première personne, nous parle de l’auteur, de sa famille, de ses voisins, de cette vie passée dont les réminiscences bousculent ce présent qui est totalement différent.

Puis, parmi tous les décombres, il retrouve une trace. Celle d’Odilon, le vieil ami qui lui permet de mettre des mots sur la douleur d’Haïti. Qui lui parle de ce nouvel Haïti qui a mal. Le narrateur, ne parle pas seulement de lui, il parle aussi des autres. De ces amis que la vie à décimé, de cette terre que le malheur et le tremblement de terre ont ravagé. Il revient sur les années de dictature, sans s’y attarder car là n’est pas la raison de ce livre. Les exactions et les malheurs des différentes dictatures ne sont qu’un fond d’écran. Par contre, le Haïti d’aujourd’hui est croqué de superbe manière, mais avec ses nouveaux démons : les ONG et ceux qui profitent, encore et toujours, des peuples de leurs misères.

Autant le début de cette lecture m’ont un peu freiné de par la lenteur de la narration, autant, passé le tiers du livre, cette sensation de lenteur s’est muée en langueur qui sied vraiment à ce retour vers le passé. Les passages intimistes sont beaux mais ceux qui ouvrent vers la plus "grande histoire" sont particulièrement intéressants car elles montrent une Haïti, des Haïtiens, en citoyen du monde.

Ce livre sympathique retour sur le passé familiale à l’occasion d’une visite à Petit-Goâve, se révèle être un très beau tableau de la ville et de Haïti en général. J’ai appris une foultitude de chose sur ce petit pays. Les nombreuses digressions, nombreuse, loin d’être désarçonnante, nourrissent le texte et le lecteur. La narration est fluide, faite sur le rythme lent d’une rivière qui s’écoule entre la pierraille d’un bosquet qu’on image plongé dans la pénombre, avec une atmosphère fraiche et humide ; C’est la sensation que m’a fait, par moment cette lecture. Au départ ce style me semblait… chiant, manquant de dynamisme, mais je m’y suis vite fait et j’ai, au final, énormément aimé ce livre.
Un livre à lire pour découvrir ce pays, et un auteur qui a une belle plume.


« Retour au pays natal »

Mario Blaise

Éditions L’Harmattan