Qu’est-ce qui déterminera le prix de vos gadgets en 2020?

Publié le 29 septembre 2015 par _nicolas @BranchezVous
Exclusif

Pas facile de tenir un budget quand on est un geek. Histoire d’y voir plus clair, voici quelques facteurs économiques qui pourraient influencer l’épaisseur de vos portefeuilles au cours des prochaines années.

Les nouveaux iPhone sont plus chers au Canada cette année que l’an passé? Ce n’est pas seulement parce que le dragon qui dort sur la pile de cash d’Apple veut un matelas plus douillet. L’économie mondiale, et la place qu’elle occupe le Canada, comptent pour beaucoup dans les fluctuations des prix de la techno.

Facteur no 1 : Le taux de change

Les pays étrangers ont moins besoin d’acheter des dollars canadiens pour payer des produits canadiens, ce qui fait baisser la valeur de notre devise.

Il n’y a pas si longtemps, le dollar canadien valait aussi cher que le dollar américain. Au moment d’écrire ces lignes, il ne vaut plus que 74,84 cents US. 

Qu’est-ce qui explique les fluctuations des taux de change? En bonne partie, la demande pour les biens étrangers au Canada et la demande pour les biens canadiens ailleurs dans le monde. Or, les exportations canadiennes ne se portent pas très bien par les temps qui courent : le secteur manufacturier perd des emplois chaque année, tandis que le prix du pétrole s’est effondré à cause d’une baisse globale de la demande et d’une explosion de la production du pétrole de schiste aux États-Unis. 

Résultat? Les pays étrangers ont moins besoin d’acheter des dollars canadiens pour payer des produits canadiens, ce qui fait baisser la valeur de notre devise. Et comme les produits techno que nous achetons ne sont à peu près jamais fabriqués ici, leurs prix au détail augmentent.

À moins d’une reprise plutôt improbable des exportations, le seul scénario dans lequel le taux de change pourrait se replacer rapidement serait celui d’une hausse des taux d’intérêt au Canada qui attirerait des investisseurs étrangers sur nos marchés financiers. Dans le contexte économique actuel, où l’inflation est presque nulle et où le marché de l’emploi ne montre aucun signe de surchauffe, un tel scénario est à peu près impensable. Il faut donc assumer que le taux de change restera faible pour un bon bout de temps.

Facteur no 2 : Les catastrophes naturelles

Il y a quelques années, le prix des disques durs a bondi partout dans le monde à cause d’une inondation en Thaïlande. C’est que les régions côtières frappées par une mousson particulièrement violente accueillaient plus de 1 000 usines, dont une bonne partie de la capacité de production mondiale de certaines pièces de disques durs. Les prix sont restés plus élevés que la normale pendant au moins un an.

Tim Cook, PDG d’Apple, lors d’une visite à une usine de Foxconn.

Maintenant, imaginez ce qui se produirait si un tremblement de terre frappait Shenzhen, en Chine, et détruisait les principales usines de Foxconn? L’entreprise fabrique des produits pour une liste de clients étourdissante, dont Nintendo, Apple, Amazon, Google, HP, Microsoft et Sony. Et Foxconn est loin d’être la seule entreprise techno de la région; quelles que soient vos préférences, il est bien possible que votre téléphone, votre tablette, votre PC et votre console de jeu vidéo aient tous été assemblés dans la même zone de quelques dizaines de kilomètres carrés.

«Place matters», comme disent les Klingons.

Facteur no 3 : L’approvisionnement en métaux

Si les projets de développement de techniques permettant d’exploiter de nouvelles sources ailleurs qu’en Chine devaient faillir à la tâche, l’industrie serait rapidement confrontée à une crise.

Les terres rares sont des métaux comme le cérium, l’yttrium et l’erbium qui entrent dans la composition de toutes sortes de composantes techno, comme les lasers, les diodes électroluminescentes et les disques durs. Le lithium, lui, est évidemment indispensable pour la production de batteries lithium-ion. 

Or, extraire ces éléments du sol n’est pas toujours facile parce que les gisements sont rares ou de si faible concentration qu’il faut employer des méthodes extraordinairement coûteuses pour obtenir des quantités de métal utilisables. Par exemple, en ce moment, il n’existe que deux gisements de terres rares commerciaux en dehors de la Chine, ce qui constitue un problème pour les manufacturiers qui voudraient produire des composantes techno ailleurs parce que la Chine a réduit ses exportations de 80% depuis 2012 à cause de la croissance de ses propres besoins. 

Le développement de techniques permettra probablement d’exploiter bientôt de nouvelles sources de ces éléments ailleurs qu’en Chine, y compris au Canada. Si cela se réalise, on pourrait assister à une baisse des prix de certaines composantes, ou du moins éviter une hausse de prix causée par une pénurie de matières premières. Mais si ces projets de développement devaient faillir à la tâche, l’industrie serait rapidement confrontée à une crise.

Facteur no 4 : La Chine

La population de la République populaire de Chine était de 1,36 milliard d’habitants en 2014. À lui seul, le «virgule 36» compte pour dix fois la population totale du Canada, tandis que les 25% des Chinois les plus prospères sont plus nombreux que tous les Américains réunis, hommes, femmes et enfants.

Donald Trump, qui – visiblement – est obsédé par la Chine.

Ce qui signifie que les produits pour lesquels la demande chinoise est très forte, comme les nouveaux iPhone la fin de semaine dernière, pourraient coûter plus cher parce que les manufacturiers auront du mal à satisfaire toute la demande mondiale. (Imaginez si les Chinois avaient pu acheter des Wii légalement à l’époque où nous avons vécu des pénuries ici pendant deux saisons des Fêtes consécutives!)

En revanche, un produit populaire en Chine pourrait voir sa disponibilité assurée pour une plus longue période. Il faut prendre le bon avec le mauvais.

Facteur no 5 : Les traités de libre-échange

En théorie, plus le commerce international est libre de barrières tarifaires, plus les prix sont bas parce que les entreprises peuvent produire là où les coûts sont les plus faibles. En pratique, c’est plus compliqué, ne serait-ce que parce que la finance internationale est d’une complexité inouïe et que les traités commerciaux eux-mêmes sont de plus en plus alambiqués. Par exemple, le texte du Partenariat transpacifique (TPP), un traité de libre-échange négocié par 12 pays, dont le Canada, est secret. Même les membres du Congrès américain qui doivent voter son adoption doivent se rendre dans des salles bien gardées pour consulter une version imprimée du document et ne peuvent même pas emporter leurs propres notes manuscrites en sortant. 

Pas moyen, dans de pareilles circonstances, de prédire les conséquences d’un tel traité. Le cynique en moi ne peut pas s’empêcher de penser que, si le TPP était une bonne chose pour la majorité des gens, on ne ferait pas autant d’efforts pour le garder secret, mais on ne peut pas savoir.

Facteur no 6 : La taxation du commerce en ligne

Essayez de deviner, avant d’effectuer un achat en ligne, si vous devrez payer la TPS, la TVQ ou des frais de douane. Bonne chance! Il semble qu’il n’y ait pas deux détaillants qui appliquent les mêmes politiques, et les gouvernements ont laissé une espèce de flou juridique s’installer – même si, en théorie, toutes les taxes devraient s’appliquer à toutes les transactions.

Un de ces jours, la réglementation et son application seront uniformisées, fort probablement de manière à ce que les taxes de vente soient exigées en tout temps, que votre fournisseur soit au Québec, en Alberta, en Californie ou ailleurs. Sur un ordinateur portable, ça pourrait faire toute une différence.

Alors, comment prévoir ses achats sur 3 ou 5 ans?

Si vous en ressentez le besoin et que vous en avez les moyens, envisagez d’investir tout de suite dans du matériel de haut de gamme. Il serait étonnant qu’une révolution technologique vous fasse regretter votre achat à court terme.

Je n’en ai pas la moindre idée. Je viens de vous présenter trop de facteurs de volatilité aux conséquences imprévisibles qui font en sorte qu’il serait ridicule de tenter de prévoir à long terme.

Ceci dit, en ce moment, les taux d’intérêt sont presque nuls tandis que les ordinateurs, tablettes et téléphones intelligents ont atteint des niveaux de performance à la fois très élevés et en croissance relativement lente d’une année à l’autre. Honnêtement, les «nouvelles fonctions révolutionnaires» se font de plus en plus rares et de moins en moins impressionnantes, n’est-ce pas?

Voici donc ce que je vous recommande : si vous en ressentez le besoin et que vous en avez les moyens, envisagez d’investir tout de suite dans du matériel de haut de gamme, quitte à emprunter à très faible taux d’intérêt. Il serait étonnant qu’une révolution technologique vous fasse regretter votre achat à court terme, et de cette manière vous serez protégé contre les fluctuations additionnelles du taux de change qui ne risque pas de s’améliorer beaucoup dans un avenir prévisible. Puis, gardez ce matériel pendant 4 ou 5 ans et économisez en prévision de la prochaine ronde d’achats une fois que vous aurez fini de payer celle-ci.

Ou bien faites comme moi et gardez votre vieux téléphone précambrien qui ne vous coûte plus rien depuis 2013. Ça aussi, c’est bon pour la tranquillité d’esprit!