(note de lecture) Mâkhi Xenakis, "Iannis Xenakis, un père bouleversant", par Florence Trocmé

Par Florence Trocmé

Mâkhi Xenakis, la fille du musicien Iannis Xenakis publie chez Actes Sud un livre passionnant autour de la figure de son père.  
 
Fille de Iannis et de Françoise Xenakis, Mâkhi Xenakis, elle-même peintre et sculpteur, a composé, presque sur un mode musical, un très beau livre autour de son père.  
On est loin ici de l’anecdotique qui est trop souvent le lot de ce genre de témoignage. L’ouvrage retrace la vie de Xenakis, de manière compétente par rapport aux domaines abordés, l’Histoire, l’architecture, la musique. Il est illustré par ailleurs de multiples documents, dont de frappantes images des carnets de Xenakis. 
L’auteur déploie en premier lieu l’enfance de Xenakis (né le 21 mai, 1921 ou 1922), évoque le couple de ses parents, installés en Roumanie, le drame de la mort de sa mère en 1927, puis les tragiques évènements de la deuxième guerre en Grèce. Iannis fait partie de groupes de résistance aux occupants et le 1er janvier 1945, alors que les troupes britanniques sillonnent Athènes, il est atteint très gravement lors d’un bombardement, qui détruit une partie de sa mâchoire et lui arrache un œil. Il parvient à s’en sortir pourtant et quitte la Grèce, où il est condamné à mort par contumace, le 11 novembre 1947. C’est en France qu’il s’exile, en France qu’il entre dans le cabinet d’architecture de Le Corbusier, qu’il commence à composer et qu’il rencontre sa femme. Il travaille beaucoup pour Le Corbusier, notamment pour la couvent de la Tourette et pour le pavillon Philips de l’exposition universelle de Bruxelles en 1958. Il finit par quitter l’architecture où il s’est pourtant remarquablement illustré pour se consacrer entièrement à la musique.  
 
Une iconographie remarquable 
Sur tous ces points, le récit de Mâkhi Xenakis est vivant, très documenté et enrichi par une remarquable iconographie, sans doute en très grande part totalement inédite et qui est un des points forts du livre. Peut-être approfondit-elle un peu moins la création musicale de son père (qui demande à n’en pas douter des connaissances très particulières, qui sont moins de son ressort que l’architecture, qu’elle a aussi étudiée).  
Une des plus belles choses dans cet ouvrage sont les reproductions de documents de la main de Xenakis. Pages de ses carnets, où se côtoient des esquisses musicales, des courbes, des nuages de points, des notes manuscrites, des dessins, des esquisses d’architecture, etc. De très nombreuses photos aussi, des lettres reçues ou écrites par le musicien et bien sûr des documents personnels.  
On peut noter pour finir deux faits relatés dans le livre et qui reviennent sans cesse à l’esprit, une fois l’ouvrage refermé : ce cri terrible qui déchire la mère du petit Iannis, âgé de 5 ans environ, très peu de temps avant sa mort et dont Mâkhi pense qu’il est une des clés de l’œuvre musicale ; et ce goût du musicien pour la tempête, qui l’entraîne à sortir au plus gros du mauvais temps, en kayak, dans le coin de Corse où il se rend l’été pour ses vacances : « je me souviens de ces instants où, complètement immergés dans l’écume blanche de la vague, nous nous retrouvons dans un environnement sonore extraordinaire et unique. Les sons sont assourdis et pourtant c’est comme s’il y avait une multitude de micro-sons spatialisés tout autour de nous. (p. 194).  
Il ne reste plus qu’à retourner vers l’œuvre musicale de Iannis Xenakis, ce à quoi ce livre réussi et prenant incite fortement.  
 
Florence Trocmé 
 
 
Mâkhi Xenakis, Iannis Xenakis, un père bouleversant, Actes Sud, 2015, 234 p., 29 €.
 
Écouter Mâkhi Xenakis à propos de ce livre sur France Musique. 
Fiche du livre sur le site d’Actes Sud