Grandeurs et misères du nouveau Star Trek pour internautes seulement

Publié le 11 novembre 2015 par _nicolas @BranchezVous
Exclusif

Aux États-Unis, la prochaine série de Star Trek sera disponible exclusivement sur le service de distribution en flux continu payant CBS All Access. Bonne idée ou sale plan de Ferengi?

Le cri de mort que vous avez entendu à la grandeur du Québec il y a quelques jours, c’est l’exclamation collective de tous les Trekkers qui n’y croyaient plus. Eh oui! Star Trek sera de retour à la télévision en janvier 2017. Enfin!

Pour le moment, on ne sait pas grand chose du projet à part les noms de quelques producteurs délégués, la date de lancement, et le fait que des questions de partage des droits d’auteurs entre compagnies rivales auront au moins autant d’influence sur le concept que les préférences des auteurs.

Pour le moment, on ne peut que spéculer. Mais chose certaine, savoir qu’on spécule au moins sur quelque chose de vrai, ça fait du bien.

Est-ce que la nouvelle série se passera 20 ans après The Next Generation ou avant la série originale? Sur Terre, à bord d’un vaisseau Klingon ou sur une station spatiale à cheval sur la Zone Neutre? En format plus ou moins épisodique comme TNG, plus ou moins sériel comme Deep Space Nine, ou anthologique à la American Horror Story? Combien d’épisodes par année? Un par semaine ou tous lancés en même temps? Avec ou sans mini-séries parallèles? Pour le moment, on ne peut que spéculer. Mais chose certaine, savoir qu’on spécule au moins sur quelque chose de vrai, ça fait du bien.

Ce sur quoi il n’est pas nécessaire de spéculer, par contre, c’est le modèle d’affaires adopté par CBS pour cette nouvelle série. Hormis un «événement spécial» pour le lancement sur les ondes du grand réseau, Star Trek sera disponible exclusivement en ligne sur CBS All Access, un concurrent de Netflix que CBS tente ainsi de rendre plus attrayant au public des coupeurs de cordons.

Et devinez quoi? Ça pourrait être une excellente chose ou une catastrophe.

Des raisons de se réjouir

Soyons optimistes et parlons d’abord des raisons pour lesquelles cette décision pourrait bien tourner en notre faveur.

D’abord, Star Trek sera la première production originale destinée à CBS All Access. Or, les dirigeants des réseaux de télévision ne sont pas (tous) des idiots et ils se rendent bien compte que l’avenir de leurs entreprises passe par Internet bien plus que par les modèles traditionnels basés sur des pubs que personne ne regarde.

Donc, si CBS espère convaincre un nombre significatif d’internautes de s’abonner à All Access, on peut présumer que Star Trek aura droit à un bon nombre d’épisodes garantis, disons au moins l’équivalent d’une saison complète de 26, afin d’avoir le temps de s’établir. Tandis que sur les ondes traditionnelles, si une nouvelle émission n’attire pas l’auditoire tout de suite, elle peut facilement se faire retirer de la grille après quelques semaines. N’est-ce pas, fans de Firefly?

Deuxièmement, si le modèle des multiples séries de Marvel sur Netflix connaît du succès, rien n’empêcherait CBS de le copier avec Star Trek. Levez la main si vous seriez prêts à faire des bassesses pour que les mois tranquilles entre deux saisons de la série principale soient remplis par des mini-séries sur les intrigues au Grand Conseil de l’Empire Klingon ou dans une corporation de Ferengi?

Troisièmement, toutes les autres séries de Star Trek, de l’originale jusqu’à Enterprise, sont déjà sur All Access. On croit au produit, chez CBS, et on devrait lui donner les moyens de réussir.

Enfin, Alex Kurtzman et Heather Kadin, qui sont responsables du projet, ne sont pas des deux de trèfle. Outre son implication dans les récents films de J.J. Abrams, Kurtzman a aussi démontré qu’il était capable de ressusciter une propriété intellectuelle dormante et la remettre au goût du jour avec Hawaii Five-O. Et Sleepy Hollow a eu de très bons moments aussi. Bref, ça pourrait être bon.

Des raisons de ressentir un petit malaise

Avez-vous vu ce qu’il y a d’autre sur CBS All Access? À part des reprises des émissions actuelles du réseau et des vieux Star Trek, il y a… euh… ben, pas grand-chose. Pas grand-chose pour attirer un geek, du moins. Non seulement l’offre est restreinte au catalogue d’un seul réseau et de ses studios internes, mais en plus cette offre est composée de séries qui ont, jusqu’ici, attiré l’auditoire le plus âgé de toute la télévision américaine, avec un téléspectateur médian qui frôle la soixantaine. Entre les coupeurs de cordons et le public des 142 déclinaisons de CSI, il y a tout un fossé de générations.

Or, payer 6$ par mois seulement pour une série, quand Netflix et Hulu offrent une tonne de contenu pour quelques dollars de plus aux États-Unis, c’est cher. Pas sûr que bien des coupeurs de cordons trouveront qu’il s’agit d’un bon marché. Chose certaine, en tant que Trekker, j’aurais sérieusement l’impression qu’on tente de m’escroquer.

Et si CBS décide d’attendre de voir les résultats du nouveau Star Trek avant de décider d’investir (ou non) dans quelques autres productions originales pour All Access, et que les abonnements se font peu nombreux, pas besoin d’être devin pour imaginer la suite. L’avenir de CBS All Access est loin d’être assuré.

Alors, que devons-nous en penser?

CBS All Access est un produit 100% américain. Chez nous, le nouveau Star Trek devra donc être distribué autrement, que ce soit sur une chaîne spécialisée (je suis certain que les dirigeants de Space sont déjà sur le dossier), sur une chaîne généraliste, ou sur un service en flux continu comme Netflix ou Crave TV.

Si nous n’aurons pas d’influence directe sur le succès du modèle d’affaires américain, nous en serons tout de même dépendants.

Mais si nous n’aurons pas d’influence directe sur le succès du modèle d’affaires américain, nous en serons tout de même dépendants. Pas d’abonnements à All Access aux États-Unis, pas de Star Trek ici non plus, peu importent les cotes d’écoute que la série obtiendra chez nous.

Il faut donc souhaiter que d’autres productions originales viennent s’ajouter à Star Trek rapidement, pour rendre l’abonnement à All Access plus alléchant, et que les dirigeants du réseau soient assez patients pour laisser le temps au produit de maturer. Disons, pendant deux ans au moins. Préférablement trois.

Mon impression? CBS n’a pas choisi de faire cavalier seul avec All Access, plutôt que de s’allier à Netflix ou à YouTube, sans avoir un plan de match sur quelques années. C’est du moins ce que j’espère. Pour le moment, je suis donc prudemment optimiste.

Mais si aucune autre production originale n’est en chantier pour All Access avant le printemps prochain, je me préparerai au pire.