[Critique] LE VOYAGE D’ARLO

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Good Dinosaur

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Peter Sohn
Distribution voix : en V.O. : Frances McDormand, Jeffrey Wright, Anna Paquin, Raymond Ochoa, Sam Elliott… / En V.F. : Jean-Baptiste Charles, Éric Cantona, Olivia Bonamy…
Genre : Animation/Aventure/Comédie
Date de sortie : 25 novembre 2015

Le Pitch :
Et si la météorite qui a provoqué l’extinction des dinosaures n’avait jamais frappé la Terre ? C’est dans ce monde que vit Arlo, un jeune apatosaure, avec ses parents, son frère et sa sœur. Une gentille famille qui coule des jours heureux au bord d’une rivière. Tout bascule lorsque Arlo se retrouve livré à lui-même dans la nature, à la suite d’une succession de péripéties. Il fait alors la rencontre de Spot, un petit garçon très dégourdi, mais plutôt sauvage, qui pourrait non seulement lui permettre de rentrer chez lui, mais aussi devenir son meilleur ami…

La Critique :
Autant le dire tout de suite, vu que Le Voyage d’Arlo débarque en salle quelques mois à peine après la sortie de Vice Versa : les deux films n’ont pas grand chose en commun. Quand une telle générosité de la part de Pixar peut, de prime abord paraître très enthousiasmante, elle est cependant à double tranchant, tant la complexité et la finesse de Vice Versa ne vont certainement pas manquer de pousser une partie du public et de la critique à souligner la simplicité du Voyage d’Arlo. Ici, point d’univers fantasmagoriques, où l’imagination s’épanouit sans trop de limites pour livrer un spectacle touchant, drôle et empreint d’une philosophie extrêmement pertinente. Le film de Peter Sohn raconte « juste » l’histoire d’un enfant perdu dans l’immensité d’une nature hostile. Un enfant dinosaure, c’est important de le préciser, qui va en quelque sorte trouver son salut au contact d’un petit garçon lui aussi seul, mais pour sa part nettement plus débrouillard.
Il est donc crucial, histoire d’apprécier le long-métrage à sa juste valeur, de ne pas attendre quelque chose comme Vice Versa. Même si, Pixar oblige, le spectacle offre plusieurs niveaux de lecture, certes plus évidents, mais au fond, tout aussi appréciables.

Le concept de départ du Voyage d’Arlo est absolument génial et tient en une seule question : et si la météorite qui a provoqué l’extinction des dinosaures n’avait pas percuté la Terre ?
C’est ainsi que l’on retrouve des apatosaures en train de labourer des champs, construire des silos, récolter du maïs… Il y a papa et maman apatosaure, et leurs trois enfants, dont Arlo, le plus frêle rejeton de la famille, mais aussi le plus émotif et peureux. On comprend rapidement que Peter Sohn, qui pour rappel a commencé chez Pixar en réalisant plusieurs courts-métrages, avant de mettre en scène Monstres Academy, désire orchestrer un conte initiatique. En cela, il est logique que Le Voyage d’Arlo ne cherche pas l’originalité à tout prix. L’originalité d’ailleurs, se situe dans le point de vue du film, qui met face à face les humains, alors au stade préhistorique et les dinosaures. L’autre curiosité du récit consiste à placer les dinosaures (mais au fond, c’est plutôt normal), au-dessus des êtres humains dans la chaîne alimentaire, qui sont pour leur part considérés comme des animaux, un peu dangereux. Ils ne parlent pas et se comportent un peu comme des loups, pendant que les dinos causent et construisent des choses.
À partir de là, la métaphore se souligne d’elle-même, éclairant du même coup le second niveau de lecture du métrage, à destination d’un public adulte. Idem pour l’humour. Souvent très premier degré, à base de chutes et de personnages farfelus, il prend parfois des aspects plus inattendus, comme lors de cette incroyable séquence « hallucinogène » sur laquelle nous ne nous attarderons pas, pour ne pas gâcher la surprise. Une scène qui traduit la volonté de Sohn et de son équipe d’insuffler des éléments capables de fédérer. C’est très malin et parfaitement mis en place.

Sur bien des points, Le Voyage d’Arlo lorgne du côté de quelques-uns de ses plus illustres ancêtres de chez Disney. Étonnamment sombre, il n’hésite pas à confronter les plus jeunes à des situations de plus en plus rares dans le cinéma d’animation. Jamais opportuniste, il dose les émotions et s’avère plus qu’à son tour plus mélancolique que véritablement comique.
Ce qu’il faut comprendre au sujet du voyage qu’entreprennent Arlo et son copain Spot, c’est qu’il symbolise la sortie de l’enfance et l’entrée dans le début de l’âge adulte. Pour l’un comme pour l’autre, tout est en train de se jouer, dans ces contrées battues par les vents et peuplées de créatures pas toujours très bienveillantes. Arlo et Spot découvrent que certaines ombres autrefois effrayantes sont en fait inoffensives, mais aussi que les vrais dangers du monde peuvent revêtir des apparences séduisantes. Peter Sohn ne brosse pas son public dans le sens du poil. Adultes ou gamins peuvent trouver matière à réflexion dans ce périple, dont l’une des principales qualités est de ne jamais forcer le trait, pour laisser respirer ses thématiques et les sentiments qui, tout naturellement, s’en dégagent et touche souvent en plein cœur.

Visuellement, Le Voyage d’Arlo, fait également très fort. Si on peut à juste titre trouver l’apparence d’Arlo et des autres dinosaures de sa famille un peu simpliste, le film nous donne tort et démontre du fameux sens du détail de Pixar quand il s’agit de donner vie à ses personnages. Les décors quant à eux sont tout simplement à tomber par terre, s’inscrivant sans problème parmi les plus beaux réalisés par le studio à la lampe. L’eau de la rivière, menaçante et salvatrice, les nuages dans le ciel, les lucioles qui s’envolent vers la voûte stellaire, l’herbe verte et grasse qui crisse sous les grands pieds d’Arlo, dont les yeux seuls évoquent tant de choses dans lesquelles se reconnaître, le film est un tableau de maître. Il rend hommage à la beauté d’un monde à peine fantasmé. Et si il n’omet pas la peine, les problèmes et les cas de conscience difficiles qui vont avec la fin de l’enfance, c’est bel et bien l’amitié, l’amour de parents pour leur enfant, la fierté d’un père pour son fils, l’inquiétude d’une maman aimante et le désir de s’élever pour grandir et laisser sa marque, qui priment. Alors oui, Le Voyage d’Arlo est positivement simple, mais surtout grandiose.

@ Gilles Rolland

Crédits photos : The Walt Disney Company France