J’irai dormlire chez vous

Publié le 25 novembre 2015 par Adamantium

Je découvre aujourd’hui un article qui explique qu’une nouvelle tendance en vogue au Japon et dans les pays du nord de l’Europe consiste à dormir dans une bibliothèque.

Je me demande si la nuit qu’on passe dans cet environnement est particulièrement paisible ou si au contraire c’est une veille fiévreuse passée à dévorer les mots à la lumière d’une petite lampe… Difficile en tout cas d’échapper à la tranquille présence des livres dans une pièce, qu’ils soient alignés sur les étagères ou empilés sur un coin de table de nuit.

Avez-vous remarqué comme le papier a son champ gravitationnel propre, cette densité qui n’est pas sans rappeller la présence d’un corps lové à côté de soi dans le creux du lit, à peine soulevé par le rythme régulier de sa respiration ?

Et bien sûr il y a l’odeur… Celle du livre neuf, de la colle de la reliure et de l’encre d’imprimerie qui lui donne des airs de petit pain sorti du four. L’odeur du livre qui a séjourné longtemps dans une maison délaissée, ce mélange d’humidité, de poussière et de l’âcreté propre aux demeures esseulées. Celle du livre ancien imprégné avec patience par le parfum du cuir de reliure et par l’effluve des étagères de chêne.

J’imagine que l’odeur qui nimbe une bibliothèque doit donner aux rêves du dormeur une saveur, une profondeur, une texture sans égal.

Peut-être au contraire que le sommeil de celui qui dort dans une bibliothèque est agité de pensées tumultueuses, de fracas intérieurs, d’idées qui s’entrechoquent et font des étincelles. Car ainsi sont les livres et les idées. Jamais tranquilles.

Comme le proclamait l’éditrice américaine Mary Jo Godwin : « A truly great library contains something in it to offend everyone » (une vrai bonne bibliothèque contient en elle de quoi offenser chacun d’entre nous). Et c’est très bien ainsi.

Hervé Mathieu

(image : bibliothèque du mémorial Shiba Ryotaro à Osaka, Japon)