The search - 3/10

Par Aelezig

Un film de Michel Hazanavicius (2014 - France) avec Bérénice Bejo, Annette Bening, Maksim Emelyanov

Les méchants Russes contre les gentils Tchétchènes.

Message personnel : Sacha ne regarde pas ce film, tu ne vas pas aimer du tout !

L'histoire : 1999, seconde guerre de Tchétchénie. Un petit garçon de neuf ans, Hadji, voit ses parents abattus sous ses yeux et croit sa soeur, qui s'est précipitée sur eux, morte aussi. Il prend son petit frère, un bébé, son cartable, et il part sur les routes pour échapper aux militaires russes qui le terrifient. Comprenant qu'il ne pourra pas prendre soin de son frère, il le laisse au seuil d'une maison et s'enfuit dès que la porte s'ouvre. Il arrive dans un centre d'aide humanitaire où Carole, une française, tente de le prendre en charge. Mais l'enfant, traumatisé, reste muet. Parallèlement, un jeune homme, dans une ville loin du conflit, est arrêté par la police car il fumait un joint. Sanction : un petit stage à l'armée, pour lui apprendre la discipline.

Mon avis : Voilà un film qui me laisse complètement perplexe. Quelque part je l'ai aimé, dans sa globalité ; mais je l'ai aussi détesté pour certains points et en particulier pour sa partialité concernant le conflit tchétchène. Les Russes sont présentés comme des neuneus sanguinaires, et franchement ce n'est pas très cool, et extrêmement réducteur. C'est drôle, parce que ce conflit oublié des médias, est revenu trois fois sur le tapis, enfin sur MON tapis je veux dire, via trois films, en l'espace de quinze jours : Un homme très recherché, Les mains en l'air et puis celui-ci.

Pour pouvoir noter The search, j'ai donc adopté la méthode suivante. Je vais aborder cinq aspects marquants, leur attribuer des points, puis je ferai une moyenne. Je ne sais pas encore moi-même ce que ça va donner !

La réalisation : 8/10

J'ai aimé l'alternance des trois histoires, qui se répondent. Le jeune soldat qui va aller "bouffer" du Tchétchène. Les humanitaires qui se battent contre les moulins à vent. Le petit garçon traumatisé, materné par Carole, et sa soeur qui, inlassablement, le cherche. Tout est très prenant, filmé presque comme un docu. Les personnages sont forts et touchants. Sauf celui incarné par Annette Bening, que je n'ai pas trop pigé. Je n'ai jamais réussi à comprendre s'il elle s'en fichait ou si elle était vraiment motivée par son job...

Le début commence par un petit film amateur sur une ville dévastée. Et à la fin, on découvre que... No Spoiler.

Le film est un remake des Anges marqués de Fred Zinneman, en 1948, qui lui se déroule, on l'aura compris, pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le mélo : 3/10

Ca, c'est indéniablement un défaut du film ! C'est facile, très facile, de faire pleurer dans les chaumières avec un petit garçon de neuf ans, abandonné, courageux, et tellement tellement triste. Il nous fait complètement craquer, ce petit bonhomme : sa bouille, sa façon de courir, sa super danse tchétchène adaptée aux Bee Gees ! Et ses larmes, toutes ces larmes... impossible de ne pas fondre à son tour. Franchement à la limite du racolage. Dommage.

Bérénice : 9/10

Forcément un atout du film, avec sa beauté radieuse, son sourire éblouissant, son jeu impeccable. Mais je pourrais lui reprocher... de n'avoir pas prévenu son réalisateur de mari qu'il se fourvoyait un peu !

Comment un jeune ado lambda et tranquille devient une brute neuneu et assoiffée de sang : 6/10

Je dirai que c'est un point fort du film, sauf qu'il donne l'impression que les militaires russes sont vraiment des êtres sans foi ni loi. Car les nôtres sont-ils mieux ? Quand on voit les exactions commises récemment par des soldats américains en Irak ou en Afghanistan... on peut se poser la question. Et je ne dis pas ça pour blâmer les Américains ! L'homme est le même loup partout. Nous ne sommes sûrement pas mieux ; l'histoire l'a montré ! Ne faisons pas d'angélisme... Mais il n'est pas simple "d'accuser l'autre". Et les Français sont les premiers à s'insurger lorsqu'un réalisateur étranger ose faire un film sur des épisodes de l'histoire de France ! Un peu de modération serait donc bienvenue.

Pour en revenir à notre soldat, on voit très bien comment un jeune homme, tout ce qu'il y a de plus normal, se fait embrigader par l'armée pour un simple histoire de joint qu'il fumait dans la rue. Pour sanction, on l'envoie en stage à l'armée, où il vit les passages à tabac (pour lui apprendre la discipline), le bizutage immonde de ses collègues plus anciens, ses tentatives de résistance brisées par la force... il finit comme les autres, décérébré, content d'avoir trouvé cette "famille", ces potes, avec lesquels il peut jouer au soldat avec des cibles vivantes, son esprit critique ayant été totalement lessivé. Et là... bravo au jeune acteur russe, Maksim Emelyanov qui prouve qu'il en a toujours !

C'est extrêmement dur. Tellement dur qu'en aucun cas cette démonstration ne devrait illustrer que la seule armée russe. On sait bien que c'est la même chose partout. Et que moult films, heureusement l'ont dénoncé, qu'il s'agisse du Vietnam, de l'Algérie, du Japon... tout le monde peut en prendre pour son grade. J'aurais aimé que Hazanavicius finisse le film par un écran écrit, plus global, genre "ce film illustre le conflit tchétchène mais les guerres civiles et les conflits d'intérêts sont réprimées par la force par toutes les armées du monde". Et toc. Voilà qui aurait été plus juste.

L'aide internationale : 7/10

J'ai aimé que soient dénoncée l'indifférence totale du monde face à ce conflit. Qu'on nous montre travail quotidien des organisations humanitaires, qui dénoncent, mais ne sont pas écoutées, qui soignent, mais ne peuvent rien faire contre les extrémismes... Le discours de Carole devant une salle aux trois quarts vide, où les quelques personnes présentes baillent, bavardes, ou dorment... est édifiant. Mais, je me répète, le personnage incarné par Bening, lui, n'est pas très convaincant.

Le conflit tchétchène : 0/10

Je ne fais pas du pro-Poutine, que les choses soient claires. Ce qui m'insupporte, ce sont les gens qui prennent parti systématiquement parce qu'on leur dit QUI est le méchant. La Palestine, par exemple, passe toujours aujourd'hui pour LE vilain empêcheur de tourner en rond... alors que ces gens ont été dépossédés de leurs terres ancestrales pour créer l'Etat israélien. Les guerres sont des abominations, mais on ne peut pas juger ; chaque belligérant tient son discours et sa propagande. La France aujourd'hui se dit victime du terrorisme islamique... mais continue de côtoyer et commercer avec l'Arabie saoudite et d'autres. RIEN N'EST TOUT NOIR OU TOUT BLANC et je déteste donc les films qui prennent parti aussi radicalement. Dans The Search, jamais n'est abordée la question religieuse. On voit bien quelques gentils musulmans faire une ou deux prières, mais cela doit représenter 10 secondes de film au grand maximum. Que le pays soit musulman n'est pas le problème, évidemment. Mais qu'il soit infesté d'extrémistes radicaux est une réalité.

Résumé de l'histoire. J'ai pris comme base le Larousse, pour être sûre qu'on ne me taxe pas d'amateurisme en utilisant Wikipédia, dont l'article est d'ailleurs marqué d'un "ne cite pas suffisamment ses sources". Ceci dit, Larousse dit plus ou moins la même chose.

Les Tchétchènes sont un peuple caucasien, comprenant une minorité d'Ingouches avec lesquels ils partagent un islam sunnite récent (XVIIIe). Nomades, ils n'ont jamais eu de "pays", de nation souveraine. Et ils ont par contre, et bien évidemment, fait l'objet de toutes sortes de tentatives de colonisation : les Huns, les Khazars, les Mongols, les Tatars, puis les Russe, à partir du XVIe siècle. Ils ont toujours résisté farouchement, ne voulant recevoir d'ordres de personne (et ils ont bien raison... sauf que le monde ne fonctionne pas comme ça). Au terme d'une guerre coloniale d'un demi-siècle, de 1817 à 1859, leur territoire est conquis l'Empire russe. Pour ceux qui s'indigneraient... rappelons que la France a - toujours - de vastes "colonies" de par le monde.

Les Tchétchènes, qui luttaient sous la bannière de l'islam, se résignent, ou bien sont déportés vers l'Empire ottoman, musulman. Sous les tsars, des révoltes ont encore lieu. À la fin du XIXe, l'exploitation des gisements pétroliers de Grozny crée un pôle industriel d'importance régionale qui profite moins aux populations locales qu'aux colons russes. OK. Mais que ferions-nous sans la banane martiniquaise ? La France interviendrait-elle au Mali si le pays n'était pas l'un de ses meilleurs clients en terme de commerce ? Bref.

L'effondrement de l'empire tsariste en 1917 donne un nouveau souffle aux aspirations autonomistes. Et en février 1944, les Tchétchènes, avec les Ingouches, font partie des « peuples punis » que Staline décide de déporter dans leur totalité en Asie centrale, au prétexte d'une collaboration présumée avec les Allemands. Le « dégel » post-stalinien permet la reconstitution d'une élite et son insertion dans le tissu économique et social soviétique.

La perestroïka trouve les Tchétchènes divisés en un camp « prorusse » et un camp indépendantiste. En 1989, Moscou désigne un Tchétchène prorusse, Dokou Zavkaïev, au poste de Premier secrétaire du parti communiste local. Ce dernier doit pourtant s'effacer devant le chef de file du mouvement sécessionniste, le général Djokhar Doudaïev, qui proclame l'indépendance de la République tchétchène d'Itchkérie en novembre 1991, alors que l'URSS plonge dans le chaos. Et la Tchétchénie aussi. Le président Eltsine opte pour l'intervention militaire, le 11 décembre 1994, mais la guerre, qui dure deux ans et demi, s'achève par une défaite des forces fédérales.

Sous la pression des indépendantistes, qui ont recours aux prises d'otages afin d'obtenir le retrait des troupes fédérales, le général russe Lebed et le chef de la résistance tchétchène Aslan Maskhadov signent un accord de cessez-le-feu le 31 août 1996. Le 27 janvier 1997, le candidat indépendantiste Aslan Maskhadov est élu président de la République (rappelons que la Russie est une confédération) face au chef de guerre islamiste Chamil Bassaïev. À la tête d'un pays exsangue et désorganisé, en proie à une grave crise économique et sociale, à des dérives mafieuses et à une agitation intégriste, Maskhadov ne parvient pas à contrôler les autres chefs militaires.

À l'automne 1999, suite aux attentats en Russie attribués aux islamistes, Moscou lance une nouvelle campagne armée. Les troupes russes pénètrent en Tchétchénie et « libèrent » le tiers du territoire. Les combats font des milliers de victimes parmi les civils tchétchènes et provoquent le départ massif de réfugiés vers les républiques voisines. Après de violents bombardements, Groznyï tombe le 1er février 2000. Les attentats se multiplient contre l'armée russe en Tchétchénie et touchent sporadiquement le territoire russe (prise d'otages du théâtre de la Doubrovka à Moscou, en octobre 2002, attentats suicides). La République tchétchène devient la cible d'opérations de « nettoyage » visant à rechercher les « terroristes » parmi la population civile. Cette politique de maintien de l'ordre, féroce il est vrai, menée tant par les forces fédérales que par les milices locales du gouvernement tchétchène prorusse, s'accompagne de nombreuses exactions à l'encontre des civils, qui font quelque 70.000 victimes.    

À partir du printemps 2003, les autorités russes annoncent une « normalisation » de la situation. Celle-ci se traduit par la tenue, en Tchétchénie, d'un référendum portant sur l'adoption d'une nouvelle Constitution garantissant le maintien de la République au sein de la Fédération de Russie et par l'élection, le 5 octobre 2003, du chef de l'administration prorusse, Akhmad Kadyrov, à la présidence. Pourtant, le 9 mai 2004, Kadyrov est tué lors d'un attentat à la bombe ; le 21 juin, le bâtiment du ministère de l'Intérieur de la République russe d'Ingouchie est pris d'assaut par un commando tchétchène (92 morts) ; le 1er septembre, une prise d'otages dans une école de Beslan, en Ossétie du Nord, fait 338 morts, dont plus de la moitié sont des enfants. 

La « normalisation », vantée par le Kremlin, se poursuit autour du nouvel homme fort de la République, Ramzan Kadyrov, le jeune fils du président, assassiné.Il accède à la présidence de la République tchétchène, le 2 mars 2007. Symbole d'une certaine « renaissance » de la Tchétchénie qui a entrepris un vaste programme de reconstruction de ses infrastructures, R. Kadyrov est aussi celui qui, au prix de milliers de disparitions et d'assassinats menés par ses milices, parvient à réduire, par la force, la rébellion tchétchène. Un double attentat survenu dans le métro moscovite en mars 2010 et revendiqué par l'émir Dokou Oumarov, signe l'échec de la politique du Kremlin. La charia tente peu à peu de s'imposer...

La Tchétchénie (1.000.000 d'habitants), c'est comme la Bretagne, le Pays basque ou la Corse, des territoires "acquis" pendant l'Histoire, où une minorité terroriste et séparatiste continue de lutter. Sauf que chez nous, ils se sont un peu calmés, car la question religieuse n'enflamme pas le débat... (comme en Irlande du Nord par exemple). 

Ce film me laisse une profonde sensation de tristesse... car il n'est pas objectif. Balayons devant notre porte.

Voyons voir maintenant ce que dit la critique.

Présenté à Cannes, The Search a été moyennement reçu (et sifflé par les journalistes russes) par la presse, mais ovationné par le public. Les pros lui ont reproché surtout des longueurs et un manque d'émotion. Le réalisateur a donc remonté son film avant qu'il ne sorte en salles.

68.000 entrées. Un bide. Et des critiques extrêmement divisées, on aime, ou on déteste. Un magnifique mélo, un drame poignant, un film humaniste, instructif et terriblement touchant. Voilà en gros pour ceux qui apprécient ; aucun avis politique. Les autres rejoignent mon ressenti : "Du conflit tchétchène, vous n’apprendrez rien. "The Search" est une œuvre factice qui pourrait représenter n’importe quelle guerre dans le monde." (Paris Match) ; "en matière de géopolitique, Hazanavicius était largement plus inspiré quand il réalisait "OSS 117". (Cahiers du Cinéma) ; "The Search" s'empêtre dans un no man's land embrumé où le gigantisme de son sujet se heurte à sa pudeur d'auteur Français, trop conscient de lui-même pour s'accorder les transports nécessaires." (Chronic'Art). Beaucoup ici et là notent, et préviennent leurs lecteurs, que le film est clairement anti-russe.

Le public, lui, a beaucoup aimé en général (en tous cas ceux qui l'ont vu). Mais je suis consternée de voir dans les commentaires que quasiment personne ne relève le parti pris du réalisateur. On dirait que les gens ont un avis sur tout, sans avoir jamais rien vérifié par eux-même avant. Ils parlent ici d'invasion d'un pays (la Tchétchénie n'a jamais été un état), de pauvres Tchétchènes massacrés à cause de leur religion (c'est un peu plus complexe que ça...), de l'absolue atrocité de l'armée russe (parce que les autres sont mieux ?)...

Bref : ça m'énerve !!!

DESOLEE POUR CEUX QUI N'AIMENT PAS L'HISTOIRE ET LA POLITIQUE ! Mais faut pas me chatouiller sur des sujets pareils.

Lycée de filles (forcément) en Tchétchénie : le voile est obligatoire depuis 2007.

Son port a été étendu à tous les espaces publics en 2010. Et ce en opposition à la Constitution russe. 

Déclaration de Kadyrov en 2008 : "J’ai le droit de critiquer ma femme. Mais ma femme n’a pas le droit. Chez nous, la femme est à la maison (…). La femme doit être un bien. Et l’homme, le propriétaire. Chez nous, si une femme se comporte mal, le mari, le père et le frère en répondent. Selon nos coutumes, si elle a un comportement dissolu, les proches la tuent. Cela arrive : qu’un frère tue sa sœur, un mari sa femme. Il y a des hommes en prison pour ça chez nous… Comme Président, je ne peux pas accepter que l’on tue. Mais aussi elles n’ont qu’à pas porter de shorts !"