MAISONS de SANTÉ : Elles ne sont pas le modèle unique de l’exercice coordonné – Soins Coordonnés

Publié le 30 novembre 2015 par Santelog @santelog

Les maisons de santé sont devenues l’Alpha et l’Omega de notre système de santé ; la proposition d’en ouvrir revient comme un gimmick dans tous les discours des pouvoirs publics et de nombreux acteurs de santé.

Nous étions peu auprès de qui la maison de santé trouvait grâce lors de son apparition. Aujourd’hui, l’OVNI – Objet volontaire non identifié – «maison de santé» – voulu et porté par des médecins libéraux pionniers, a trouvé sa place dans le paysage de la santé à tel point qu’il est devenu pour beaucoup, y compris les pouvoirs publics, la solution unique et presque magique à tous les maux de notre système de santé en (re)construction.

Les maisons de santé sont utiles pour faciliter l’exercice des professionnels qui choisissent d’y travailler et leur apporter plus de sécurité personnelle. Près de 300 maisons santé sont apparues portées par des professionnels pionniers qui les ont conçues et financées. C’est beaucoup pour les territoires et les malades qui en bénéficient, cela reste peu proportionnellement au nombre de professionnels de santé de notre pays et aux besoins des patients.

L’enthousiasme des pionniers a permis jusqu’à présent d’éluder la question essentielle du financement stable de ces structures de soins.
La maison de santé est en rupture avec l’organisation libérale traditionnelle basée essentiellement sur le paiement à l’acte et l’isolement des professionnels, chacun travaillant de son côté. Cette rupture a deux conséquences : l’apparition de nouveaux coûts pour l’exercice quotidien et l’absence de financement de ces néo-coûts.

L’immobilier, le personnel, les fonctions supports, le suivi administratif sont autant de postes budgétaires nouveaux et de contraintes non compensées et sans financement pérennes.

Les premiers départs (en retraite ou autre) non-remplacés mettent en cause les instables équilibres économiques des premières maisons, surtout lorsque ces départs concernent les médecins.

L’ensemble de ces surcoûts pose ensuite la question de leur répartition entre professions de santé engagées dans des équipes constituées. Les chiffres d’affaires variant de 1 à 5 entre professions, la répartition des charges ne peut se contenter d’être proportionnelle à la surface du local utilisé.

Les professionnels qui développent les actuelles maisons de santé sont d’autant plus méritants qu’ils financent ces surcoûts quotidiens sur leurs propres revenus. Les aides disponibles sont d’abord des aides ponctuelles, administrativement lourdes à obtenir. Les nombreux arrangements proposés par les collectivités locales de réduction temporaire des loyers ne constituent pas des réponses pérennes.
A cela, s’ajoute le fait que les accords conventionnels signés par les syndicats médicaux et la sécurité sociale accroissent régulièrement les charges et contraintes des médecins généralistes sans compensation.

Le règlement arbitral destiné à la rémunération des équipes est une réponse partielle et bougrement compliquée au besoin de rémunérer les équipes. En vérité, ce financement pour partie des maisons de santé par les ex-NMR (nouveaux modes de rémunération), relève de l’hypocrisie : faire supporter les couts immobiliers, de personnel ou de fonctions supports par une rémunération non pérenne et destinée à financer la coordination des professionnels n’est ni plus ni moins qu’une acrobatie financière.

En définitive, seule l’amélioration de la productivité des actes peut éviter l’impact direct sur les revenus de chaque professionnel, ce qui, en clair signifie plus d’actes à engranger pour faire face.


Comment s’en sortir ?

Pour dépasser ces freins, une nouvelle contractualisation doit permettre de formaliser et financer l’exercice regroupé pour rendre le service attendu par les patients.

Cette nouvelle contractualisation ne doit pas créer de hiérarchie ou de différence entre les professionnels de l’équipe et doit être basé sur une séquence nouvelle «objectifs puis évaluation de l’atteinte des objectifs puis rémunération», concept aux antipodes des actuels fonctionnements conventionnels.

Un financement pérenne des coûts de fonctionnement adaptés aux besoins de santé et à la réalité de chaque fonctionnement est nécessaire. La création d’un fonds d’investissement immobilier est une nécessité pour les créations ou les extensions de MSP et aussi pour reprendre les investissements immobiliers initiaux des professionnels qui se regroupent.

Et si on faisait tomber les murs ?

Au-delà de ces seules considérations financières, la maison de santé est loin d’être la réponse ultime aux questions cruciales posées par notre système de santé en construction.

Beaucoup de professionnels de santé n’en veulent pas et ne se reconnaissent pas dans cette forme d’organisation, qui n’est pas adapté à tous les lieux ni à toutes les situations. L’administration comme les élus locaux doivent apprendre à respecter les choix des professionnels et sortir du modèle unique : c’est le service rendu à la population qui importe, pas la couleur ni la forme des murs.

De même, la définition juridique actuelle de maisons de santé comportant «au moins deux médecins généralistes» ne résiste pas à la réalité des territoires et à la progression des déserts médicaux.

L’éventuelle généralisation des maisons de santé met à mal le principe même de répartition territoriale au plus près des malades. Les pharmaciens, seule profession pouvant aujourd’hui revendiquer le maillage de tout le territoire, alertent depuis longtemps sur la mise en cause de leurs implantations à proximité des malades par les regroupements de médecins.

Le regroupement en équipe de soins pluriprofessionnelle permet de coordonner les interventions des soignants, de partager les informations de santé des malades et d’élaborer les protocoles de prises en charge de chaque équipe, cela se conçoit dans les mêmes murs ou sans immobilier commun.

Les technologies de la communication rapprochent les professionnels et rendent possibles les échanges en continu et à distance. Les équipes pluriprofessionnelles deviennent alors le lieu d’accueil des étudiants de chaque profession de santé et le développement professionnel continu (DPC) pluriprofessionnel l’outil de l’amélioration des pratiques.

Au concept de regroupement des professionnels dans un même lieu se substitue le concept plus fonctionnel de coordination des soins. Car si la prise en charge des malades chroniques et des personnes âgées impose la coordination des soins, elle n’implique pas nécessairement les regroupements dans un même lieu.

L’absence de modèle économique pour le fonctionnement et le développement des maisons et pôles de santé incite a minima à la prudence et autant que possible à l’intelligence de situation.

Source :Soins Coordonnés
Communiqué du 30 novembre 2015

Ce texte est également paru sur : Panser la santé

Contact : contact@soinscoordonnes.fr

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