[critique] the Terror Live : huis-clos terroriste à Séoul

Par Vance @Great_Wenceslas

Sorti il y a déjà plus de deux ans en Corée du Sud, the Terror Live, malgré d'incontestables qualités et un succès en salles impressionnant, a eu bien du mal à franchir les frontières. L'Europe n'en a ainsi eu qu'un bref aperçu lors d'un festival à Vienne l'an dernier, puis à Bruxelles et c'est donc la France qui a l'honneur d'exploiter ce thriller venu d'Orient par le biais de l'éditeur Elephant Films, lequel ne pouvait penser que quelques semaines après sa sortie officielle, de tragiques événements viendraient freiner les éventuelles ardeurs des acheteurs de ce genre de films.

Merci encore à CinéTrafic pour m'avoir donné l'opportunité de visionner ce thriller jouant habilement sur l'unité de temps et de lieu - et les peurs les plus palpables du moment.

Il fallait oser écrire et mettre en scène un projet reposant presqu'essentiellement sur deux vrais défis pour le VII e Art : le huis clos et le temps réel. Et il faut bien admettre que le challenge est plutôt bien relevé par un réalisateur qui se permet en outre le luxe d'évoluer également au niveau des points vue, introduisant des procédés dignes des found footages (puisqu'une bonne partie de l'intrigue est filmée par le biais d'une caméra de studio de télévision - ce qui occasionne un basculement du format de 2.35:1 à 1.85:1).

Techniquement, si ce n'est pas à proprement parler du jamais vu, c'est tout de même du haut niveau. L'intrigue quant à elle "rentre dans le rang" et on se surprend dans cet environnement bien particulier à retrouver quelques ficelles déjà utilisées sur un film apparemment sans rapport : Speed. Les motivations du terroriste, sa façon d'anticiper une éventuelle opération policière à son domicile et même certaines réactions épidermiques font écho au suspense mené à un train d'enfer par Jan DeBont.

Avec tant de gageures en toile de fond, pas évident de mener à bien l'entreprise : le décor minimaliste du studio de radio ouvre parfois de salvatrices fenêtres sur la cité tentaculaire de Séoul grâce à quelques écrans opportuns, mais l'essentiel du temps d'antenne - et donc d'écran - repose sur les épaules de Ha Jung-woo. Là aussi, pas évident lorsqu'on sort de deux véritables réussites du thriller d'action que sont the Chaser et the Murderer ! Je dois avouer à mon grand regret que cet exercice ne le met pas à son avantage et il semble parfois manquer du naturel qui faisait merveille dans ses autres films. N'oublions pas cependant qu'il passe le plus clair de son temps à meubler entre deux silences de son mystérieux interlocuteur que viennent ponctuer des informations contradictoires émanant d'un secrétaire d'Etat ou d'un chef de la police ou les ordres effarants de son producteur ou de son directeur d'antenne. Le cadre permet de distiller une tension permanente pendant presque une heure et le script louvoie étrangement entre les atermoiements d'un terroriste à la dérive et les déviances d'un responsable des médias, sans qu'on ne sente jamais le poids de la charge éventuelle contre le système : on perçoit bien les critiques sourdre sous l'intrigue, mais elles sonnent souvent faux ou tombent mal, surtout lorsque le politique se mêle au pouvoir de l'information. A ce jeu du chat et de la souris, où chacun profite de l'autre, où un animateur un peu opportuniste devient aussi dangereux pour les autorités qu'un déséquilibré auteur d'attentats, on se retrouve par moments plus déstabilisés qu'interpellés.

Cela dit, on est bien conscient que cette production ne visait pas si haut et se contentait de ménager un suspense dense tout en soulevant quelques questions factuelles. La conclusion, presque précipitée, permet au metteur en scène de choisir une option sans doute contestable qui donne surtout l'occasion d'introduire un peu d'action dans ce thriller statique, tout en jouant, peut-être un peu maladroitement, la carte du mélodramatique.

Difficile toutefois de faire la fine bouche devant ce qui reste un effort admirable et une bonne surprise, rondement menée et droite dans ses bottes. La VF fonctionne en outre plutôt bien. Un de ces films qu'il convient de revoir ensuite pour comparer l'introduction avec ce qu'on sait du déroulement, comme ces autres films à voir et à revoir. La Corée du Sud a encore réussi son coup pour 2015 ; pour les prochains films, rendez-vous en 2016.

Titre original

Deu tae-ro ra-i-beu

Kim Byeong-woo

Date de sortie France

30 septembre 2015 avec Elephant Films

Kim Byeong-woo

Musique

Byun Bong-sun

DVD Elephant Films (2015) zone 2 en 2.35:1 / 93 min

Un animateur radio reçoit lors de son émission, l'appel d'un mystérieux auditeur menaçant de faire exploser un célèbre pont de la ville, avant de passer à l'acte. Le journaliste décide alors de se servir de cette opportunité pour reprendre son ancien poste à la télévision et couvrir l'événement en direct tout en essayant de trouver une solution pour stopper les actes criminels du terroriste...