Mesure et analyse de l'influence des medias sociaux sur internet

Publié le 10 juin 2008 par Verbal Kint
L'article publié aujourd'hui est destiné au magazine VigIE, lettre d'information des [étudiants du Master IECS de l'ICOMTEC]url:http://www.ie-poitiers.fr/content/blogcategory/15/98/. Rédigé au mois d'avril dernier, il fera partie du prochain numéro, censé paraître dans les prochaines semaines. Je vous en livre ici la primeur, donc, et serais ravi de recueillir vos avis à travers les commentaires. L'intelligence économique est une discipline tirant particulièrement profit du traitement exponentiel de l'information sur Internet depuis le début des années 2000.

Alors que l'entreprise se servait du média comme d'un outil de communication unidirectionnel il y a encore peu, elle doit désormais de protéger, coordonner, valoriser, promouvoir et planifier son image sur le Web, sous peine d'atteinte à sa réputation.

La révolution du Web 2.0, l'Internet participatif et collaboratif, est à l'origine de cette révolution. En donnant le pouvoir à l'utilisateur, qui peut désormais s'exprimer avec facilité et sans contrôle grâce aux médias sociaux (blogs, wikis, partages, réseaux, micro-formats, …), Internet est devenu un véritable champ de bataille pour tout acteur micro- comme macro-économique.

Le bras armé de cet affrontement informationnel est l'influence. L'influence est très largement définie comme le pouvoir de transmettre indirectement à une communauté l'ordre d'engager une action productrice d'un résultat concret, en s'appuyant largement sur la crédibilité, l'audience et le réseau de l'influenceur.

Corollaire des opérations de veille stratégique et de gestion de crise sur Internet, l'influence trouve un terrain d'expression particulièrement efficace sur la Toile, principalement à cause du lien de confiance qui s'instaure naturellement entre acteurs reconnus. Ainsi on pourra constater l'éclosion de nombreuses prestations de relations publiques, communication interactive, stratégie d'entreprise se basant désormais directement sur l'influence de ces acteurs, parfois présentées sous couvert de termes tels que « communication virale », « veille concurrentielle », « buzz marketing » ou encore « lobbying numérique ».
Le succès de la communication d'influence, directement issu des pratiques centenaires du lobbying politique, met à jour ce qui constitue à la fois un facteur-clé de réussite et un des principaux freins à la mise en place de telles opérations : la mesure de son impact (bien souvent directement reliée au calcul du fameux « retour sur investissement »). Pour autant, il n'existe pas à l'heure actuelle de méthodologie d'évaluation de l'influence des médias sociaux précise et reconnue par l'ensemble des professionnels du secteur. Chaque prestataire définissant jusqu'ici son propre schéma de données, ses propres critères de pondération, sa propre méthode de ciblage et d'activation des leviers d'influence.

Edelman, une des toutes premières agences de relations publique mondiales, a réuni au mois de juillet dernier un échantillon des plus grands professionnels de la profession, du sondeur jusqu'au publicitaire, en passant par les agences de communication et de RP, autour d'une table ronde afin de réfléchir à la question de la mesure de l'influence.

La première conclusion du groupe que je retiens formule l'absolue nécessité d'identifier les différents acteurs de l'influence appliquée à Internet. Pour cela, il appartient de mettre en avant le terme de meme, qui peut être traduit en français par « sujet de discussion » ou « opinion ». On identifiera alors 5 acteurs d'importance : le lanceur (qui communique une opinion originale), le diffuseur (partage l'opinion à sa communauté), l'adaptateur (qui adapte et réutilise l'opinion auprès de sa communauté de niche), le commentateur et le lecteur de buzz. Si chaque acteur de la chaîne se laisse influencer, c'est parce qu'il reconnaît dans sa source une personne de confiance sur un sujet précis, à un moment donné, crédible, disposant d'un grand nombre de relations de confiance et identifié comme en avance sur son temps.
La seconde conclusion vise à mesurer l'influence de médias sociaux dans un environnement donné (pays, croyances, hobby, profession, secteur d'activité,…). A l'origine, l'influence d'un média était principalement calculée à partir d'outils tels que Technorati ou Nielsen BuzzMetrics, permettant une comptabilisation du nombre de visites, réactions et thématiques liées à un article. Cette approche simplement qualitative des choses ne suffit plus à l'heure du Web 2.0, c'est pourquoi le groupe de travail propose d'adapter cette démarche à des critères basés sur qualité du contenu et de la communauté du média visé. Ainsi l'étude nomme différentes typologies de médias sociaux (micro-formats, sites de partage, espaces de collaboration, réseaux professionnels et autres plateformes dédiées aux formats riches) lui permettant d'analyser finement l'influence des médias ciblés.

En prenant le cas des 5 premiers blogs américains, ces techniques d'analyse produiraient les classements suivants (par audience simple, puis par influence globale) :
La troisième conclusion vise l'identification des internautes en fonction de leurs activités afin d'établir une nomenclature de ciblage par type de média, génération d'opinions, consommation d'informations et habitudes de partage nécessaire à toute planification d'opération d'influence. L'étude fait alors référence au rapport de Forrester sur le « Social Technographics ».
Comme on pouvait s'en douter, l'internaute appartient en majorité à la catégorie inactive. Mais ce qui nous intéresse ici vise plus particulièrement les participants, collecteurs, critiques et créateurs de contenus, utilisateurs de différents outils et sensibles à différentes problématiques liées à la gestion de contenus en ligne.

Edelman termine son étude par une analyse comparative des différentes stratégies de communication d'influence selon deux critères : l'ouverture du média-mix aux contributions des internautes et la forme de communication descendante ou collaborative. Le diagramme qui en ressort représente l'ensemble des stratégies de communication à disposition des entreprises, des plus traditionnelles (communication contrôlée comme les campagnes télévisuelles et communication ouverte comme les vidéos virales) aux plus participatives (collaboration contrôlée comme la publicité générée par les internautes et collaboration participative comme les opérations basées sur une communauté en ligne).
Si les campagnes appartiennent aujourd'hui essentiellement à la partie gauche du diagramme, elles auront tendance à se déplacer vers la droite, au fur et à mesure des innovations permettant une plus grande participation du public. Et c'est principalement sur cet axe que se portent l'ensemble des méthodes d'estimation de l'impact de politique d'influence sur Internet, son importance ne faisant que croitre au fil des années.

Cette première approche ne constitue en aucun cas une méthodologie exhaustive ni reconnue comme une référence absolue sur le marché. Néanmoins, elle représente un véritable effort de synthèse et de structuration d'une activité en plein essort, qui ne demande que de vraies bases pour acquérir une vraie légitimité.

On pourra finalement espérer que cette initiative en alimente d'autres dans les prochains mois, issues de cabinets de conseil, de prestataires spécialisés ou encore de thésards spécialistes de la question, définissant cette fois une nomenclature détaillée servant à l'analyse de variables en perpétuel changement. Car c'est bien la difficulté, comme l'enjeu principal de toute démarche de contrôle de l'information sur Internet.

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