292- hegel, savoir absolu et exoplanetes

Publié le 11 décembre 2015 par Jeanjacques


Nous poursuivons notre travail de rapprochement entre science et philosophie pour montrer cette fois en quoi les découvertes récentes de l’astrophysique contribuent à éclaircir l'une des intuitions les plus géniales de Hegel mais qui est demeurée encore très obscure.

1 - Pour Hegel le réel est rationnel, cela signifie que la connaissance du réel est l’objet propre de la raison et qu’il n’y a pas de connaissance possible hors de cette « fonction de connaître ». Tout le savoir de l’univers sur lui-même relève donc de cette fonction universelle par laquelle la nature essentiellement matérielle se réfléchit dans le double sens de miroir et de savoir. Cette fonction se trouve dispersée dans les différents étants lesquels, chacun selon leur mode propre et organes de perception agissent et réagissent, et disposent ainsi d’une certaine "idée" du réel.

Mais c’est dans l’esprit de l’homme que ce savoir universel trouve son unité et sa plus haute expression. L’esprit s’extrait progressivement de sa gangue naturelle et cette « odyssée de la conscience » est celle de l’histoire humaine réalisant le savoir absolu. Lorsque l’esprit atteint cette phase ultime où il est « savoir du savoir absolu » il se trouverait selon Jean Hyppolite : « avoir atteint une fin de l’histoire ou du moins l’apparition dans l’histoire humaine d’une phase absolument nouvelle : ce savoir absolu dépasserait à la fois l’humanisme puisque la conscience de soi exprime seulement l’aventure de l’Etre et une philosophie de l’Absolu qui serait, elle, au-delà de toute histoire. L’identité posée du sens et de l’Etre (ou la mort de Dieu) inaugurerait une ouverture pure qu’on ne pourrait plu nommer histoire.*

2 - Que signifie cette conclusion très obscure de J. Hyppolite ? Comment est-il possible d’aller au-delà de toute histoire qui est celle de l’humanité ? Comment cette identité atteinte par le savoir absolu entre le sens et l’Etre serait « une pure ouverture sans histoire ? »

Il faut comprendre que cette identité entre le Sens et l’Être transcende l’histoire humaine, et donc qu’elle ne lui serait pas propre, ni temporalisée dans une histoire particulière. Elle aurait cette caractéristique d’exister de toute éternité et ne relèverait pas d’une éternité d’un Dieu abstrait. Or l’accession au savoir absolu suppose une odyssée particulière de la conscience qui se façonne et évolue, dans la lutte, la souffrance, la très lente ascension à la conscience de soi par le moyen du travail du négatif.

Dès lors, l’odyssée de la conscience serait elle-même éternelle pour atteindre cette identité du sens et de l’Être. Elle préexisterait comme virtualité en attente de réalisation. En d’autres termes, la nature conserve, pour se dé-couvrir elle-même, cette fonction de connaissance comme un possible toujours disponible recherchant les conditions de réalisation du savoir absolu. Consécutivement, l’odyssée de la conscience humaine ne peut en aucun cas se présenter comme unique et exceptionnelle. L’ouverture pure en direction de l’autre de l’histoire signifie que cette autre de l’histoire n’est pas humaine, que d’autres aventures semblables à la nôtre ont pu avoir cours dans l’éternité précédente, ont lieu actuellement, et se développeront dans l’éternité future.

A l’époque de Hegel, l’astronomie était peu développée et il ne pouvait savoir qu’il existait des centaines, des milliers voir de millions d’exoplanètes dont un grand nombre présentent des conditions souhaitables pour la présence de la vie. On ne trouve pas d’arguments pour interdire que le processus sélectif ayant abouti à la formation d’une espèce supérieure en intelligence technique, ne puisse à nouveau se reproduire. Tout se passe en effet comme si le Sens du grand mouvement du cosmos est de toujours aboutir à l’espèce qui atteindra son savoir absolu qui est justement connaissance de ce but ultime.

* Jean Hyppolite, figures de la pensée philosophique. Ch. 7 Essai sur la logique de Hegel, p.174 PUF 1971