Alain Rousset en route pour un quatrième mandat

Publié le 22 décembre 2015 par Blanchemanche
#NouvelleAquitaine

Le Monde.fr | 13.12.2015

Par Claudia Courtois (Bordeaux, correspondante)

« Cramé mais heureux » ! Comme beaucoup de candidats, Alain Rousset, le président socialiste sortant de la région Aquitaine et nouveau président de la grande région qui attend toujours son nom officiel, est exténué mais satisfait : pour son quatrième mandat, il va pouvoir présider aux destinées de cette nouvelle entité qui réunit AquitainePoitou-Charentes et Limousin

Alain Rousset, tête de liste PS, dimanche 13 décembre à Bordeaux. Rodolphe ESCHER / DIVERGENCE POUR LE MONDE

Même son entourage de campagne était incapable, dimanche 13 décembre au soir, de savoir le nombre d’acteurs locaux, de routes départementales et de réunions thématiques, que le député girondin a réalisés. « C’était une vraie épreuve physique », souffle sa directrice de campagne, Isabelle Boudineau, fidèle parmi les fidèles
Depuis ses débuts en politique dans les années 1980, auprès de Philippe Madrelle, un baron socialiste girondin qui vient juste de partir à la retraite, Alain Rousset, 65 ans dans deux mois, a toujours été comme ça : pugnace, homme de dossiers, bosseur infatigable, exigeant avec envers lui-même comme avec ses collaborateurs à la limite parfois de l’autoritarisme. « Les notes ne sont jamais assez chiffrées ou démonstratives et on essaie de lui apprendre à dire merci », constate un collaborateur. Dans son cabinet où le turnover est important, personne ne le tutoie, même pas son directeur de cabinet qui le connaît pourtant depuis quinze ans.

Un amateur de chasse et de pêche


« Il ne lâche rien », assure Isabelle Boudineau, sa directrice de cabinet quand il fut président de la Communauté urbaine de Bordeaux de 2004 à 2007, aujourd’hui vice-présidente sortante des finances à la région Aquitaine. Aux séances plénières, cet amoureux de la montagne, amateur de chasse et de pêche, est capable d’attendre, de viser puis de tirer avec ses arguments, pour défendre son projet ou sa délibération, face à son opposition.« A chacune de nos interventions, il reprend et dissèque tout alors qu’il n’a pas à s’abaisser à ça », s’est souvent agacé Dominique Ducassou, conseiller régional UMP de 1993 à 2015. L’ex-président du groupe de la droite républicaine reconnaît que la région « n’a pas été mal gérée avec un accompagnement indéniable des entreprises malgré une tendance au despotisme quand il affirme avoir tout fait ici. »Alain Rousset a été délégué à la reconversion de la zone industrielle de Lacq (Pyrénées-Atlantiques) pour le groupe Elf Aquitaine – son dernier travail mené en parallèle à ses débuts en politique. Il en est resté fasciné par l’innovation, convaincu de l’importance sociale et économique du progrès technologique. Le milieu de l’économie le passionne et de nombreuses décisions et soutiens de la collectivité vont dans ce sens. Ça n’était pas un lapsus quand il a affirmé à sa principale opposante, Virginie Calmels, lors d’un débat devant des étudiants de Sciences Po Bordeaux, que « oui, je suis chez moi dans les entreprises. »

« Dès qu’il peut, il vient voir les PME »


Beaucoup de dirigeants avouent à demi-mot avoir voté Rousset, même étiqueté socialiste. « Tous les patrons d’entreprises de taille intermédiaire, les ETI, sont derrière lui car ils reconnaissent un homme politique qui se soucie et reconnaît l’importance des boîtes et de leurs dirigeants dans notre société », assure Marc Prikazsky, PDG d’une entreprise de produits vétérinaires en Gironde, aux investissements soutenus par la région et au chiffre d’affaires de 766 millions d’euros en 2014. « Dès qu’il peut, il vient voir les PME et m’envoie des textos quand il découvre une pépite ou un projet », ajoute le directeur du club des ETI d’Aquitaine.Le président de l’Association des régions de France (depuis 2004) aime moins l’appareil socialiste. Il n’est dans aucun courant, ne va à aucune réunion du parti, ne regarde pas si ses collaborateurs sont encartés ou non. Revers de la médaille : à l’arrivée de François Hollande à l’Elysée – ils étaient dans la même promo de Sciences Po Paris – et fort de son expérience et travail, Alain Rousset s’imaginait à voix haute ministre de l’industrie ou à défaut président de BPI. Il n’aura aucun des deux postes. Il a accusé le coup et puis, il est reparti sur son cheval de bataille : une décentralisation accrue aux collectivités territoriales, notamment dans le service de l’emploi.Ce quatrième mandat sera certainement son dernier à la région. Un nouveau défi car il s’agit d’un territoire beaucoup plus vaste que celui de l’Aquitaine, avec des évaluations de politiques publiques, des outils d’expertise, une nouvelle organisation et de nouveaux modes de décision à trouver. Selon un connaisseur des rouages des régions et d’Alain Rousset, « il va falloir que le nouveau président s’invente un modèle où il accepte la subsidiarité, qu’il fasse plus confiance et prépare sa succession. » Vaste programme.
  • Claudia Courtois (Bordeaux, correspondante) 
    Journaliste au Monde

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