Patricia Highsmith

Publié le 26 décembre 2015 par Hunterjones
"Well, whatever you do, however terrible, however hurtful, it all makes sense, doesn't it, in your head? You never meet anybody who thinks they,re a bad person"
Patricia Highsmith fait dire ceci à Tom Ripley dans le premier livre qui met en scène le personnage qui sera, en somme, son alter ego.
Mary Patricia Plangman est enfant unique et souffrira, par le biais de sa personnalité, des travers d'avoir été plus souvent seule qu'en équipe. En fait, elle souffrira moins qu'elle fera souffrir son entourage. Son père était d'origine allemande et quitte le foyer 10 jours avant la naissance de Mary Pat en janvier 1921. Trois ans plus tard, maman refait sa vie avec Stanley Highsmith et Mary Pat est légalement adoptée. La famille passe du Texas à New York. À 12 ans, Patricia est envoyée pendant un an chez sa grand-mère, elle se sent larguée par sa mère, abandonnée, et parle de l'année 1933 comme de la plus triste de sa vie.
En revanche, grand-maman donne la bonne habitude à Patricia de tromper sa solitude par la lecture. Adolescente, elle découvre Dostoïevski, Conrad, Kafka, Gide et Camus. Son style sera plus tard un heureux croisement de tous ces existentialistes.
Terminant ses études collégiales en écriture en 1942, Patricia veut écrire des articles pour les magazines Vogue, Harper's Bazaar, The New Yorker, Mademoiselle, ou encore Good Housekeeping. Mais personne ne veut d'elle. Elle travaillera en tant que scénariste et dialoguiste pour des compagnies de BD de 1942 à 1948.
Son tout premier roman se nomme Strangers on a Train et fait rencontrer deux hommes qui, ne se connaissant point, choisissent chacun de se débarrasser de la femme de l'autre. La violence morale et la noirceur de ce premier roman sera sa marque de commerce pour le reste de son oeuvre. Si le roman connait un succès modeste, le film qu'en fait Hitchcock l'année suivante établit sa réputation à travers le monde.
Elle a tout à fait le ton Hitchcock. Et le gardera toute sa vie. Alcoolique et incapable de garder des relations de plus de quelques semaines, elle préfère la compagnie des animaux que celles des hommes. Elle a une forte inclinaison envers les femmes aussi ayant des relations de courtes durées avec la peintre Alella Cornell (Jusqu'à son suicide en 1946) et la sociologiste Ellen Blumenthal Hill à partir de 1951. En 1952, elle parle de ses attirances pour les femmes dans le roman The Price of Salt sous le pseudonyme de Claire Morgan.
Elle a aussi une intense relation avec le photographe homosexuel allemand Rolf Tietgens, à qui elle dédiera son roman Two Faces of January en 1964.

Entre 1954 et 1964, elle publie 8 romans, dont le The Talented Mr Ripley, qui introduit son équivalent masculin. Un personnage cruel, méchant, manipulateur, opportuniste, égoïste, faussaire, dur à aimer.
Seul.
Patricia préfère être seule en général, ce qui stimule ses idées. Elle adore les chats et en possède plusieurs et élève plus de 300 escargots dans son jardin. Elle pousse l'audace jusqu'à en transporter plusieurs dans une énorme sacoche comme "partenaires" un soir de cocktail. Pat aime la bouteille...
The Cry of the Owl, publié en 1962, sera adapté 25 ans plus tard au cinéma par Claude Chabrol, plus fidèle élève d'Hitchcock de France. René Clément avait aussi fait une adaptation (malheureuse celle-là) de The Talented Mr Ripley sous le titre Plein Soleil en 1960.
Pendant deux ans, entre 1959 et 1961, elle a une relation avec l'auteure Marijane Meaker.
Elle publie trois autres romans dans les années 60 avant de reprendre le personnage de Tom Ripley dans Ripley Under Ground. A Dog's Ransom est publié en 1972 avant qu'elle remette Ripley en scène dans Ripley's Game en 1974. Dédié à son amante Marion Aboudaram, Edith's Diary est publié en 1977. Elle reprend la trame Ripley dans The Boy Who Followed Ripley en 1980 et refera de même en 1991 avec Ripley Under Water. Entretemps, elle publie People Who Knocked on the Door, Found in the Street et 6 recueils de nouvelles entre 1970 et 1985.

Highsmith adore travailler le bois de ses mains et travaille sans arrêt à construire des meubles. Elle développe un réel dédain pour les aliments (!) dont elle prétend qu'ils se déposent en soi et pétrissent la mort sous toutes sortes de formes dégueulasses.
Un sévère ostéoporose la force à se déplacer avec une canne. Plus elle vieillit, plus elle déteste les hommes, qu,elle considère le sexe faible. Elle est tout ce qu'il y a de plus antisémitique. Elle écrira de nombreuses plaintes sur l'influence mondiale d'Israël sous divers pseudonymes malgré ses fortes amitiés avec les auteurs Arthur Koestler et Saul Bellow.
Elle publie deux autres recueils de nouvelles, un en 1987 et un autre en 1990. Toujours noirs et traitant de la laideur humaine.
Certains de ses proches diront d'elle qu'elle était la laideur incarnée en femme, d'autres diront qu'elle était dure, trop franche, très difficile, cyniquement drôle. sec, et très amusante à avoir en sa compagnie.

"Don't you just take the past and put it in a room in the basement, and lock the door, and never go in there? That's what I do. And then you meet someone special and all you want to do is toss them the key, say "open up, step inside" but you can't because it's dark and there are demons. And if anybody saw how ugly it is...If I could take a giant eraser and rub out everything, starting with myself..."
Fait-elle dire à Ripley.
Elle décède en Suisse d'anémie aplasique le jour de mes 23 ans en 1995. Elle habitait ailleurs qu'aux États-Unis depuis les années 80.

Étrangement, par une association mentale teintée à la fois d'ignorance et probablement d'un certain parfum de maculinisme*, je classais Patricia Highsmith dans la catégorie des Mary Higgins Clark, Danielle Steele et Jackie Collins.
J'étais plus que dans le champs. Highsmith est existentialiste et très sombre.
Un roman et un recueil de nouvelles qui ne lui rend pas tellement honneur sont lancés après sa mort pour faire un peu d'argent.  Highsmith lègue sa maison, dont la valeur est estimée autour de 3 millions, à ceux qui l'on fait naître en tant qu'artiste: Yaddo.

The Talented Mr Ripley, adapté par Anthony Minghella, est un film fabuleux, réalisé en 1999.
On dit la même chose du largement sous-estimé Todd Haynes qui a adapté The Price of Salt sous le titre Carol cette année.
Ironiquement, Cate Blanchett est de la distribution des deux excellents films.
*... dont l'ignorance est souvent la source.