[Critique] ROCKY 4

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Rocky 4

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Sylvester Stallone
Distribution : Sylvester Stallone, Talia Shire, Burt Young, Carl Weathers, Dolph Lundgren, Brigitte Nielsen, Tony Burton, James Brown…
Genre : Drame/Suite/Saga
Date de sortie : 22 janvier 1986

Le Pitch :
Rocky Balboa, actuel Champion du Monde des Poids Lourds, attire les challengers du monde entier, qui rêvent de lui ravir son titre sur le ring. L’un d’eux, Ivan Drago, un russe surentraîné, se montre particulièrement insistant. Pourtant, c’est Apollo Creed, l’ami de Rocky et ancien adversaire de ce dernier, qui se présente devant lui à l’occasion d’un match exhibition. Plus jeune, plus puissant et sans aucun état d’âme, Drago tue Apollo sous les yeux de Rocky, qui décide alors de le venger en défiant le russe sur ses terres…



La Critique
 :
Si on devait situer le point culminant de la carrière de Sylvester Stallone, l’année 1986 s’imposerait probablement d’elle-même. Sur le toit du monde, l’Étalon Italien possède deux franchises hyper lucratives (Rocky et Rambo), il domine assez largement ses concurrents (Arnold Schwarzenegger arrive pas loin derrière) et peut tout se permettre. Une monumentale montée en puissance qui ne connaîtra son véritable premier raté que l’année suivante avec la sortie d’Over The Top, dont les scores au box office ont, sur le moment, ébranlé le roc. Son alter-ego, le boxeur Rocky, est lui aussi au top niveau. Nous l’avons déjà souligné, mais les deux hommes suivent la même trajectoire. Rocky étant le reflet assez fidèle de l’acteur-réalisateur. Toujours écrit et réalisé par Sly, le quatrième volet des aventures du gaucher de Philadelphie traduit ainsi un état d’esprit plus confiant. Moins en phase avec l’identité profonde du personnage mais complètement raccord avec l’image de Stallone auprès du public. Un comédien devenu en l’espace de quelques années une sorte de symbole du rêve américain.

En pleine Guerre Froide, pendant que Reagan et Gorbatchev se battent sur le plan politique, Stallone lui, décide d’aller en Russie afin de taper sur la tronche d’un champion du cru, représentant en tous points l’idée que les États-Unis se font des méchants communistes venus du froid. Malgré tout, dans un sens, toujours fidèle à lui même, Rocky passe néanmoins définitivement du statut d’outsiders ignoré de tous, à porte-drapeau d’une nation en mal de héros. Dans ce nouvel opus, ses sentiments passent un peu au second plan. L’homme est décidé et la vengeance sera son moteur.
Quand il parle aujourd’hui de Rocky 4, Sly admet volontiers qu’il s’est un peu laissé emporté par l’euphorie qui était la sienne à l’époque, faisant de son personnage une représentation de l’impérialisme yankee. La séquence, incontournable, qui voit Rocky et Drago s’entraîner, est particulièrement éloquente. Quand le russe utilise les technologies les plus perfectionnées et se dope sans y aller avec le dos de la cuillère, l’américain s’isole dans un coin paumé de la Toundra, dans un chalet, par moins 15 degrés, sous 3 mètres de neige. Il cours dans la poudreuse, escalade des montagnes à mains nues, coupe du bois, ce genre de trucs. Plus tard, alors que Drago, ou plutôt son staff, car le combattant lui-même est représenté tel un robot mono-expressif, continue de mépriser son adversaire américain, c’est Rocky qui fait le premier pas et réchauffe à lui tout seul la Guerre Froide, par la seule force de ses poings et de son grand cœur. Pas étonnant, vu sa dimension politique ultra frondeuse et plutôt bourrine, que Rocky 4 soit l’épisode le moins aimé.
Suivant une progression scénaristique plus ou moins calquée sur celle de Rocky 3, le long-métrage ne va pas trop chercher midi à quatorze heures et se sert davantage de ce que représente Rocky au vue du contexte de l’époque, au détriment des sentiments de l’homme et de son passé. En sacrifiant Apollo, la métaphore du ricain arrogant et trop confiant, pour ensuite confier les clés de sa rédemption à l’ancien tricard, le film affirme son statut d’œuvre de propagande et fait au passage une plus large place à l’action.

En toute logique, et c’est dommage, les personnages secondaires passent un peu à la trappe. Paulie est bien toujours là, quelque part dans le fond, mais il semble plus effacé (on lui doit quand même l’une des répliques les drôles de la saga, soit, alors qu’un journaliste demande à Adrian si elle parle le russe, et qu’il répond « Elle siffle couramment la vodka. »). Idem pour Adrian, qui a peur pour son Rocky, mais qui brille surtout par son absence du cadre. Par contre, Tony Burton, l’entraîneur d’Apollo, tient une place plus importante et on voit James Brown interpréter un de ses titres phares, à la gloire de la Bannière Étoilée (oui encore). Pas mal…
Heureusement, quoi qu’il en soit, la mort d’Apollo, personnage crucial de la saga, apporte un surplus de dramaturgie. Tout est un peu trop manichéen, mais au fond, quelque-part subsiste encore ce qui fait que Rocky reste Rocky. Il trime toujours pour arriver à ses fins, garde ce bon cœur si caractéristique, et se montre également sans cesse plus combatif.
Car on pourra dire ce qu’on voudra de la signification de Rocky 4, mais difficile de ne pas vibrer devant l’incroyable morceau de bravoure que constitue le match final. Voir Rocky s’attaquer à ce molosse en apparence indestructible, puis venir petit à petit à bout de l’armure de ce dernier, a quelque chose de terriblement intense et de véritablement cinématographique. Si il sert un discours téléphoné, bien que toujours sincère, le film sait aussi proposer du grand spectacle et tant pis si il s’agit là de l’opus le moins réaliste du lot, car le plaisir est là. Dans son premier grand rôle au cinéma (il n’avait alors fait qu’un passage dans le James Bond, Dangereusement Votre), Dolph Lundgren se pose là. Telle une montagne avec des yeux et une coupe en brosse. Il est le bloc soviétique à lui tout seul et quand il tape, en général, le mec en face voit double pendant un moment (au mieux). Sans repousser les limites du métier d’acteur, Lundgren fait mine de rien le job, parfaitement en phase avec les intentions du scénario. Il en est de même pour Brigitte Nielsen, alors mariée à Stallone, dont le charme glacial cadre parfaitement avec son rôle de femme manipulatrice.

Rocky 4 est bien sûr le plus faible de tous les films de la saga. Cela dit, il conserve un charme indéniable qui lui a permis de conserver une aura en somme toute particulière. Parfait produit de son époque, sorte de mètre-étalon du cinéma populaire américain des années 80, il dénote peut-être franchement avec les deux premiers opus de la franchise, mais brille par son efficacité brutale et sa propension à faire passer un message de paix avec une maladresse plutôt touchante.

@ Gilles Rolland

  Crédits photos : MGM