Miniatures persanes : generalites

Publié le 23 janvier 2016 par Aelezig

Les thèmes de la miniature persane sont pour la plupart liés à la mythologie persane et à la poésie. Les artistes occidentaux l'ont surtout découverte au début du XXe siècle.  

Il est difficile de tracer les origines de l'art de la miniature persane, qui a atteint son sommet pendant les périodes mongoles et timourides (XIIe et XVIe). Les dirigeants mongols de la Perse ont répandu le culte de la peinture chinoise et l'ont apporté avec eux, comme un certain nombre d'artisans chinois. Le papier lui-même est arrivé depuis la Chine en 751 d'abord dans la région de Samarcande et Tachkent, puis en 753 dans l'Iran actuel, atteignant Bagdad en 794. L'influence chinoise est donc très forte sur cet art.

La fonction la plus importante de la miniature est l'illustration. Elle illustre un texte littéraire, le rendant plus agréable et facile à comprendre. La miniature se développe en s'associant aux langages poétiques et artistiques. Pendant les dix derniers siècles, de nombreuses œuvres littéraires ont inspiré les grands artistes de leur temps. À la fin du Xe siècle, Ferdowsi compose son poème épique, Shah Nama (« Le Livre des rois »), qui, en plus de 50.000 couplets, relate par des faits et des légendes l'histoire du pays depuis la création du monde jusqu'à la conquête arabe au VIIe siècle. Au XIIe siècle, le poète Nizami compose son romantique Khamseh (cinq histoires versifiées), très populaire et qui a été imité plusieurs fois par des poètes indiens écrivant en persan. C'est au XIIIe siècle que Saadi écrit ses célèbres Boustan et Golestan. Le Golestan (« Jardin des fleurs ») est un recueil d'anecdotes moralisatrices et divertissantes, de proverbes écrits dans une prose versifiée ou même en vers. Le Boustan est un poème didactique au ton lyrique et avec une composition sous forme d'anecdotes. Il est considéré comme un des chefs-d'œuvre de la littérature persane.

Au XIVe siècle sont créées les œuvres éclairées et romantiques d'Amir Khosroe Dehlavi, de Khadjou Kermani, de Hafez, et de Kamal Khodjandi. Le XVe siècle a été aussi l'époque du poète à multiple facettes nommé Djami, qui a écrit sept poèmes épiques appelés Haft Owrang ("Les Sept trônes" ou "Grande Ourse"). Sa poésie regroupé les différentes catégories de littérature décrites précédemment.

Cette grande richesse dans la littérature a permis l'émergence de nombreuses écoles importantes de la miniature, chacune possédant son style unique, et permettant ainsi une grande diversité de peintures. C'est à travers ces écoles que la peinture miniature a atteint son apogée, à la fois en Iran et en Asie centrale. Les trois écoles ayant eu le plus d'influence sur la miniature étaient situées à Chiraz, Tabriz et Herat (actuel Afghanistan).

Les écoles

Aux XIIIe et XIVe siècles, Chiraz, la capitale du Fars, connaît un nouveau développement de sa vie culturelle. C'est l'époque de Saadi, de Kermani et de Hafez. La poésie s'épanouit, et la miniature l'accompagnet. Une des œuvres les plus importantes pour les illustrateurs de l'époque est le Shah Nama, et à Chiraz, de nombreux peintres se consacrent à ce travail. Dans les miniatures de Chiraz du XIVe siècle, la symétrie dans la construction est prédominante, et la plupart des compositions ressemblent à des frises, linéaires et monotones.

Cependant, l'école de Chiraz va influencer toute la Perse, et à la fin du XVe siècle, elle produit des miniatures de la plus grande qualité. Les illustrations du Khamseh par Nizami sont un exemple de l'apogée de l'école de Chiraz. Tout est complet, clair, à la fois dans la composition et le rendu des détails et dans le contour des silhouettes. Les traits sont fermes et confiants. 

Vers la fin du XIIIe siècle, l'école d'art de Tabriz est fondée. Les développements artistiques des débuts diffèrent de ceux de Chiraz, puisque les illustrations combinent des traits extrêmes-orientaux avec le style de peinture arméno-byzantin. Cette influence peut être expliquée par la position géographique de Tabriz, qui est proche de la frontière arménienne. Des relations plus étroites se sont ensuite faites entre les différents styles artistiques des écoles de Chiraz et de Tabriz au début du XVe. Cette époque est liée aux déplacements des peintres qui commencent après que Tamerlan a conquis Bagdad. C'est à Bagdad qu'Ahmad Moussa fait évoluer la miniature persane de son temps. D'autres œuvrent à Tabriz. Nombre d'artistes sont amenés à Samarcande, la capitale du conquérant, ainsi qu'à la cour de son petit-fils, Iskandar Sultan, le maître de Chiraz. 

Au XVIe siècle, sur les vastes territoires de l'Iran et de l'Asie centrale, la poésie de Djami est extrêmement populaire, et permet d'enrichir l'art de la peinture de nouveaux thèmes. Cela marque le début de nombreuses écoles artistiques en Iran. Dans les miniatures de Tabriz de cette période, apparaît une magnifique habileté à créer, dans un espace limité, la représentation détaillée d'une scène particulière ou d'un paysage, par exemple le dessin d'un palais, incluant une partie de sa cour, de son jardin et de son intérieur. L'élégant Mirza Ali est un des miniaturistes notables de cette époque.

À partir de cette date, l'architecture et les paysages sont reproduits aussi complètement que possible. Les portraits dans les compositions sont peints de manière plus vivante et naturelle, comme cela est visible chez Sheikhi de Tabriz.

Dans la première moitié du XVe siècle, une école artistique s'établit à Herat. Les meilleurs artistes des écoles de Tabriz et de Chiraz s'y installent. Dans les premières miniatures produites à Herat, la représentation des visages est devenue bien plus habile et le dessin a beaucoup gagné en précision. Les artistes de Herat peignent des portraits magnifiques, faisant alors du décor un simple accompagnement. 

Un des peintres les plus connus et ayant eu le plus d'influence dans l'école de Herat est Kamaleddin Behzad, dont l'art créatif a grandement été inspiré des œuvres des poètes Djami et Navai. Dans ses travaux, on remarque une attention unique portée aux portraits. Les œuvres de Behzad mènent la miniature à son apogée. Il partage la célébrité des œuvres d'Herat avec d'autres miniaturistes d'importance de son époque : Mirak Nakkash, Kassim 'Ali, Khwadja Mohammad Nakkash, et Shah Mouzaffar. Parmi ses disciples, l'on compte Doust Mohammad, Sheikhzadeh à Herat et Agha Mirek à Tabriz, excellent animalier.

Le thème des miniatures devient plus limité au fur et à mesure que le temps passe. Au XVIIe siècle, Ils portent principalement sur des scènes d'amour, des portraits et même des copies d'images européennes. Mohammad Youssouf, Mohammad Zaman (influencés par l'art européen, en particulier flamand) et Mohammad Kassim participent de cet art, mais le maître le plus important est alors Reza Abbasi (formé par son père Ali Asgar). Au XVIIIe siècle, apparaît un nouveau genre privilégiant les fleurs et les oiseaux.

Couleurs

Les artistes persans utilisent des couleurs d'origine minérale, non organique ou organique. Il s'agit de l'or, de l'argent, du lapis-lazurite qui est à la base du bleu outremer. On utilise aussi un vermillon clair, extrait du cinabre. Le jaune est produit à partir de l'arsenic de soufre et le vert de la malachite. Le choix de tel ou tel piment est dicté par leur valeur, leur vogue, leur quantité disponible. Parfois des pigments sont préférés à d'autres. Plus souvent que la malachite coûteuse, les artistes se servent d'un vert-de-gris, que l'on obtient en immergeant des plaques de cuivre dans du vinaigre et que l'on place ensuite pendant au moins un mois dans des caves ou des fosses. Il existe aussi plusieurs façons de remplacer le cinabre qui coûte cher. On fait ainsi réchauffer du mercure et du soufre pour donner du vermillon. Les couleurs rouge clair, orangé ou orange que l'on admire dans beaucoup de miniatures persanes sont préparées à partir du minium qui est toxique. Malgré les dangers d'empoisonnement, les préparateurs des ateliers des peintres se servent de ce qui coûte le moins cher... Le noir lui est obtenu comme partout ailleurs avec le charbon de bois que l'on réchauffe après l'avoir mélangé avec de la noix de galle. 

Quelques pigments corrosifs détruisent le papier à la longue. C'est pourquoi, même conservées dans les meilleures conditions, certaines miniatures s'abîment.  

Pinceaux et techniques

Selon Sadiq Bek, auteur du Canon de la représentation de l'image écrit à la fin du XVIe siècle, le pinceau le plus adéquat est en poil d'écureuil. La longue laine du chat persan est aussi utilisée avec succès par les peintres. L'artiste utilise seulement des pinceaux dont les poils sont de la même dimension. Il les coud avec un fil, tandis que le tube est constitué d'une plume d'oiseau jusqu'au bout étroit. Les pinceaux sont bien sûr divers, du plus fourni, au plus fin. La peinture persane est caractérisée par la tradition, c'est pourquoi les artistes utilisaient souvent le pochoir pour reproduire des motifs. Celui-ci est fait d'une page blanche superposée sur le dessin à copier ; les contours sont perforés à l'aide d'une aiguille. Ensuite on prend du charbon écrasé qu'on secoue au-dessus du pochoir, sur la nouvelle feuille à décorer. Le maître retrace ensuite le contour au pinceau et n'a plus qu'à colorier.

Avant la mise en couleur, il faut une sous-préparation avec les contours à peine visibles. Pour les manuscrits les plus précieux, la miniature n'est pas exécutée directement sur le feuillet. L'artiste colle la feuille qu'il a peinte sur le manuscrit. Ou bien le feuillet est recouvert d'une couche de plâtre très fine délayé dans de la gomme arabique et l'artiste peint sur cet enduit.

Dans les bibliothèques (ketabkhaneh) importantes ou royales, beaucoup de corps de métier sont impliqués en plus des peintres eux-mêmes et des calligraphes. Il y a en premier le chef du projet qui doit décider quels sont les épisodes de l'œuvre qui seront illustrés. Si le champ de la page doit être recouvert de motifs décoratifs d'or, c'est un maître spécialiste qui intervient. Le calligraphe écrit son texte en laissant de la place pour les illustrations. Les peintres entrent en action une fois les travaux des doreurs et des calligraphes terminés.

Lorsque l'ouvrage est achevé, les feuillets sont cousus et le manuscrit, relié. Les couvertures sont faites de cuir estampé recouvert d'arabesques, et au XVe et XVIe siècles, d'un filetage. À partir de cette époque, il devient à la mode de réaliser des couvertures laquées. Les manuscrits persans sont donc extrêmement coûteux et nécessitent le long travail de toute une équipe. 

Le manuscrit persan relié le plus ancien est un traité astronomique composé par Abd ar-Rahman as-Soufi en 1009-1010 et conservé aujourd'hui à Oxford à la Bodleian Library. Cependant ses illustrations ont une valeur explicative et apparaissent plus comme des dessins coloriés, que des miniatures.

Les miniatures persanes - au plein sens du terme de miniature - qui sont composées avant l'invasion mongole, sont celles qui illustrent le manuscrit Varka et Golshah daté de la moitié du XIIIe siècle. Cette œuvre est un roman chevaleresque écrit au XIe siècle par Aiuka. Le manuscrit est illustré de soixante-et-onze miniatures. Il est conservé au musée de Topkapi d'Istanbul. Le manuscrit est un exemple unique de la tradition artistique persane qui s'est perpétué malgré la forte influence chinoise subie sous l'administration mongole. C'est à partir du XIIIe siècle que commence ce que l'on peut considérer comme la continuité d'adoptions de styles et de principes artistiques qui permettent de parler de la miniature persane, comme d'un phénomène stable sur plusieurs siècles et plongeant ses racines dans certaines régions asiatiques avec le développement de plusieurs branches stylistiques.

Traditionnellement, cet art, comme du reste tout l'art islamique, peut être divisé en plusieurs périodes selon le règne de telle ou telle dynastie.

D'après Wikipédia