The danish girl, un amour à toute épreuve

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Tom Hooper, devenue spécialiste des biopics après ces travaux sur Élisabeth I, George VI, Brian Clough, John Adams, Myra Hindley ou encore Lord Frank Pakenham, revient avec une nouvelle biographie, s’attaquant, avec The danish girl, cette fois-ci à un illustre inconnu, Einar Wegener, artiste fameux dans son temps à Copenhague mais tombé dans l’oubli, tandis que sa femme, Gerda Wegener connut la gloire en le portraiturant. Einar Wegener fut le premier homme à subir une opération de changement de sexe, le premier transgenre.

À la fin des années 1920, Gerda Wegener (Alicia Vikander) vit dans l’ombre de son mari, Einar (Eddie Redmayne que l’on a vu dans Jupiter : Le destin de l’univers), qui est un peintre paysagiste apprécié. Portraitiste, elle demande parfois à son mari de se travestir pour remplacer un modèle absent. Petit à petit, Einar prend goût au travestissement et remet en cause son identité masculine. Pour le couple, un long chemin d’hésitation et d’acceptation s’entame. Il deviendra Lili Elbe. Einar Wegener (Eddie Redmayne)

The danish girl est un chef-d’œuvre, ne mâchons pas nos mots. Tout d’abord, il y a cette incroyable photographie. Le film suit deux artistes peintres et il faut dire que chaque plan de celui-ci est une œuvre à part-entière. Chaque plan est un tableau en lui-même. Le travail sur les lumières, sur les expositions, sur les couleurs suffit en lui-même à faire effleurer l’émotion. Le Copenhague des années trente, le vieil appartement du couple, tous les lieux bénéficient de la même rigueur artistique. La mise en scène de Tom Hooper alliée au travail du directeur de la photographie Danny Cohen, qui avait travaillé sur Le monde de Nathan, et de l’interprétation saisissante, à fleur de peau d’Eddie Redmayne, tend à donner aux obsessions d’Einar, une véritable sensualité. On croit vraiment que quelque chose se passe dans l’esprit du peintre. À travers cette mise en scène érotisée, évoquant son amour inavoué des habits féminins, rendant si charnelle sa relation au travestissement est parfaitement illustré qu’il n’est pas à l’aise dans son corps d’homme, que son mal-être est aussi physique que psychologique. The danish girl ne fait pas l’économie de prendre le temps du doute et montre à quel point, surtout à l’époque, il peut-être difficile d’aller totalement à contre-courant des conventions et de la société. Le combat que mène Einar Wegener pour combattre les derniers remparts de la bienséance, de la morale bourgeoise et hétéronormé, de la psychiatrie punitive, et surtout de ces propres appréhensions est bouleversant. Le chemin de traverse qu’emprunte Einar est souvent un chemin de croix.

Gerda Wegener (Alicia Vikander)

Dans les années 20, Lili Elbe a se battre contre toutes les institutions et contre sa propre éducation. Reste que d’après le biopic de Tom Hooper, elle eut la chance d’être très bien entourée et de bénéficier de beaucoup d’amour. Sur ce point, The danish girl, gagne encore plus en dramaturgie. Tout est sujet à émouvoir les cœurs les plus dur. Le combat d’Einar pour s’affirmer, l’amour et l’abnégation de sa femme, l’amitié sans faille de ses amis sont autant de ficelles scénaristiques à la fois éprouvantes, parfois tragiques, profondément lyriques. Au premier rang des personnes que Lili Elbe eu la chance de rencontrer se trouve bien sur sa femme Gerda. Très ouverte d’esprit, elle accepta facilement le goût de son homme pour le travestissement mais, bien entendue, il fut très dur pour elle d’accepter qu’Einar disparaisse au profit de Lili. L’histoire d’amour qui unie ses deux êtres, aux premiers abords très charnelles devint platonique par la force des choses mais le lien qui les réunissait ne faiblit jamais. Meurtrie, mais fondamentalement amoureuse, Gerda accepta et accompagna Einar jusqu’à l’opération. C’est Magnus Hirschfeld, un homme exceptionnel, médecin et sexologue, qui supervisa les opérations. Grand défenseur des homosexuels, pionnier du troisième genre, il dut fuir la montée du nazisme et mourut, en exil, à Nice. Henrik (Ben Whishaw que l’on a vu dans Spectre), un homosexuel séduit par Lili Elbe, fut un ami tendre et fidèle, qui compris les tourments d’Einar. De la même manière, le galeriste Hans Axgil (Matthias Schoenaerts), fut un soutien de poids. Hétérosexuel, il fut néanmoins le premier émoi amoureux d’Einar dans sa jeunesse. C’est Gerda, prête à tout pour aider son mari, qui le contacta, lors de leur séjour à Paris. Lili Elbe (Eddie Redmayne)

The danish girl est une incroyable histoire qui méritait d’être racontée. Avec brio, Tom Hooper y explore quasiment l’intégralité du spectre des sentiments et des ressentiments qui peuvent apparaître dans de tels situations. Et au-delà de l’aspect didactique du récit, c’est avant tout une magnifique histoire d’amour servi par une réalisation exceptionnelle et des acteurs inoubliables.

Boeringer Rémy

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