[Lu pour vous] Quentin Tarantino Un Cinéma Déchaîné – Recycler à neuf?

Par Neodandy @Mr_Esthete

Peut-on qualifier le style de Quentin Tarantino en un mot ? Dix plumes associées structurent leurs thèses en érigeant la liberté conditionnelle, (Celle des personnages créés et des obligations liées au format cinématographique) la violence et l'abondance des tirades comme les moteurs d'un " cinéma citationnel ". (P. 101 - " L'image-vengeance. Tarantino face à l'Histoire. " Marie GIL et Patrice MAGNILIER) La passion débordante de Quentin Tarantino pour le cinéma devient un tremplin où le sang, l'existence de ses personnages et leurs paroles, en apparence vaines, dégagent des inquiétudes souvent vertigineuses dans le passé afin de mieux évoquer le temps présent.

Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné rappelle, plus que jamais, à quel point la beauté et le sens dépendent d'un regard. Rédigé en interprétations collectives sériées, Quentin Tarantino Un cinéma déchaîné adopte une tonalité universitaire, toujours menée avec l'idée d'un gain de sens pour le lecteur. Si Quentin Tarantino a réussi à singulariser son style, la ligne éditoriale de l'oeuvre mise sur une faculté créative attestée qui n'a plus qu'à s'expliquer. Les rouages en question se mettent en marche avec plus ou moins d'éclat en fonction mais animé par un motif commun : la sensation large de citation(s), d'emprunt(s) prêt à être satellisé(s) à une originalité aux tenants politiques et historiques connectés à un temps présent. Et ce ... Dès Reservoir Dogs. (1992)

Du sang et des palabres.

" C'est que Kill Bill, mieux qu'aucun autre de ses films, se prête aussi à une autre forme de lecture : une économie du geste pur, réduit à sa plus simple expression, et se passant presque des mots. " (Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné, " L'épure en costume d'arlequin ", p. 55)

Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné s'organisait déjà en rétrospective synthétique éclairée dès sa première parution, une année après la sortie de Django Unchained en salles. (2013) Une organisation littéraire réitérée et conservée dans la deuxième édition " augmentée " : film après film, chaque article à un moment ou à un autre ne peut passer outre le poids des tirades dans les réalisations finalisées par Q. Tarantino. Avec Pulp Fiction (1994), le deuxième long-métrage du cinéaste méprend encore les nouveaux spectateurs : ce sont bien les palabres bon poids qui habillent un traditionnel film de trafiquants déclassés en une réalisation incroyablement dense et presque éloignée de toute action. Dans un genre habitué à faire pleuvoir les balles, surtout dans un long-métrage américain, Quentin Tarantino finalise un dialogue au sommet de la futilité inspiré d'un cinéma plutôt européen. Un type de cinéma qui est désespéramment à l'origine de soupirs usés dans nos salles car souvent prévisible. Subtilement, l'ouvrage compte ses points et le marque ici, dans le domaine des dialogues. Si Pulp Fiction détonne et saisit à rebrousse poils partout où il est aperçu, le film le doit en partie à son incongruité (Incompatibilité) au cinéma américain en général. Pays où le colt est roi. Collectés et résumés dans environ 170 pages, Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné créé un angle malin et souvent pertinent aux huit actuelles réalisations du cinéaste américain.

Le livre se voue, dans un sincère parti-pris, aux amoureux du cinéma de Quentin Tarantino. Quant aux incontournables et broussailleux dialogues, ils rafraîchissent notre bon souvenir à une prise souvent émise à propos du réalisateur. Aucun scénario à aucun moment que cela soit, n'a été le fruit d'une écriture grasse sur des feuilles de boucher. L'apparence brute de décoffrage résulte, au contraire, d'une construction qui a souvent porté préjudice à l'identité filmographique de Q. Tarantino.

La réunion des cinémas.

" Voyez la magnifique description de la Mercerie dans le scénario de Quentin Tarantino (p.35) : " [...] Si cela fait d'eux un magasin, eh bien c'est un magasin. La Mercerie de Minnie est beaucoup de choses, mais la seule que ce n'est pas, c'est une mercerie. " (Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné, p. 168 : " Enfants gâtés " à propos de Les huit salopards.)

Les renvois au script (Le document technique dans son intégralité.) ne se font qu'au biais de références éparpillées. (Exemple notable à la page 168 de l'édition augmentée (2016) de Quentin Tarantino : Un Cinéma Déchaîné.) Comme s'il s'agissait d'un point sensible voire d'un ensemble difficile à défendre. Techniquement exemplaire, Quentin Tarantino ne prêche pas pour la bienséance et la bonne pensée. Dans tout film de Q. Tarantino, le mot " Nigger " coudoie des narrations complexes : le recyclage opéré par le cinéaste s'apparente aussi à un soudage de cultures jugées incompatibles. Voire d'une certaine bassesse pour être solides. C'était observer une histoire de vengeance dans le costume chamarré emprunté à un certain Bruce Lee dans Le jeu de la Mort. Plus récemment, c'était citer John Carpenter dans Les Huit Salopards en reprenant le huis-clos de The Thing. L'outrage retenu, ce sont des réminescences peu nobles, qui ne peuvent absolument pas être ennoblis sous des prétextes avant tout dogmatiques. Patrick Bonitzer dans son article " De la distraction " à propos de Pulp Fiction relate l'image épaisse renvoyée par le cinéma de Monsieur Tarantino : [pour des collègues critiques] " Evidemment, de Murnau à Tarantino, il y a un monde, et ce monde ne plaide pas pour celui de Tarantino ... " (p.31) Il existe(rait) des niveaux de cinéma comme l'on prétend distinguer des niveaux de cultures. Dans la grande ménagerie de Quentin Tarantino, les genres successifs abordés, c'est-à-dire un large panel en dehors du space opera, prouvent que les mélanges ne sont pas des problèmes.

Le cinéma est une grande école à laquelle Q. Tarantino n'a pas participé. Cette absence, ce manque dans son C.V., l'érige en pirate des codes habituellement théoriques, enseignés et appris à l'école. La passion, la compréhension, et le bouillon socio-culturel lui permet d'être délié de certaines contraintes. Jusqu'à peu, Q. Tarantino et contenu intellectuel semblaient être un oxymore de circonstance ...

(Sur)interprétations ?

Q. Tarantino passionne pour ses portes ouvertes à l'interprétation et l'expression de nos sensibilités. A juste titre, les piqûres de rappel de Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné opèrent à des retours méthodiques sur images et annotent les fameuses références (Non exhaustives) qui justifient le titre de " cinéma citationnel ". Le contenu jeté en basse-cour pour sa popularité grossière devient un débat d'idées pleinement actif pour mieux définir la filmographie de Q. Tarantino : ce sont des décalages entre passé et présent quasi constants, des interrogations à foison sur la subversion des genres, le doute inhérent à ses personnages et leur constance à l'ironie. Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné voue une loyauté sans faille en réalisateur. En contrepartie, les diverses interprétations et cheminements laissent peu de place à des doutes légitimes : ce n'est pas sous l'angle des fantômes (p. 9) qu'il est forcément préférable d'observer Reservoir Dogs et Pulp Fiction tandis qu 'Inglorious Basterds ne fait pas forcément le choix d'être soit un conte (p. 128)à soit un regard présent sur le passé. (p.121)

La diversité des plumes de Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné offre des exemples idéaux pour louer une facette du travail de Q. Tarantino : sans cesse, son cinéma ose un équilibre. Dans premier temps, celui d'une consommation rapide de ses créations associées à un jugement (Appréciation ou dégoût.) et dans un second temps, un retour sur expérience par un nouveau visionnage. Des retombées inenvisageables sans écrire, sans une certaine finesse, sans le goût d'une citation rénovée. On peut, sans mal, avouer que Quentin Tarantino : Un cinéma déchaîné s'engage solidement et sérieusement sur une étude cinématographique collective passionnante.