Gaz de France, de Benoît Forgeard

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Note : 3/5 

Après de nombreux courts métrages et plusieurs programmes sur des chaînes de télévisions à la fois publiques et privées, nous avons pour la première fois la possibilité de découvrir un long métrage de Benoit Forgeard. Bien que Réussir sa vie soit sorti en salles en 2012, celui-ci était composé de trois courts métrages précédemment réalisés en 2006 et 2009. Nous pouvons donc considérer Gaz de France comme sa première œuvre longue.

Copyright Shellac

Les spectateurs ayant l’habitude de se fier à un titre pour le choix d’un film seront surpris car l’occurrence au gaz français est courte et plutôt insignifiante. Là commence le cinéma de Benoit Forgeard construit en queue de poisson. Le véritable sujet du film est celui d’une déclaration future du Président de la République aux Français.

Dans un futur proche, le Président Bird, successeur de François Hollande, subit une sévère baisse de popularité et ses conseillers décident qu’il doit faire une déclaration forte aux Français qui bouleversera positivement leur opinion. Le Président et ses conseillers ont donc vingt-quatre heures pour trouver le contenu de cette déclaration. Ceux-ci font alors appel à des intellectuels variés pour composer un comité de réflexion. Le film entier tourne autour de la recherche d’une idée pour la déclaration du soir même.

Il n’est pas surprenant d’apprendre que Benoit Forgeard a suivi des études d’art contemporains, d’abord aux beaux arts puis à l’admirable studio national des arts contemporains du Fresnoy, car il y a dans ce film une dimension plastique et expérimentale forte.

Si le récit dit advenir dans une époque et un espace contemporain, nous n’y reconnaissons rien de notre quotidien. Le palais de l’Elysée semble être une base secrète et futuriste composée d’un dédale de pièces et de passages inconnus. Il faut s’y abandonner pour profiter de l’expérience cinématographique que nous propose le réalisateur.

Copyright Shellac

Nous pénétrons un univers où l’espace est différent, où le temps est à la fois étendu et court, et où le son est intrusif et hypersensible. Oublions nos conceptions classiques de la mise en scène et prenons place au milieu d’un espace scénique nouveau. Plusieurs fois nous avons en effet la sensation d’assister à une pièce théâtrale contemporaine : par la théâtralité du jeu des comédiens et l’artifice flagrant des décors. Mais alors la proximité du son et le découpage des scènes nous rappellent l’objet filmé. Cette expérience de cinéma nous laisse effectivement réfléchir à la projection elle-même.

Le récit se développe lentement et les étapes de la progression du comité sont secondaires à la mise en scène pure et aux appartés des personnages entre eux. Autant dire que durant l’heure vingt-six que dure le film il ne s’y passe pas grand chose. Pourtant lorsque se termine la séance nous sommes surpris du temps déjà écoulé. Cette confusion entre temps ressenti, temps du récit, et temps écoulé nous donne alors la sensation de nous réveiller d’un rêve.

Nous ne ressortons pas de la projection de Gaz de France excités comme après une grande et bonne claque de cinéma, mais encore sous l’emprise hypnotique du film. Cette œuvre nous invite à mettre en doute nos perceptions et nos habitudes sensorielles. C’est donc aux curieux qu’il faut la recommander pour que ce cinéma semi fictionnel, semi expérimental continue d’exister sur nos écrans.

Marianne Knecht

Film en salles depuis le 13 janvier 2016