De l’architecture décorative : la fabrique

Par Artetvia

Une fabrique ? Le mot est polysémique bien entendu. L’autre terme pour l’usine ou l’atelier de fabrication ? Ce n’est pas ça. Le « conseil économique » de la paroisse, toujours établissement public en Alsace-Moselle ? Vous n’y êtes pas non plus.

Pour vous aider, cherchons dans le Larousse, qui donne cette définition : « Petit temple, ruine ou autre construction de fantaisie servant à l’ornementation d’un jardin (particulièrement à l’anglaise), d’un parc paysager. ».

Hé oui, une fabrique est une construction ornementale. Certains lui accolent le substantif « de jardin », puisque en effet, il s’avère que ces monuments sont placés le plus souvent dans ce lieu.

Avant toute chose, la fabrique est ornementale ; c’est même son objectif premier. C’est un monument d’agrément pour les yeux : dans un univers naturel, jardin ou parc, plus ou moins modelé par l’homme, la présence d’une construction humaine permet de rythmer la promenade, quand elle n’est pas son but, et d’unir esthétiquement le végétal et le minéral.

Ermenonville

La fabrique est une construction : un amas de rochers présent naturellement ne rentre pas dans cette catégorie. En revanche, une grotte artificielle, un faux dolmen est une fabrique.

Enfin, beaucoup d’entre elles ont un objectif également utilitaire : c’est un lieu de détente et de rafraîchissement, du style « Baguenaudons gentiment à travers prés et reposons nous à l’ombre de la pagode », ou bien du style « O Melpomène, viens inspirer mes vers tel un nouvel Orphée ». Bon, moins poétiquement, elles peuvent servir aussi de remise pour les râteaux, binettes et autres fourches.

Cette mode nous vient, dit-on, d’Angleterre, où l’art des jardins atteint son apogée au XVIIIe siècle. L’époque est au romantisme, à l’exotisme et au classicisme et les immenses parcs des châteaux anglais voient fleurir des constructions dédiées à l’agrément : temples et ruines antiques, pagodes et pyramides, chaumières et fermes.

Schönbrunn

Certaines peuvent avoir une taille conséquente : l’exemple le plus connu est sans doute le hameau de la Reine à Versailles, qui regroupe une ferme, une laiterie, une grange, un colombier, un moulin, etc… : la Reine voulait sans doute respirer un peu, retrouver les joies simples et s’imaginer vivre une grande aventure (un peu comme nos bobos parisiens qui louent à prix d’or des cabanes dans les arbres, avec lait de soja bio et toilettes sèches en prime).

Au XIXe siècle, la mode change un peu : on continue à apprécier grottes et sources, on y ajoute des tours gothiques, des pagodes chinoises. Elle se poursuit au XXe siècle suivant, dans une moindre mesure, faute d’espace et d’argent. On note par exemple les fabriques du château de Groussay (Yvelines), érigées après la seconde guerre mondiale, conservant une source d’inspiration très classique.

Staunton Country Park

Bon nombre d’entre elles sont d’une belle qualité architecturale. Et de grands artistes se sont prêtés à l’exercice : Vignole à Bomarzo, Jean-François Leroy, architecte du Prince de Condé, à Chantilly, Hubert Robert pour le Parc Jean-Jacques Rousseau, Augustin Pajou pour le Cénotaphe de Cook au château de Méréville, etc.

Près de Paris, vous pouvez aussi visiter le Désert de Retz à Chambourcy, Bagatelle bien entendu, le parc de Jeurre, la Folie Saint-James à Neuilly.

Désert de Retz